Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №21/2007

Arts et culture

STÉPHANIE

Des cornichons au chocolat

(extraits)

(Suite. Voir N° 12, 13, 15, 17, 18, 19/2007)

La musique classique
Nicole, la prof de musique, elle nous a accueillies avec un grand sourire comme si elle voulait nous faire un cadeau : « Aujourd’hui je ne vous fais pas de cours, vous ne défaites pas vos cartables ou vos sacs, je vous emmène voir la répétition d’un grand orchestre ».

On a tous crié : « Ouaih ! Chouette ! Ouaaaaaouah ! »

Et on est partis avec elle au Théâtre des Champs-Élysées. Moi, c’était mon premier concert.

L’orchestre, il était dirigé par un nommé Mutti, un Italien super-beau, pas à la mode, pas chanteur de rock ou acteur de cinéma ou joueur de tennis, un type avec une tête comme au théâtre, lisse et tout, classique, j’imagine qu’on peut dire.

Nicole nous avait raconté dans le bus, et puis dans le hall, elle nous avait expliqué comment ça se passe une répétition, on reprend des trucs, des bouts, on revient en arrière, on fait jouer certains instruments et pas d’autres, mais il y a au moins une fois à la fin où l’orchestre « file » tout un long morceau d’un seul coup, comme dit Nicole.

Julie et moi on a trop bavardé pendant la première partie de la répétition, alors Nicole nous a séparées et elle m’a dit :

« Ne me déçois pas, Stéphanie. Maintenant, il faut que tu te plonges dans la musique ».

Le chef d’orchestre avait tout fait taire et j’ai bien compris qu’il allait répéter un morceau en entier. Après ce que m’avait dit Nicole, j’ai appliqué à la musique la même méthode que j’applique au ciel et aux oiseaux et je me suis concentrée de toutes mes forces pour plonger, comme avait dit Nicole. D’habitude, c’est difficile de plonger dans les choses, parce qu’il n’y a rien qui vous y pousse, sauf votre propre volonté. Quand j’essaie d’aller dans le ciel pour être ailleurs, il n’y a rien qui me met en route à part mon envie, mais là ça a été formidable parce que c’est la musique qui m’a prise et qui est venue me chercher. Dès que le chef a commencé à diriger et que l’orchestre s’est mis à jouer, j’ai senti que ça y était, je plongeais, c’était fantastique.

C’était la première fois de ma vie que quelque chose comme ça m’arrivait, parce que les vols dans le ciel avec les oiseaux, c’est beaucoup plus court c’est vraiment dans ma Liste Des Bons Mais Des Courts Moments Agréables, tandis que la répétition de l’orchestre, il faudrait que je fasse une nouvelle liste pour mettre ce moment-là dedans, ça a été très long et plus formidable que beaucoup de choses que j’avais essayé de faire toute seule dans ma tête. C’étaient les deux premiers mouvements de la Symphonie pastorale de Beethoven.

Evidemment après, j’ai acheté le disque et je me le rejoue des fois à la maison, mais c’est drôle ça n’a rien à voir avec ce que j’ai senti au théâtre. C’est un Mensonge International, ça ! Moi maintenant que je connais je peux dire que rien, rien du tout au monde, ne remplace d’être au premier rang sous le chef d’orchestre et de prendre toute la musique dans la figure et de plonger dedans comme dans de l’eau.

Si j’ai ouvert ce cahier et si j’y raconte ce qui se passe dans ma vie c’est pour des tas de raisons, certaines d’entre elles que j’ai déjà expliquées, mais c’est aussi, j’en suis sûre, pour m’améliorer. C’est l’Autre qui m’a appris ça: il faut s’améliorer !

En me relisant, je finirai bien par comprendre ce qui ne va pas et pourquoi je suis aussi mal dans ma peau et j’arriverai peut-être à me transformer. L’ennui, c’est que je n’ai pas assez de mots, je suis vraiment trop pauvre. Je suis nulle, je suis une ignorante ignare. On m’a rien appris. Ils ont rien fait pour m’aider mes parents, ils m’ont rien fait aimer, la musique les arts, tout ça, je n’y connais rien. Par exemple pour la musique, je voudrais vraiment inventer des mots pour bien raconter ce que ça m’a vraiment fait.

Nicole, elle nous avait expliqué la symphonie et le mot « pastorale ». Mais comme elle est géniale et qu’elle essaie jamais de nous imposer des choses et qu’elle essaie pas de penser à notre place, elle nous avait dit : « Ne vous préoccupez pas de tout ça, ce que la musique évoque n’a rien à voir avec le sens qu’un professeur ou un critique ou un parent peuvent lui donner ».

