Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

1917. L’année décisive, l’année difficile

1917 est une année critique avec les révoltes de soldats français sur le front et les grèves ouvrières à l’arrière. C’est aussi une année décisive avant la victoire finale, avec l’intervention américaine et la révolution russe.

Le chemin des Dames (9-19 avril 1917)

« Je suis dans la tranchée en attendant la mort.
Je ne peux pas vous écrire sans pleurer car
personne ne sait ce que je sais. »
(1917)

img1

La guerre de tranchées s’éternise. C’est le credo du général Nivelle. Début avril, Nivelle décide de frapper massivement la forteresse du Chemin des Dames, tenue par l’ennemi et réputée imprenable. Le 16 avril 1917, 30 divisions sont engagées entre l’Oise et Reims. L’échec est désastreux. En 48 heures, plus de 100 000 soldats tombent sur le champ de bataille. Pourtant, Nivelle s’obstine. Les 4 et 5 mai, au prix de nouvelles pertes considérables, les troupes françaises reprennent Craonne et le plateau de Californie. Une deuxième opération, effectuée par l’armée française, échoue le 12 avril. Une troisième offensive est lancée pour la conquête du Chemin des Dames. C’est un désastre : on compte 40 000 Français tués et 80 000 blessés. Voilà la guerre sans fin qui n’a plus de raison de cesser. Les camarades tués, les blessés1 qu’on abandonne, les ordres imbéciles de l’état-major ! Il est aussi absurde de mourir que de survivre. Seuls comptent l’amitié, la chaleur des camarades, et les quelques instants de plaisir de vivre quand on échappe à l’enfer. Personne ne croit plus à rien. Le nouvel échec du Chemin des Dames provoque les premières révoltes, les premiers refus de monter en ligne, dans l’armée française. Les soldats font « la grève de la guerre ».

Les soldats se révoltent.

Les mutineries de 1917

img2

Les sanglantes et vaines offensives du printemps 1917 provoquent une profonde crise morale parmi les poilus. Beaucoup de soldats ne comprennent plus les raisons du conflit et font la guerre sans savoir pourquoi. Même ceux qui sont partis avec enthousiasme, « la fleur au fusil », se posent des questions.

Le 16 mai, Nivelle est remplacé par Pétain, nommé généralissime. Trop tard. Depuis une douzaine de jours, les soldats refusent de monter au front. Ici ou là, on chante L’Internationale, on brandit le drapeau rouge. Le spectre de la révolution hante certains généraux qui dénoncent un complot. En fait, la réalité est plus simple. Les mutins – 40 000 au maximum – sont des soldats épuisés, maltraités par des officiers singulièrement indifférents au sacrifice des vies. Les actes de désobéissance restent isolés et Pétain rétablit l’ordre en quelques semaines. Il réprime (3 427 condamnations dont 554 à la peine de mort, avec 49 exécutions effectives). Mais aussi, il améliore la condition des poilus : ils ont désormais droit aux permissions2, au juste repos à l’arrière des lignes, à la soupe chaude et aux trains rapides quand ils rentrent chez eux. Ces permissions sont l’occasion de retrouver sa famille ou même de se marier. Le généralissime se forge alors l’image d’un officier humain et conquiert une popularité dont il saura user en 1940.

Les chansons de la révolte

Spontanément, naissent des chansons de protestation contre les généraux, peu soucieux du sang des soldats. La plus connue est La Chanson de Craonne, hymne des soldats révoltés, mais reprise par tous les régiments en dépit des interdictions de l’état-major. Ses auteurs sont Paul Vaillant-Couturier et Charles Sablon. La chanson traduit le désespoir profond des « sacrifiés » dont parle le refrain :

img3Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est pas fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Verdun, au fort de Vaux
Qu’on a risqué sa peau [...]

Chanson du désespoir, elle est aussi chanson de colère :

C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c’est pas la même chose

Le Plateau de Californie située au cœur du Chemin des Dames et dominant le village de Craonne, est, tout comme Verdun, un lieu emblématique de la Première Guerre mondiale. Son nom vient d’une « maison de plaisir » s’inspirant des salons américains et installé sur le plateau. Cet établissement s’appelait « La Californie ». Véritable forteresse naturelle au cœur du dispositif défensif allemand, le plateau de Californie restera un objectif stratégique jusqu’en 1918. Mais alors que Verdun a été rapidement érigé en symbole national de la victoire, le plateau de Californie et le Chemin des Dames ont été longtemps associés à l’échec d’avril 1917, et aux mutineries de Craonne qui ont suivi.

1998. La mémoire nationale

À Craonne, le 5 novembre 1998, à l’occasion de l’anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin exprimait le souhait que « les soldats épuisés par des attaques, glissant dans la boue, plongés dans un désespoir, victimes d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale réintègrent aujourd’hui pleinement notre mémoire collective nationale ».

Ces quelques mots ont suscité une polémique en France. D’ailleurs, le discours de Craonne, resté très général, ne définit pas clairement ce que serait une « réintégration dans la mémoire nationale ». Ces débats se tiennent encore aujourd’hui, ce qui témoigne d’un retour de la figure du « fusillé », qui reste chargée de sens. En 2002, la Libre Pensée écrit une lettre ouverte aux autorités de la République demandant « justice pour les mutins ! », c’est-à-dire leur pleine réhabilitation.



1 C’est le 23 octobre 1917, que sur le front français, l’offensive lancée est un succès : les Allemands évacuent le Chemin des Dames.

2 Congés accordés à un militaire.

TopList