Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №12/2008

Les Routes de l’Histoire

Les routes de Mai 68

Le boulevard Saint-Michel

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Arrestation d’un manifestant.

Tous les policiers sont concentrés dans les artères Saint-Germain et Saint-Michel. La manifestation se met en route et se trouve rapidement en confrontation avec la police sur le boulevard Saint-Germain. Jets de poubelles, de chaises de bistrots, de pierres, bref, tout ce qui traîne à portée de main. Premiers blessés chez les policiers, premiers matraquages, c’est parti !

Des dizaines de journalistes de radio font vivre ces nuits d’émeute en direct. Le gouvernement les appelle « Radio-barricades » et les accuse de donner des informations aux révoltés pour mener les batailles de rue. Les journaux télévisés des deux chaînes sont plus discrets, car ils sont étroitement contrôlés par le pouvoir. On ne peut pas tout dire à la télévision.




L’angle des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel

Le 6 mai, très tôt le matin, on entend déjà les rumeurs de la foule à l’extérieur. On dirait que tout Paris est sorti dans les rues. Une nouvelle manif étudiante de 30 000 personnes, nouveaux sévères affrontements. Les pavés volent à nouveau. Plusieurs centaines de blessés. Les manifestants sont refoulés jusqu’au boulevard Saint-Germain-des-Prés et devant le Sénat. On se dirige vers la place des Victoires pour refluer ensuite vers le Quartier latin où plus de 3 000 policiers les attendent toujours. Ils encerclent 5 000 étudiants au Quartier latin et les attaquent en lançant des grenades lacrymogènes. Jusque tard dans la nuit, il y a de véritables combats de rues. Près de 400 manifestants sont arrêtés.

Les images des interventions des forces de l’ordre et des étudiants blessés entraînent des réactions de protestation dans la population française qui, toutefois, ne se solidarise pas avec les manifestants. Les troubles passent de la capitale à plusieurs villes de province : Dijon, Lyon, Nantes, Rennes et Strasbourg.

La place Edmond Rostand

Les étudiants ont manifesté pour ainsi dire toute la semaine. Nouvelle manifestation est appelée le vendredi 10 mai sur les mêmes revendications : libération des étudiants emprisonnés, réouverture de la Sorbonne. L’impatience gronde. La manifestation est canalisée par la police vers le Quartier latin. Les barricades s’érigent de nouveau. Place Edmond Rostand, on déterre les pavés avec des grilles d’arbre. Des milliers d’étudiants, dans une extraordinaire fièvre et euphorie font d’immenses chaînes pour se passer les pavés et édifier les premières barricades dans les rues alentour. De nombreuses voitures sont également utilisées comme matériaux de base. Vers une heure du matin, autour de la place Edmond Rostand, 60 barricades de 2 mètres de haut couvrent le Quartier latin. Ces barricades constituées de pavés, de matériaux de chantier, de voitures renversées ou d’arbres déracinés barrent les rues.

En bas du boulevard Saint-Michel, les CRS1 attendent les ordres… Vers 5h du matin, 5 000 grenades sont tirées. Les escadrons, précédés de bulldozers et d’autopompes, avancent matraques levées dans les nappes de gaz, la fumée des voitures incendiées, le fracas des explosions, bombardés de pavés et de projectiles de toutes sortes. Heureusement, aucun coup de feu n’est tiré.

Les barricades de la rue Gay-Lussac

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Affrontements rue Saint-Jacques.

Le 10 mai, les étudiants envahissent le boulevard Saint-Michel. Dans les heures qui suivent, la révolte flambe. Solidement campés dans un périmètre compris entre le Panthéon, le Luxembourg et la rue Gay-Lussac, les étudiants exigent la libération de tous leurs camarades arrêtés les jours précédents. Le gouvernement refuse. Quelques milliers de jeunes dressent une soixantaine de barricades dont la plus haute, rue d’Ulm, atteindra près de 3 mètres, toujours dans le Quartier latin. Vers 21 heures, après avoir descellé des grilles d’arbres, arraché pavés et panneaux de signalisation, les étudiants forment les barricades et s’abritent derrière les automobiles stationnées rue Gay-Lussac.

20 000 étudiants et lycéens font face aux policiers.Vers le soir, le sommet des affrontements est atteint. À 2h 15, l’assaut policier est donné ! Les consignes sont claires : le moins possible de corps à corps, balayage maximum avec les gaz lacrymogènes. C’est ainsi que plus de 5 000 grenades tombent en trois heures. La résistance des étudiants est âpre, d’autant plus que ce sont de jeunes ouvriers des quartiers populaires et banlieusards qui viennent les aider et importer leurs propres méthodes de combat, comme jets de pierres et de cocktails Molotov. Les barricades des rues de l’Estrapade, Mouffetard édifiées dans les ruelles étroites sont assez longues à tomber. Des voitures prennent feu. L’ultime barricade tombe à 5h 30. Le bilan de la nuit d’insurrection est lourd : 367 policiers et étudiants blessés et des dégâts considérables.

Normale Sup, 45,
rue Ulm.
Dernier refuge

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Place de la Sorbonne.

L’école Normale Supérieure a vu le jour en 1794 où la Convention décrète « qu’il serait établi à Paris une École normale, où seraient appelés des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner. »

La tragique nuit des barricades est finie. à 6 h du matin, la plupart des barricades sont prises ou achèvent de brûler. S’engage alors une chasse aux manifestants. Tout le Quartier latin est bouclé, les stations de métro filtrées. Lorsqu’un jeune au look étudiant défait se fait interpeller, on lui demande : « Fais voir tes mains ». Mains sales, vêtements maculés… il est alors embarqué sans ménagement. Coincés dans le dédale des ruelles au petit matin, des milliers d’étudiants trouvent refuge à la fondation Curie, à l’école supérieure de chimie et surtout à Normale Sup, rue d’Ulm. Le pouvoir n’ose pas faire investir ces prestigieux établissements, d’autant plus que l’immense majorité des profs sont sympathisants, voire acteurs du mouvement.


1 Compagnies Républicaines de Sécurité.

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