Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №20/2007

Arts et culture

Architecture

L’architecture c’est le visage du pays. C’est ce qui montre tout de suite son caractère, ses traditions, même ses mœurs.

François SEIGNEUR, École maternelle, PérigueuxAujourd’hui, en France, le ton est donc à la rupture avec les dogmes, les préjugés, dans le souci de ne pas se laisser séduire, soit par une fuite en avant dans les technologies et l’apologie du chaos, soit par l’ancrage dans les modèles passés.

La ville moderne est un territoire en perpétuelle reconstruction, incontrôlable, tiraillé entre le besoin de proximité des hommes et l’éclatement des centres et des périphéries. Comment ne pas céder au catastrophisme ? Comment faire pour que la ville ne soit pas dominée par une seule valeur, un seul monde : celui de l’économie ?

Face à ces inquiétudes, les architectes tentent de construire une pensée sur le contexte, le sensible, ou l’espace public. Pour certains, la question se formule en termes de changements d’apparence : ce sont les « mille visages changeants, fuyants » de l’architecture pour Jean Nouvel, les épaisseurs et les interstices pour François Seigneur, des bâtiments qui semblent quitter leur ancrage au sol pour François Deslaugiers. Ce sont aussi les recherches sur la translucidité ou l’opacité des matières, le travail sur la lumière naturelle, chez Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart ou Jacques Hondelatte.

Les villes transparentes

François DESLAUGIER, Théâtre Jean-Louis Barrault, OrléansLa fragilité de l’architecture contemporaine, sa difficulté à apparaître aux yeux du public, sont considérées comme des matériaux conceptuels contre les clivages rigides hérités du modernisme (passé contre avenir, individu contre collectivité, etc.) : au lieu de « trancher », on essaie de se glisser, distordre, décliner, s’inscrire.

La transparence en architecture est devenue un procédé formel mais aussi idéologique, ce qui prouve Jean Nouvel et son jeu sur des pans de verre successifs ; ce sont aussi les peaux de verre dissimulant le cube de béton noir du projet pour le musée des Beaux-Arts d’Angers de François Seigneur : au culte de la transparence se substitue l’ambiguïté de la matière, des textures, la création d’espaces « permissifs et imaginaires » qui échappent à la fonction. Ce questionnement sur la matière rejoint celui de Christian Hauvette ou de Francis Soler : verre sérigraphié en façade et transformation d’éléments figuratifs en motifs abstraits, par exemple, pour Francis Soler ; mécanismes de composition, écriture et jeu avec les contraintes propres au projet d’architecture pour Christian Hauvette.

À bas la société cloisonnant !

Manuelle GAUTRAND, La Palace, centre dramatique national du Pas-de-CalaisUn groupe d’architectes, Les Périphériques, à l’origine trois couples d’architectes (Anne-Françoise Jumeau et Louis Paillard ; David Trottin et Emmanuelle Marin-Trottin ; Dominique Jakob et Brendan McFarlane) résolvent le problème des relations entre les centres et les périphéries, créant en même temps un concept du bâtiment à « plusieurs mains ». Dominique Jakob et Brendan MacFarlane se sont établis à Paris depuis 1992, tous deux professeurs (en 1999, à l’Ecole Spéciale d’Architecture à Paris) ils sont aussi co-fondateurs de Périphériques qui organise expositions, conférences ou publications. Auteurs, entre autres, de la Maison T à La Garenne Colombes (1994-98), du Monument à la Mémoire et à la Paix à Val de Reuil (1996), ils sont les auteurs du réaménagement du restaurant du Centre Georges-Pompidou à Paris. Pour Les Périphériques, la tentation d’une disparition de l’architecture dans le site, comme un camouflage, est recherchée.

Anne LACATON, Philippe VASSAL, logement social, MulhouseFiona Meadows et Frédéric Nantais, illustrent une attitude critique en s’aidant d’une transversale avec les autres champs de la culture. Leurs œuvres illustrent l’idée d’un monde commun à reconstruire et la critique d’une société qui cloisonne, divise en catégories.

Méfiante à l’égard de toute dérive techniciste ou écologiste, l’agence de François Roche et Stéphanie Lavaux développe une architecture qui évolue selon les mutations génétiques, géographiques ou économiques des territoires urbains et naturels : le projet de ferme mutante à Évolène (Suisse, 2001) montre ainsi une architecture qui s’apparente à un organisme vivant et n’est plus soumise à des mécanismes de séparation entre le sale et le propre (vaches et hommes y coexistent), l’urbain et le rural, l’archaïque et le moderne.

