Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №21/2007

Arts et culture

Alla CHEÏNINA

Dalida (1933-1987) : 20 ans après la mort

Elle attirait la lumière…et les regards. Cela a suffi à son succès. Mais pas à son bonheur. Il y a vingt ans, Dalida nous a quittés en s’excusant : « Pardonnez-moi, la vie m’est insupportable ! »

Le phénomène Dalida peut être considéré comme l’une des plus grandes réussites d’après guerre. Depuis Bambino en 1956, cinquante cinq fois son nom a été inscrit N° 1 dans le monde. Elle est la première artiste à recevoir un disque d’Or ainsi qu’un disque de Diamant, la première à avoir suscité en Europe le phénomène de fans...

Dalida a reçu deux fois l’Oscar Mondial du disque en 1963 et 1974. Le 5 décembre 1963, elle recevait la médaille de la ville de Paris ainsi que la médaille de la Présidence de la République offerte par le Général de Gaulle, récompense qu’aucun autre artiste n’ait jamais reçu.

Toute sa vie sera une succession de grandes joies et de drames souvent énigmatiques…

Miss Égypte

Yolanda Gigliotti naît le 17 janvier 1933 dans la famille des émigrés italiens. Elle est la seule fille parmi deux frères, Orlando son aîné et Bruno, le cadet. Leur père est le premier violon à l’opéra de Caire et leur mère s’occupe de la maison, installée à un modeste quartier du Caire où musulmans et chrétiens cohabitent en bonne entente.

Yolanda mène une enfance ordinaire, fréquente une école catholique et participe avec plaisir à quelques représentations théâtrales au collège.

Au début de la guerre, son père est interné dans un camp britannique. Sa carrière est brisée. A son retour, rien ne sera plus pareil : il devient coléreux, violent, avant de mourir prématurément. La petite Yolanda en restera marquée toute sa vie.

En 1951, ayant terminé ses études, elle devient secrétaire dans une maison de couture. Là, elle apprend le métier de mannequin. La brune aux yeux ardents, elle est très belle à ses 16 ans. Un jour, elle ose se présenter à un concours de beauté « Miss Egypte 1954 », créant le scandale dans sa famille (en maillot de bain !!!) et remporte le premier prix. Cette récompense lui ouvre les portes des studios de cinéma où elle participe aux tournages d’Un verre et une cigarette et Le Masque de Toutankhamon au Caire. Entre les prises de vue, Yolanda chante sans cesse. Tous admirent le timbre de sa voix. Elle a envie de faire du cinéma et de chanter, mais en France… C’est alors qu’elle décide, toujours contre l’avis de ses parents, de quitter le Caire... Le 24 décembre 1954, Yolanda qui se trouve un beau pseudonyme, Dalila, débarque à Paris.

Mademoiselle Juke-Box

En fait, elle se retrouve vraiment seule dans cette grande ville froide. Elle ne connaît personne. Les temps sont difficiles. Alors il faudra qu’elle se débrouille toute seule et avec de faibles moyens. Elle décide que c’est en chantant qu’elle réussira à se faire remarquer. Elle commence donc à prendre des cours de chant. Son professeur est tyrannique, mais efficace. Il l’envoie faire un essai dans un cabaret des Champs-Élysées, où la jeune fille fait ses premiers pas de chanteuse. Elle roule les « r », mais fait preuve déjà d’un grand professionnalisme. Ce n’est que le début. Elle rôde dans les studios, passe des auditions : « Patientez, on vous écrira... » entend-elle toujours la même phrase, ce qui veut dire qu’elle ne recevra jamais de réponse. Elle ne se décourage pas et de casting en auditions, attend son heure.

Sa bonne étoile veille sur elle puisqu’un soir Dalida rencontre trois hommes qui vont bouleverser sa vie : ce sont Bruno Coquatrix, propriétaire de l’Olympia, Lucien Morisse, directeur artistique d’Europe 1, et Eddie Barclay, producteur de disques.

Le fait est qu’à cette époque, Bruno Coquatrix, qui vient de racheter un vieux cinéma parisien, l’Olympia, anime une émission de variété, destinée à découvrir de jeunes talents Numéros un de demain sur la station de radio, Europe 1.

Dalida est là, elle tente une fois de plus sa chance. Bruno Coquatrix, Eddie Barclay et Lucien Morisse l’entendent chanter. Séduits par sa beauté, sa personnalité, son timbre de voix, le charme de son accent et, devinant son potentiel, ces trois hommes vont décider de sa carrière. Eddy Barclay devient son premier producteur, Lucien Morisse qui tombe fou- amoureux d’elle, son Pygmalion et Bruno Coquatrix lui offre la première partie du récital de Charles Aznavour. On ne pourrait que rêver d’un tel début.