« Pastorale », normalement on devrait penser à des champs et des prés et des vignes et des moutons et des rivières, surtout moi qui suis tellement obsédée par mon projet d’être fermière en Amérique aux États-Unis. Mais je n’ai jamais pensé à du pastoral en écoutant l’orchestre. En fait, j’ai rien imaginé, ni animaux ni paysages ni rien qui ressemble à quelque chose qui existe et que je connaîtrais déjà. Ce qui m’est arrivé c’est que j’ai voyagé avec la musique. Je montais et descendais avec la musique, je me calmais avec elle, je me sentais beaucoup plus grande et plus forte que dans la vie. J’ avais l’impression que j’aurais pu soulever toute la rangée de fauteuils avec un seul doigt d’une seule main. J’étais dans un état d’excitation pas possible.

À ce moment-là, je n’y ai pas réfléchi mais maintenant que j’écris ça, je sais que ce qui m’a vraiment jetée, c’est que ce type, le chef d’orchestre, il doit avoir au moins trente ans, et tous les musiciens j’ai pas regardé tous les visages mais c’est tous des hommes et des femmes, c’est pas des jeunes comme moi, forcément. Eh bien, ils étaient vivants ! Et j’ai eu un coup de bonheur fantastique dans mon corps et dans mon coeur. Plonger avec eux dans ce même bonheur, ça m’a donné envie de pleurer et je crois bien que je l’ai fait, mais cette fois c’était pas comme d’habitude quand j’ai le coeur dans la gorge, c’était autre chose et j’ai eu les larmes qui sont venues au bord de mes yeux, ça m’a vraiment remuée cette expérience, j’avais jamais connu ça. J’étais bien, j’aurais voulu que ça dure toute la vie, qu’elle s’arrête jamais la Pastorale.

Des types comme Mutti et comme Beethoven et comme Nicole, ils ont réussi à me faire connaître quelque chose que je n’oublierai jamais. C’est des génies ces gens-là. Ils m’ont fait comprendre que le bonheur existe.


Fiche pédagogique

par Tatiana JELEZNIAKOVA,
professeur de français école n°1286

VOCABULAIRE
accueillir – встречать
un nommé Mutti – некто Мутти
lisse – гладкий
certains – некоторые
filer d’un seul coup – зд. проиграть целый музыкальный кусок сразу, не останавливаясь
séparer – разделить
décevoir – разочаровать
plonger – погрузиться
taire – молчать
en entier – целиком
appliquer – применять
à part – за исключением, кроме
dès que – как только
tandis que – в то время как
mouvement (m) – зд. часть
évidemment – конечно
rang (m) – ряд
tas (m) – куча, груда
améliorer – улучшать
ennui (m) – неприятность
un ignorant – невежда
ignare – невежественный
inventer – придумать
pastoral, -e – пасторальный, пастушеский
imposer – навязывать
se préoccuper de – не заботиться
évoquer – вызывать в представлении
n’a rien à voir – не имеет ничего общего
sens (m) – смысл
obsédé, -e – одержимый
rangée (f) – зд. ряд кресел
excitation (f) – возбуждение
forcément – обязательно
remuer – зд. взволновать

QUESTIONS
1. Qu’est-ce qu’il y a eu d’extraordinaire dans la journée que Stéphanie décrit ?
2. Est-ce que vous avez assisté un jour à la répétition d’un orchestre ? A un concert de musique classique ?
3. Parlez des explications de Nicole et de sa manière d’initier les élèves à la musique . Qu’est-ce qui plaît à Stéphanie dans cette professeur ?
4. Quelle impression a produit la symphonie de Beethoven sur Stéphanie ?
5. Pourquoi l’impression n’est pas la même quand on écoute la musique sur le disque ?
6. Stéphanie, pourquoi écrit-elle tout ce qui lui arrive dans son journal ?
7. Quel est le principe de vie que lui a appris l’Autre ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
8. Stéphanie, qu’est-ce qu’elle reproche à ses parents ? Est-ce qu’elle a raison ?
9. Les musiciens sont des adultes. Stéphanie est très étonnée en les comparant aux autres grandes personnes. Pourquoi ?
10. Stéphanie a compris que « le bonheur existe ». En quoi consiste donc le bonheur ?
11. Qui a ouvert l’existence du bonheur à Stéphanie ?

TopList