Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №8/2008

Arts et culture

Alphonse DAUDET

Lettres de mon moulin

Francet Mamaï est un vieux joueur de fifre. Il vient de temps en temps chez moi, le soir. Je lui offre du vin. Il me raconte des histoires. En voici une qui s’est passée dans mon moulin.

(Suite. Voir N° 4, 7/2008)

(extrait)

Le secret de maître Cornille

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Notre pays n’a pas toujours été mort, monsieur Daudet. Autrefois, il y avait beaucoup de moulins et de meuniers. Imaginez la vie dans ce beau pays, au temps des moulins à vent…

Autour du village, de droite à gauche, sur les collines, on voit des moulins. Les gens apportent leur blé… et il viennent de loin ! Les uns derrière les autres, les ânes montent et descendent les chemins avec leurs sacs sur le dos. Toute la semaine, cela fait plaisir à voir.

Le dimanche aussi nous allons aux moulins. Les meuniers offrent du vin. Les meunières sont belles comme des reines, avec leurs dentelles. Moi, j’apporte mon fifre. On danse jusqu’à la nuit noire. Ces moulins font la joie et la richesse du pays.

Un jour, malheureusement, les Parisiens ont l’idée d’installer des usines pour remplacer les moulins. Ce qui est nouveau plaît toujours… Les gens prennent l’habitude de porter leur blé là-bas. Les moulins restent sans travail. Pendant quelque temps, ils essaient de résister, mais, l’un après l’autre, ils doivent fermer. Les ânes ne viennent plus. Il n’y a plus de vin, plus de danse. Le vent souffle. Mais les moulins restent immobiles. Un jour, on les détruit et on plante des vignes et des oliviers. Pourtant, un moulin continue, un seul, le moulin de maître Cornille.

Maître Cornille est un vieux meunier. Il aime son métier. L’installation des usines le rend fou. Pendant huit jours, on le voit courir. Il crie : « On veut faire mourir la Provence avec ces usines… N’allez pas là-bas. Ces monstres utilisent la vapeur. C’est une inventation du diable. Moi, je travaille avec le vent qui est la respiration du bon Dieu ».

Il parle des moulins avec passion. Personne ne l’écoute. Alors, furieux, il s’enferme dans son moulin.

Il vit seul. Il ne garde même pas sa nièce orpheline, la petite Vivette. À quinze ans, elle travaille dans des fermes ! Et pourtant, il a l’air de l’aimer. Il va la voir le dimanche. Il s’assoit en face d’elle et il pleure…

Dans le pays, on pense qu’il est avare. On trouve très mal qu’un homme comme lui s’habille comme un misérable. C’est vrai, le dimanche, quand nous le voyons arriver à l’église, nous avons honte pour lui. Cornille le sait. Alors, il reste au fond, avec les pauvres…

Il y a quelque chose de bizarre dans sa vie. Depuis longtemps, personne ne lui apporte plus de blé. Pourtant, les ailes de son moulin continuent à tourner, comme avant, et le soir, on rencontre le vieux meunier derrière son âne chargé de gros sacs de farine.

Bon après-midi, maître Cornille, crient les paysans, ça va toujours le moulin?

Toujours, répond le vieux d’un air satisfait, je ne manque pas de travail.

Si on lui demande d’où vient ce travail, il répond sérieusement :

Chut !… Je travaille pour l’exportation…

Personne ne comprend. Quand on passe devant le moulin, on voit la porte fermée. Les ailes tournent. Le vieil âne mange de l’herbe devant la porte. Sur la fenêtre, un chat maigre vous regarde d’un air méchant. Tout cela est mystérieux et fait parler les gens. Chacun explique à sa manière le secret de maître Cornille. On raconte qu’il y a dans son moulin plus d’or que de blé.

Et tout s’explique… Voici comment.

Un jour, je découvre que mon fils et la nièce de maître Cornille sont amoureux. Je ne suis pas fâché : le nom de Cornille est respecté et la petite Vivette est jolie. Les amoureux sont toujours ensemble, alors j’ai décidé de les marier.