La sortie de son disque Bambino est un succès sans précédent, un tube qui la fera connaître au monde entier. La chanson envahit les ondes, les juke-boxes et rythme les nuits. Dalida fait désormais les couvertures des magazines. Il a fallu un an pour en arriver là, c’était la gloire.

Avec le début des année 1960 et l’arrivée des yé-yé, Dalida s’adapte et actualise son répertoire en chantant du twist ou du rock. Rien ne peut l’arrêter. Beaucoup de jeunes artistes débutants reprendront ses succès dont Johnny Hallyday.

Un physique de vamp orientale, une voix chaude, la chanteuse devient un modèle de féminité pour les jeunes filles de l’époque. Sa silhouette, sa coupe de cheveux et le contour de ses yeux sont pris en exemple par les couturiers et les stylistes.

« Mademoiselle Juke-Box », comme on l’appelle alors, triomphe un peu partout en France, en Italie et en Egypte… En 1965, Dalida est la chanteuse préférée des Français.

La décennie suivante la voit s’engager vers les horizons plus intimes. La vogue du twist et de ses aires yé-yé est bien loin maintenant. Dalida a beaucoup souffert sentimentalement, mais sa carrière reste indemne. C’est une autre femme, elle a mûri et son répertoire s’en ressent. Elle popularise Avec le temps de Léo Ferré qui la considère comme la meilleure interprète de sa chanson et chante avec brio Je suis malade de Serge Lama. Elle enregistre avec son ami de toujours, Alain Delon le fameux duo Parole Parole (adaptation d’une chanson italienne), qui sort en 1973. Cela devient en quelques semaines, le n°1 des hit-parades de France et du Japon, où l’acteur est une star.
Les années 1980 la voient se faire de plus en plus féminine, tendance hollywoodienne, élargir son style et se lancer dans le show à l’américaine, avec douze changements de costumes en strass et plumes. La star est entourée de onze danseurs et de treize musiciens. Une véritable chorégraphie comme à Broadway, est imaginée pour ses spectacles grandioses de plus de deux heures.

Rien ne lui fait peur. Le succès suit. Elle est amie de François Mitterrand, Jacques Chirac est un de ses admirateurs… Et cependant, un jour, on la trouve morte dans sa belle maison à Montmartre…Un suicide…

Par une glaciale soirée de Mai
Elle ferma pour toujours les volets
de sa maison blanche
Sa gloire fut immense
À titre de revanche
La vie ne lui offrit jamais le vrai
bonheur

La Belle au château

Sa vie privée la rattrape toujours. Ses histoires d’amour qui finissent mal défrayent la chronique. Le 8 avril 1961, elle épouse Lucien Morisse. Quatre mois après, les jeunes mariés se séparent.

En 1962, Dalida profite du succès de ses tubes pour s’acheter une maison à Paris, une maison qui ressemble au château de la Belle au Bois dormant et qui est perché sur les hauteurs de Montmartre. Elle y demeurera jusqu’à la fin de sa vie.

Mais toute seule dans son château, elle rêve toujours de l’homme idéal, d’un beau prince charmant. Aucun prétendant ne se profile cependant à l’horizon. En attendant, elle se métamorphose, devient plus sophistiquée et achève sa transformation en devenant blonde… La solitude devient de plus en plus insupportable. Et la maison lui paraît trop grande. Elle fait alors venir sa cousine Rosy, qui devient sa secrétaire, et surtout son jeune frère Bruno, qui devient son bras droit. Tout se passe en famille.

En 1966, Dalida rencontre un jeune auteur-compositeur, plein de talent, Luigi Tenco, qui la convainc de se produire au fameux festival de la chanson de San Remo. Luigi se charge d’écrire la chanson. Une réelle passion naît entre eux. Ils décident de se présenter à San Remo tous les deux pour, en fait, la même chanson lors du gala du Festival en janvier 1967 : Ciao Amore. Les amoureux annoncent à leurs proches leur projet de se marier en avril 1967 et se rendent au festival. Mais la tragédie est en marche. Le prix leur échappe à tous les deux et Luigi Tenco, extrêmement angoissé, et sous l’effet de l’alcool et de tranquillisants, prend mal la décision du jury, et ne supporte pas l’échec. Dégoûté et incompris, il se suicide dans la chambre de son hôtel. Ciao Amore a tout d’un coup l’écho de la destinée. Dalida est anéantie. Quelques mois plus tard, désespérée, elle tente à son tour de mettre fin à ses jours, une tentative qui se solde par cinq jours de coma.

