Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №18/2008

Arts et culture

Les débuts d’une fantastique carrière

« Boris Vian, c’est mon maître.
Je pense être son seul disciple…
S’il n’avait pas existé,
je ne serais pas. »

Serge Gainsbourg

Boris VIAN

La recette du Gainsbourg fou 

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Boris Vian

Prenez un garçon de vingt-cinq ans
Doué pour la peinture, la musique, la chanson
Doué pour la vie, quoi !
Mettez-le dans une pièce avec un piano et un stylo
Laissez-le tourner, chercher, laissez-le brûler
Laissez-le faire. Faire son trou,
son petit trou1 qui deviendra grand, dans le monde de la chanson.
Et puis, quand vous l’aurez laissé frémir,
laissé chanter, laissé brûler devant nous… Vous le ferez revenir !
Serge Gainsbourg 

Boris Vian présentait ainsi les débuts de Serge Gainsbourg, aux Trois Baudets2. Il est difficile de dire mieux.

Tout a basculé pour Gainsbourg un soir de l’année 1954. Il est assis dans la salle du Milord l’Arsouille. Sous la scène, « un mec blême3, balançant des textes ultra-agressifs ». C’était Boris Vian. « Quand j’ai écouté Vian, se souvient-il, d’abord j’ai trouvé sa performance hallucinante. Quand j’ai entendu ce qu’il balançait comme lyrics4, je me suis dit : “Tiens, c’est peut-être pas si con, la chanson, une discipline qui pourrait m’intéresser.” Et c’est ça qui m’a motivé. »

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De cette rencontre, va naître chez le jeune musicien un vrai goût pour la composition. Partageant le même humour, Lucien Ginzburg va se sentir plus libre pour écrire et surtout chanter ses propres textes. « Ce jour-là, poursuit Gainsbourg, il avait sur scène une présence maladive ; il était stressé. C’est en l’entendant que je me suis dit : je peux faire quelque chose dans cet art mineur. »

Que la chanson soit un « art mineur », il se plaît à le répéter : « Moi je veux bien me couper une oreille comme Van Gogh pour la peinture, mais pas pour la chanson. »

Dès ses débuts, son style ne laisse personne indifférent. Il provoque soit le rejet soit l’enthousiasme. Ainsi, Philippe Clay et les Frères Jacques5 viennent-ils l’écouter et bientôt inscrivent quelques-unes de ses chansons à leur répertoire. Il décide donc d’écrire pour les autres. C’est le début d’une fantastique carrière pour lui avec de formidables succès comme : N’écoute pas les idoles, Poupée de cire, poupée de son, Les Sucettes, pour France Gall, La Javanaise pour Juliette Gréco, Comment te dire adieu pour Françoise Hardy, ainsi que plusieurs autres chansons pour Brigitte Bardot, Sacha Distel, Claude François, Catherine Sauvage, Patachou, etc. Il a même composé un rock sur des paroles de Bossuet6 pour la comédie musicale Anna. Tout le monde s’accorde à dire qu’il a de l’élégance et des lettres, que ses textes sont acides et sa musique très marquée par les styles jazzy et cha-cha-cha de l’époque. L’image publique de Gainsbourg commence à se dessiner. Des titres comme L’Eau à la bouche, ou La Chanson de Prévert élargissent son auditoire ému par leurs belles mélodies et les désillusions qu’elles provoquent dans le cœur des hommes plus âgés.

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En 1954, Lucien dépose six chansons à la SACEM7 dont deux seulement seront sauvées de l’oubli : Défense d’afficher chantée par Pia Colombo en 1959 et Les Amours perdues qu’il offre à Juliette Gréco en 1961. Pour la SACEM, Lucien Ginzburg est devenu Julien Grix. Sous ce pseudonyme, il continue à écrire pour la revue d’un cabaret de travestis, Chez Madame Arthur, et joue du piano, tous les étés, dans un club chic du Touquet, petite ville du nord de la France : clientèle riche et distinguée, atmosphère jazzy, femmes superbes. Malgré un physique ingrat, le jeune pianiste est un séducteur infatigable qui plaît aux femmes. « Ce monde entre la nuit et l’aube, entre brume et fumée, entre des bras toujours différents, toujours différemment parfumés, ce monde-là lui plaît »8. C’est le vrai succès. Il s’éloigne de son épouse dont il finit par divorcer en octobre 1957.

1958 est une année essentielle de la carrière de Serge Gainsbourg qui commence par prendre ce nouveau nom. Il choisit Gainsbourg en hommage au peintre anglais Gainsborough, et Serge qui souligne ses origines russes.

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1 Allusion au premier succès de Serge Gainsbourg, sa chanson Le Poinçonneur des lilas : « J’fais des trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous... 

2 Créé en 1947 par Jacques Canetti, le Théâtre des Trois Baudets est devenu en quelques années une véritable institution : professionnels et public s’y rendaient pour découvrir les nouveaux talents de la chanson. La liste des artistes ayant fait leur première scène parisienne aux Trois Baudets parle d’elle-même : Jacques Brel, Georges Brassens, Serge Gainsbourg, Juliette Gréco, Mouloudji pour ne citer que les plus illustres.

3 Pâle, blafard.

4 Lyrics (anglicisme) – paroles d’une chanson.

5 Les Frères Jacques sont un quatuor vocal français de l’après-guerre.

6 Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), homme d’Église, prédicateur et écrivain français.

7 Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique.

8 François Ducray, Gainsbourg, Librio, 1999.

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