Je monte au moulin pour en parler avec le meunier. Ah ! Le vieux fou ! Impossible de lui faire ouvrir sa porte. Il ne m’écoute pas. Il crie :

Retournez à votre musique ! Si vous êtes pressé à marier votre fils, vous pouvez aller chercher des filles à l’usine !

Je rentre chez moi. Que faire ? Les deux amoureux sont désespérés. Ils décident d’aller au moulin.

Quand ils arrivent, maître Cornille vient de sortir. La porte est fermée, mais l’échelle est restée dehors. Les jeunes gens montent par la fenêtre.

Qu’est-ce qu’ils voient dans le moulin de maître Cornille ? En haut, tout est vide : pas de sacs, pas de blé, pas de farine. On ne sent pas cette bonne odeur de moulin… En bas, tout est misérable. Un vieux lit, quelques vieux vêtements, du pain sec. Dans un coin, trois ou quatre sacs pleins de plâtre et de terre blanche…

Voilà le secret de maître Cornille. C’est du plâtre, et non de la farine, qu’il transporte le soir sur son âne. Pour faire croire à son travail, pour l’honneur de son moulin. Pauvre moulin ! Pauvre Cornille ! Vivette et mon fils reviennent en pleurant. Il faut faire quelque chose pour le vieux meunier.

Sans perdre une minute je cours chez les voisins. Nous décidons d’aller au moulin apporter du blé à maître Cornille. Tout le village part.

Nous arrivons avec les ânes chargés de sacs de blé. Le moulin est ouvert. Devant sa porte, assis sur un sac, la tête dans ses mains, maître Cornille pleure. Il sait qu’on est entré chez lui pendant son absence et qu’on a découvert son triste secret.

« Je préfère mourir, dit-il. Le moulin es déshonoré. »

Il pleure et il parle à son moulin comme on parle à un ami.

À ce moment-là, nous crions, comme au bon temps des moulins à vent : « Ohé ! du moulin !… Ohé ! maître Cornille ! »

Et voilà les sacs devant la porte et du blé de tous les côtés. Maître Cornille ouvre de grands yeux. Il prend du blé dans ses mains. Il pleure et il rit en même temps.

C’est du blé ! Du bon blé ! Laissez-moi le regarder… Je le savais… Vous êtes revenus… Tous ces industriels sont des voleurs !

Nous voulons l’inviter au village : « Non ! Non ! Je dois nourrir mon moulin. Il n’a pas mangé depuis longtemps ! »

Nous avons les larmes aux yeux. Le pauvre vieux court à droite et à gauche. Il ouvre les sacs, surveille le travail… et la farine s’envole au plafond. Croyez-moi, monsieur Daudet, à partir de ce jour-là, nous n’avons jamais laissé le vieux meunier manquer le travail. Puis, un matin, maître Cornille est mort, et les ailes de notre dernier moulin se sont arrêtées pour toujours. Tout a une fin dans ce monde…

VOCABULAIRE

une colline – холм

le fifre – дудка

un moulin a vent – ветряная мельница

un âne – осел

une dentelle – кружево

une vigne – виноградник

un olivier – оливковое дерево

la vapeur – пар

un orphelin, une orpheline – сирота

avare – скупой

un misérable – нищий

bizarre – странный

une aile – зд лопасть

désespéré – отчаявшийся

le plâtre – гипс

l’honneur – честь

surveiller – следить

QUESTIONS

  1. Parlez du narrateur de ce récit.
  2. Quelle était l’image idyllique des villages français d’autrefois ?
  3. Comment est-ce que tout a changé ?
  4. Dressez le portrait de maître Cornille.
  5. Pourquoi pleure-t-il ?
  6. Pourquoi le prend-on pour un avare ?
  7. Qu-est-ce qu’il y a de bizarre dans sa vie ?
  8. Comment le secret de maître Cornille s’explique-t-il un jour ?
  9. Comment les paysans sont-ils venus en son aide ?
  10. Avez-vous jamais vu des moulins à vent ?

(à suivre)

(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)

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