Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №14/2007

Arts et culture

Mireille Mathieu (1946), la Demoiselle d’Avignon

Mireille, dite « Mimi » n’a que quatre ans quand elle a chanté en public pour la première fois, c’était pendant la messe de minuit. Aujourd’hui, c’est la plus grande chanteuse française à l’étranger, entourée de mystères. Ce qu’on sait c’est que la chanteuse insiste toujours pour se faire appeler « Mademoiselle » par son personnel.

Elle n’a jamais été une yé-yé, mais une chanteuse sentimentale à voix. Son personnage s’est longtemps composé d’une petite robe de velours bleu et d’une paire d’escarpins noirs. Elle a vendu en quarante ans 122 millions d’albums et représente toujours à l’étranger la France du Général de Gaulle et de la tour Éiffel. Elle a été Marianne, et aujourd’hui, quand il s’agit de chanter La Marseillaise, c’est encore elle qu’on dérange. « Je suis fière de représenter la France dans le monde », dit-elle. Elle tient cela de son père qui dormait avec son chapeau, mais qui se décoiffait quand il entendait La Marseillaise à la télé. Elle est reçue partout comme une ambassadrice. Mireille Mathieu a chanté devant tous les publics, dans tous les pays et elle est autant aimée des gens simples que des grands de ce monde. Des rencontres, des révérences et des serrements de main avec Maurice Chevalier, Reagan, Elvis Presley, Mitterrand, Jean Paul II, qui l’a reçue en audience à deux reprises. Le président russe Poutine lui fait le baisemain et la couvre de fleurs.

Dans l’ombre de la grande Édith

Son histoire a souvent été assimilée à un conte de fée. Née le 22 juillet 1946 dans la cité provençale d’Avignon, Mireille Mathieu est l’aînée d’une famille très pauvre de 14 enfants. Sa mère Marcelle et son père Roger élèvent leurs enfants dans une minuscule baraque en bois qui laisse passer la pluie et le vent à travers portes et fenêtres. Tailleur de pierre, Roger travaille dans une modeste entreprise familiale : « C’est lui qui a fait le tombeau d’Albert Camus », raconte Mireille. C’est son père qui lui disait : « L’honneur, c’est comme les allumettes, ça ne sert qu’une fois. » Mireille a 15 ans, lorsque la famille déménage dans un appartement tout neuf de cinq pièces et, lux suprême, avec une salle d’eau. « Ç’a été le plus beau jour de ma vie, pour la première fois, j’ai pris un bain! C’était une sensation extraordinaire... ».

Véritable seconde mère pour ses frères et sœurs, Mireille quitte l’école à 13 ans pour travailler. Elle est ouvrière dans une usine de cartonnage. Elle a une vie difficile. Les vacances ? Les loisirs ? Ce sont là des mots dont la famille Mathieu ignore la signification. Mireille n’a qu’une seule passion : la chanson. Son idole qu’elle imite est Édith Piaf.

En 1964, le concours de « Télé-Dimanche » est organisé à la mémoire d’Édith Piaf dans toute la France. Mireille le gagne à Avignon, sa ville natale et monte à Paris pour participer à la finale. C’est comme ça qu’elle se retrouve le 28 novembre 1964 à la télé où on la présente comme finaliste du concours de « Télé-Dimanche ». Ce jour-là, elle emporte le premier prix devant 10 000 téléspectateurs, qui croient, un instant, revoir la grande Édith, récemment disparue. Un mois plus tard, elle est invitée à l’Olympia, dans le programme de Sacha Distel. Elle n’y chante que trois chansons de Piaf … mais c’est un véritable triomphe. La carrière de Mireille Mathieu est lancée. Mais son avenir professionnel reste pourtant peu clair.

Son credo : travailler comme un forçat

C’est Johnny Stark, manager d’Yves Montand et de Johnny Hallyday, qui la remarque et décide de prendre en main cette carrière prometteuse après avoir averti la jeune fille : « N’oublie pas que tu es une débutante. Mets-toi dans la tête, une fois pour toutes, que je vais te faire travailler comme un forçat, que je serai sans pitié. Réfléchis, il est encore temps de dire non. Si tu veux m’écouter, travailler et surtout ne pas aller trop vite dans la voie du succès, je ferai de toi quelqu’un de très bien, de très grand, une véritable vedette. »

Elle ne réfléchit pas, elle se met à travailler « comme un forçat » : il y a les répétitions, les séances de photos, les interviews, les leçons de musique, de chant, de danse, de français, d’anglais et aussi de maintien.

