Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №10/2008

Arts et culture

Alphonse DAUDET

Lettres de mon moulin

(extrait)

(Suite. Voir N° 4, 7, 8/2008)

L’Arlésienne

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De mon moulin, pour aller au village, on descend le long d’un chemin qui passe devant une ferme. Cette ferme est au fond d’une grande cour avec des arbres magnifiques.

Pourquoi paraît-elle si triste avec sa porte fermée ? Je ne sais pas. Il y a trop de silence autour. Quand on passe devant, les chiens n’aboient pas. On n’entend pas une voix, pas un oiseau, pas une mule. Mais on voit des rideaux aux fenêtres et de la fumée qui monte du toit. La maison est donc habitée.

Hier, vers midi, je reviens du village, et pour éviter le soleil, je passe sous les micocouliers. La grande porte est ouverte. Je jette un coup d’œil et j’aperçois au fond de la cour, la tête dans les mains, un grand vieillard tout blanc, habillé d’une veste trop courte et d’un très vieux pantalon. Je m’arrête et l’employé me dit :

– Chut, c’est le maître, il est comme ça depuis la mort de son fils.

À ce moment, une femme et un petit garçon, habillé de noir, passent à côté de moi, avec de gros livres de messe dans les mains, et entrent à la ferme.

– La maîtresse de maison et le fils cadet. Ils reviennent de la messe. Ils y vont tous les jours depuis que l’enfant s’est tué. Ah ! monsieur, quelle tristesse ! Le père porte encore les habits du mort.

La charrette est prête à partir. Je décide d’en savoir plus. Je monte à côté de l’employé de ferme et j’écoute l’histoire.

– Il s’appelle Jan. C’est un superbe paysan de vingt ans, sage et solide. Il est très beau et toutes les femmes le regardent. Lui, il n’en aime qu’une : une petite Arlésienne habillée de velours et de dentelles. Il l’a rencontrée sur les promenades d’Arles. Au début, à la ferme, on trouve cette fille trop coquette et étrangère. Mais Jan la veut… Alors, on l’accepte… Ils vont se marier après les moissons.

Donc, un dimanche soir, un peu avant le mariage, la famille dîne. La fiancée n’est pas là. Un homme se présente et demande à parler au père Anselme… Ils sortent sur la route.

– Maître, dit l’homme, Vous allez marier votre fils à une coquine. Je l’ai moi-même aimée pendant deux ans ; voici les lettres. Et depuis qu’elle connaît votre fils, elle m’a abandonné.

– C’est bon, répond le maître, entrez boire un verre à la maison.

– Merci, j’ai plus de chagrin que de soif. Adieu !

Et il s’en va. Le père rentre seul, il s’assoit à table et le repas se termine gaiement. Ce soir-là, le père et le fils sortent ensemble dans les champs. Au retour, le fils est désespéré.

Depuis ce soir-là Jan ne parle plus d’Arlésienne. Il l’aime toujours. Il est fier et ne dit rien. Mais sa vie n’a plus de sens. Quelquefois, il passe toute une journée dans un coin sans bouger. D’autres jours, il fait le travail de dix hommes. Le soir, il marche sur la route d’Arles. Il s’arrête quand il voit le clocher de l’église. Jamais il ne va plus loin.

Les gens de la ferme ne savent pas quoi faire pour lui. Il est toujours triste et seul. On a peur d’un malheur. Alors, un jour sa mère lui dit :

– Écoute, Jan, si tu la veux, épouse-la.

Le père est rouge de honte.

Jan fait non de la tête et il sort.

À partir de ce jour, il change. Il a l’air gai. On le voit au bal, au cabaret, dans les fêtes et même dans les farandoles. Le père pense qu’il est guéri ; la mère, elle a toujours peur. Elle surveille son enfant. Elle installe son lit près de la chambre de son fils. Il peut avoir besoin d’elle, la nuit…

Puis il y a une grande fête à la ferme. On boit du château-neuf. On fait des feux dans les champs. On met des lanternes aux arbres. On danse la farandole. Jan a l’air de s’amuser. Il fait danser sa mère qui est heureuse. À minuit, tout le monde va se coucher et a envie de dormir, Jan, non. Son frère raconte qu’il l’a entendu pleurer toute la nuit.

Le lendemain matin, à l’aube, la mère entend quelqu’un traverser sa chambre en courant.

– Jan, c’est toi ? crie-t-elle.

Une fenêtre s’ouvre. Le bruit d’un corps dans la cour et c’est tout. Misérable cœur ! Hélas, le mépris ne tue pas l’amour.

Ce matin-là, les gens du village se demandent qui crie si fort.

C’est dans la cour tachée de sang, la mère qui tient son fils mort dans ses bras.


VOCABULAIRE

aboyer – лаять

livre (m) de messe – молитвенник

charrette (f) – повозка

moisson (m) – жатва

coquin, e (m, f) – обманщик, плут, мошенник

abandonner – покинуть

chagrin (m) – грусть

clocher (m) – колокольня

farandole (f) – фарандола

guérir – выздороветь

lanterne (f) – фонарь

corps (m) – тело

misérable – несчастный

mépris (m) – презрение

tacher – пачкать

sang (m) – кровь


QUESTIONS

  1. Pourquoi la ferme a-t-elle attiré l’attention de l’auteur ?
  2. Comment était Jan ?
  3. Comment voyez-vous l’Arlésienne ?
  4. Qui est venu un dimanche avant le mariage de Jan chez son père ?
  5. Imaginez la conversation entre maître Anselme et son fils.
  6. Comment la conduite de Jan a-t-elle changé ?
  7. Qu’est-ce qui s’est passé un jour de fête ?
  8. Imaginez comment les événements auraient-ils pu se dérouler.
  9. Qu’auriez-vous fait à la place de Jan ?

(à suivre)

(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)

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