Quand elle se réveille, brisée, c’est une autre femme…

C’est le début d’une période mystique, qui la conduira en Indes. Elle lit maintenant énormément, s’intéresse à la philosophie, se passionne pour la psychanalyse et s’initie au yoga. L’élévation de l’âme est désormais sa seule raison de vivre. Toujours à la recherche d’elle-même, Dalida entreprend plusieurs voyages en Inde pour suivre les enseignements d’un sage. Mais sa carrière continue : le 5 octobre 1967, elle remonte sur la scène de l’Olympia. La renaissance passe par là, et c’est une nouvelle fois un triomphe.

D’autres histoires d’amour suivront, toujours sur le même mode. En septembre 1970, un nouveau drame survient. Cette fois, c’est Lucien Morisse, son ex-mari, qui se suicide

Son nouveau compagnon, Richard Chanfray, qui se fait appeler le comte Saint-Germain, lui redonne le goût de vivre. Dalida est heureuse, mais pas pour longtemps. Avec le temps, Richard Chanfray devient violent et même dangereux. Déçue, elle se voit contrainte de rompre avec lui. Pour oublier cette nouvelle rupture, elle plonge dans le travail.

S’ensuit alors une série d’épisodes dramatiques qui vont marquer la chanteuse.

Ainsi, en 1982-1983 prend-elle la position en faveur du nouveau président de la République française, François Mitterrand. Son engagement plus amical que politique lui vaut des critiques et des rumeurs qui lui posent beaucoup de problèmes sur le plan professionnel. Une campagne de presse est même déclenchée en 1982. Blessée, elle décide de quitter la France et part, durant un an environ, pour un long tour du monde. En avril 1983, elle revient, enregistre un nouvel album et retrouve son public toujours fidèle... La presse s’est calmée, la cabale contre elle est terminée et pourtant elle se sent trahie par ce pays d’adoption qu’elle aimait tant...

Le 20 juillet de la même année, une nouvelle tragédie va déstabiliser sa vie. Richard Chanfray se suicide à Saint-Tropez dans le sud de la France. Ce coup la fait s’effondrer définitivement. Elle se sent maudite, coupable de distribuer le mauvais œil aux hommes qu’elle aime.

Une fragile femme fatale

Affaiblie par cet événement, Dalida part cependant au Caire, en 1985, afin de tourner le film de Youssef Chahine Le Sixième Jour. Tournage pénible. Le retour en Égypte, pays de son enfance, son rôle d’une femme vieillissante lui font prendre conscience du temps qui passe… Les critiques de cinéma saluent à la sortie du film, la naissance d’une grande actrice dramatique. Mais elle se sent de plus en plus seule et pense que si elle a réussi sa vie d’artiste, elle a raté sa vie de femme. Elle n’a pas de mari, pas d’enfant, les années commencent à lui peser. Son entourage remarque sa baisse de tonus. Elle a des trous de mémoire et perd confiance en elle. Dépressive, détruite par les drames personnels, elle ne supporte plus la souffrance morale… Malmenée par la vie, faite de désillusions et de bleus à l’âme, pleine de deuils, de souffrances et de morts à répétitions, la toute fragile « femme fatale » n’a plus de forces de tenir les coups du destin et décide de mettre fin à la tragédie qui la poursuit en accomplissant le dernier acte. Dans la nuit du 2 au 3 mai 1987, elle met sa plus belle robe, se coiffe, se couche dans son lit et éteint les lumières dans un demi-sommeil médicamenteux avant de s’endormir pour toujours. Son dernier message est très court : « Pardonnez-moi, la vie m’est insupportable ».

Place Dalida à Montmartre

Le 24 avril 1997 a été inaugurée à Paris (Montmartre) une minuscule place qui désormais porte le nom de Dalida, reconnaissance affectueuse de ses amis, des montmartrois et de ses admirateurs de tous les pays et qui n’en finit pas d’être un lieu de recueillement.

Son buste réalisé par le sculpteur Alsan trône sur cette place. On revient aussi voir sa dernière demeure comme un pèlerinage qu’on fait dès qu’on se retrouve à Montmartre.

On vient y saluer la mémoire d’une femme pour laquelle il était plus facile d’être reconnue, adulée et vénérée de tous qu’aimée d’un seul. Elle renaît aussi auprès de Serge Lama, qui chante avec elle, en duo virtuel, Je suis malade, qu’elle interprétait avec tant de sensibilité.

Vingt ans après sa disparition, Dalida suscite toujours une admiration exceptionnelle, et son public semble s’être élargi. Star d’hier... star d’aujourd’hui... star de toujours, qui devient une figure culte pour un public grandissant.

C’est fini, c’est fini la comédie
Tout avait commencé
comme une pièce à succès
Dans le décor tout bleu
d’un théâtre de banlieue
Nous n’étions que nous deux
C’est fini
C’est fini la comédie...

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