En 1966, Mireille fait les premières parties de France Gall et de Sacha Distel à l’Olympia. Puis elle part aux États-Unis sur les traces d’Édith Piaf. Et cela marche, là, comme bientôt dans le monde entier, de New York à Moscou, en passant par Tokyo. Elle devient l’archétype de la jeune fille française dont on admire la simplicité, la gentillesse, l’énergie et la ténacité, tout autant que le talent. Avec sa voix puissante et ses roulements de « r », cette petite jeune fille (dont un sondage fera en 1967 « la chanteuse préférée de Français ») représente une certaine « qualité française ». Son image est celle d’une jeune fille sage et nette.

Après avoir donné une série de concerts au Palais des Congrès à Paris en décembre 1990, Mireille réapparaît en 1993 pour un hommage à son idole de toujours, Édith Piaf, comme pour sceller le premier cycle de sa vie et de sa carrière. Elle devra désormais se défaire de l’ombre d’Édith Piaf et voler de ses propres ailes.

Et aujourd’hui ?

On la voit désormais plus souvent à l’étranger qu’en France. Mais chacune de ses apparitions est un événement inoubliable, qu’il s’agisse de son concert de Noël au Vatican retransmis dans le monde entier, en décembre 1997 ou de celui au Palais Ukraine de Kiev, en juin 2001.1 En 2002, Mireille Mathieu est présente dans les jardins du Luxembourg à Paris pour un hommage aux victimes des attentats du 11 septembre, retrouve la Russie pour donner un concert à Moscou devant 5 000 fans et effectue son grand retour en France avec l’album De tes Mains. D’une tonalité mélancolique, cet album accompagne une semaine de spectacles à l’Olympia qui remporte un grand succès suivi des tournées en France, Suisse et Belgique. Ce retour est accompagné de plusieurs apparitions radiophoniques et télévisées. « Je suis consciente d’avoir délaissé la France, déclare la chanteuse à l’Agence France Presse, mais je n’ai pas arrêté de tourner à l’étranger, en Russie, Allemagne, Japon ou Finlande. Il était temps de retrouver mon pays ! »

Le 5 juin 2004, Mireille Mathieu chante Le Chant des Partisans et Paris en colère pour célébrer le Jour J.2 À l’invitation de Bertrand Delanoë, Maire de Paris, elle interprète Paris en colère dans un spectacle sur la libération de Paris, mis en scène par Jérôme Savary. La chanson est bissée devant 50 000 personnes à la Bastille, lors des festivités marquant le 60ème anniversaire de la Libération de Paris.

En 2005, Mireille sort un coffret de 3 CD Platinum qui contient ses plus grands succès. Elle participe en avril, à Berlin, à un grand concert donné avec d’autres artistes à la porte de Brandebourg. Le 9 mai, elle se produit, à l’invitation du président Vladimir Poutine, sur la place Rouge à Moscou, devant un parterre de chefs d’États, pour la commémoration du 60ème anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elle sort en septembre son 38ème album Mireille Mathieu, qui est très vite en haut du hit-parade français. En novembre, elle fête ses 40 ans de carrière à l’Olympia. C’est dans cette salle qu’elle reçoit un « Disque de rubis », catégorie honorifique créée pour elle, récompensant 122 millions de disques vendus depuis ses débuts.

Les soirs de ses spectacles, des gens viennent du monde entier. Il paraît que les deux premiers rangs sont généralement coiffés comme elle. Ça fait drôle.

Au fil des ans, Mireille Mathieu, vêtue de noir et coupe immuable, à la fois très chic et plus moderne qu’avant, n’a pas beaucoup changé. Elle vit à Neuilly-sur-Seine depuis 40 ans : au moment de ses premiers galas, c’était dans une chambre de bonne, maintenant c’est dans un hôtel particulier. Elle est fidèle au même coiffeur, au même couturier et au même chausseur, elle ne boit toujours pas, elle ne fume toujours pas, elle mange sain (« je mange tout, du moment que c’est cuit à la vapeur, je termine sur un yaourt au lait de soja et je bois beaucoup d’eau »), elle ne regarde pas de films d’horreur, elle a du mal avec la violence. Si elle s’accorde deux fois par an une cure de thalasso, pas question pour autant de s’exposer au soleil : « Cela fait plus de vingt ans que mon visage n’en a pas pris le moindre rayon », ce qui explique sans doute son teint exceptionnel.