Le langage des nouvelles technologies, l’arrivée de procédés comme le morphing apportent à l’architecture sa dimension expérimentale. Temps, climat, matières, corps,

Jean-Marc IBOS, Myrto VITART, logement Némausus, NîmesPour certains d’entre eux, il s’agit de construire une approche physique et graphique d’un territoire. L’architecture se constitue par strates, couches, formes paysagères diverses : elle émerge de ce qui naît, provient d’un lieu (roche, arbres, terre, eau...). Par exemple, le végétal devient un élément constructif apparent. L’architecte ne contrôle pas tout et ne peut totalement instrumentaliser la nature. Il fait avec. Influences organiques, recherches sur les textures, les peaux, les enveloppes d’un bâtiment, adaptabilité aux programmes, caractérisent cette architecture vivante.

Cette orientation propose une nouvelle définition du champ de l’architecture : l’architecture n’est pas seulement un art. Elle ne peut se situer totalement au-delà de toute nécessité. Elle n’est pas non plus entièrement sous la contrainte de la technique. Pour ces architectes, il s’agit d’établir une nouvelle pensée de cette relation à travers la recherche d’un « au-delà » : au-delà de la problématique et de l’idéologie technicistes héritées du XIXe siècle, en travaillant plutôt sur l’idée de « modestie » du matériau ; au-delà du vernaculaire, en admettant le compromis, le changement ; au-delà de l’inscription seule d’un bâtiment dans un lieu en cherchant ce qui bouge dans ce lieu : les liens, les réseaux, la manière dont ils se tissent, contre l’obsession de la pérennité lorsqu’elle se rigidifie dans l’architecture.

Durer ça veut dire se transformer

Jean NOUVEL, tour Agbar, BarceloneDurant la décennie précédente, l’architecture a dû rompre avec l’idéologie techniciste, aujourd’hui, elle doit aussi s’affranchir de sa fascination pour le monument. Ce qui dure est désormais ce qui se transforme. Ce désir d’émancipation est intimement lié à l’idée d’économie :

· une économie du discours, une architecture qui s’élabore par suppression d’éléments (formels, techniques, symboliques) pour atteindre une limpidité ;

· une économie de moyens ;

· une économie du geste impérialiste ou rationalisateur vis-à-vis du paysage naturel ou urbain, au profit d’une architecture qui s’amuse à apparaître ou à disparaître.

Francis SOLER, École des Terrasses, CergyC’est le cas de Jacques Ferrier qui s’inspire des bâtiments de type rural ou industriel (hangars, cabanes, usines, etc.), constructions qui témoignent d’une modestie de moyens et de techniques, et dont la qualité va dépendre des usages qu’elles rendront possibles dans une économie donnée : des architectures qui emploient des bardages métalliques, des rondins de bois, des tissus, des toiles, comme matières de notre univers esthétique. Ces matériaux génériques, ces architectures « de bric et de broc », sont les témoins d’« une permanence d’un réel humble, mais familier de tous ». Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal se réfèrent eux aussi à ce type de constructions, adoptant une attitude à l’encontre d’une architecture du détail et de la mise en scène de la technicité.

Rudy RICCIOTTI, le Pavillon noir, Aix-en-ProvenceCette architecture traduit ainsi la volonté de trouver l’équilibre le plus juste entre climat, technique et fonction.

Pas de geste destructeur et une certaine « modestie » à l’œuvre, de même, dans les recherches menées par Patrick Hernandez, qui utilise par exemple des structures industrialisées de serres agricoles dans ses projets.

Et alors ?...

Alors, aujourd’hui, l’architecture française est caractérisée d’abord par l’attention portée au réel, pour être dans le monde, vivre l’aventure du regard et aussi par un projet humaniste qui doit éviter les écueils passés et considérer que l’architecture, c’est l’organisation spatiale d’une communauté d’hommes, son inscription dans une temporalité d’un nouveau type.

Christian HAUVETTE, Caisse des Dépôts et Consignation, Paris

Brendan Macfarlane et Dominique JACOB, restaurant au Centre Georges-Pompidou, Paris

Jacques FERRIER, « Phœnix » Concept-house, Meaux, Région parisienne


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