Elle mène une vie de rêve… dont le public ne peut soupçonner les sommes de travail et de sacrifices. Le rythme de ses tournées demeure infernal : elle se lève tous les matins à 8h 30 après ses indispensables neuf heures de sommeil. « Après le petit déjeuner et le traditionnel coup de fil à maman, Matite me fait mon Brushing. » Matite, c’est une de ses six sœurs qui habite avec elle. On ne peut pas les séparer. « Matite et moi, on allait à l’usine ensemble, on a quitté l’école ensemble, elle me suit partout, elle est mon premier spectateur quand je chante. » Ensuite, vocalises, et puis plus rien le jour où elle doit se produire sur scène ou à la télé. « J’observe une discipline militaire. Je n’ai jamais une minute de retard. J’ai une rigueur de vie, je suis très sérieuse, j’ai besoin de ça. »
Mireille ne fait jamais les courses. Elle sort peu. « Je suis très casanière. Je peux rester des journées entières sans mettre le nez dehors… Toute impression de foule m’angoisse. Je ne me promène jamais dans la rue. »

Elle ne sait pas lire la musique. Ne sait pas nager. Pas faire la cuisine. Que fait-elle alors ? « Je fais des mots fléchés.» Quels sont ses auteurs de chevet ? Elle confesse honnêtement qu’elle n’en a pas. Elle dit lire la Bible et surtout L’Ancien Testament. Parce que Mireille est rigoureusement catholique. Elle prie sainte Rita une fois par semaine à Saint-Philippe-du-Roule, à Paris. Elle se signe avant d’entrer en scène, elle brûle des cierges et elle tient à ce que c’est « Dieu qui lui a donné cette voix ». Chaque année, au mois d’août, elle organise une messe pour son père, décédé en 1986, et son manager Johnny Stark, disparu en 1989.

Bref, Mademoiselle Mathieu fait penser aujourd’hui à un personnage figé dans le passé. Et pourtant elle ne fait que bouger, car Mademoiselle d’Avignon n’a jamais cessé de chanter. Elle prend l’avion comme on prend le métro, toujours avec ses neuf valises, sa sœur Matite et parfois sa mère. C’est comme ça qu’en Russie les spectateurs se sont levés pour saluer sa maman : « Une ovation rien que pour elle, vous vous rendez compte ?... En Russie, je reçois tellement de fleurs que Matite est obligée de les faire sécher sur des journaux. Quand je rentre à Paris, j’en dépose à l’église orthodoxe. » En décembre 2001, pour les 80 ans de sa maman, la chanteuse organise un voyage à travers la France avec ses 13 frères et sœurs. À Noël toujours, toute la famille (on est quarante) se retrouve devant le tombeau de leur père, les enfants installent un sapin, une crèche. La famille chez Mathieu, c’est tribal et vertigineux.

Côté cœur, on lui a prêté un tas d’histoires d’amour assez fantaisistes. La presse n’a pas été toujours gentille. On a raconté beaucoup de bêtises. « On m’a mariée plusieurs fois. En France et en Allemagne, on a prétendu que j’avais des enfants cachés. Ma vie privée est fermée à double tour. J’ai fait en sorte dès le début de bâtir un mur autour de moi. »

« Je suis comme tout le monde. J’ai eu des hauts, j’ai eu des bas. Surtout quand Johnny Stark est mort.  Je ne suis pas une sainte, j’ai plus de défauts que de qualités, je ne voudrais pas passer pour quelqu’un de parfait, mais j’ai mes amis, quand je les aime, je les aime. »

Mireille, qui à la télé s’exprime lentement et en articulant chaque syllabe (« Un vieux complexe du temps où j’étais dyslexique »), est dans la vie une femme bavarde. On lui reproche beaucoup de se faire trop rare à la télévision : « Pourquoi irais-je plus souvent ? La télévision est devenue si pauvre en véritables émissions de variétés ! Je suis une des seules à chanter encore en direct quand presque tout le monde fait du play-back. »

En plus de 40 ans de carrière, Mireille a gardé l’unique thème qui a fait son succès : l’amour, décliné en 38 albums et en 11 langues : français, allemand, anglais, espagnol, italien, russe, finnois, japonais, chinois, catalan et provençal. Elle possède un répertoire de 800 chansons mais n’en a écrit aucune.

Mireille Mathieu n’est toujours pas à la mode. Elle se tient en dehors. C’est son secret, son élixir, son accent, l’accent de Mireille :

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant
du côté de Marseille,
C’est l’accent du clocher, la Noël des bergers dans la nuit
des merveilles.
C’est l’orgueil provençal,
la gloire de Mistral.
C’est l’accent de... Mireille !

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1 En Ukraine, un musée est ouvert en son honneur en 1997
2 Le jour où les Alliés sont entrés dans le Paris occupés par les nazis

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