Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №3/2009

Les Routes de l’Histoire

Histoire de la reine Margot (1553-1615)

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La reine Margot

Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis et d’Henri II, sœur de François II, de Charles IX et d’Henri III, première épouse d’Henri IV, laisse une réputation fascinante et déplorable. C’est à la fois « la Perle des Valois », la plus séduisante des princesses dont on ne se lasse pas de louer la beauté, la culture, l’élégance et une « Margot » qui choque même à cette époque débridée.

Elle est très imprudente dans sa vie privée comme dans ses choix politiques, se trouve mêlée à tous les conflits familiaux et religieux. Et si elle est officiellement reine de France pendant dix ans, elle ne règne jamais en fait, puisque les époux sont séparés et que Marguerite passe tout ce temps enfermée au château d’Usson...

Sa réputation posthume est plus désastreuse encore. Une légende fait de Marguerite de Valois, la « reine Margot », comploteuse, folle de son corps offert à d’innombrables amants.

La jeune princesse est la septième des enfants d’Henri II et de Catherine de Médicis. En grandissant, elle devient charmante et les poètes se disputent l’honneur de le lui dire. Elle parle italien et espagnol, elle sait le latin et elle a pour la littérature un goût très marqué.

Premier amour

La princesse Marguerite a maintenant 16 ans. Elle est jolie, coquette, elle aime plaire. Sa beauté est éclatante : de quoi séduire le brillant charmeur de 20 ans : Henri de Guise. Lui aussi a toutes les qualités pour séduire une adolescente romanesque. Il est beau, grand, au regard clair. Et il est prêt à l’épouser. Mais Catherine de Médicis n’approuve pas l’amour juvénile de sa fille… Charles IX, le roi de France, son frère, ne tarde pas à connaître par sa mère ces amours qui scandalisent la Cour. La leçon est sévère. La princesse se déclare prête à épouser celui que sa mère lui destinera. Les regards se portent sur Henri de Navarre, de religion protestante.

Les noces de sang

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Il a fallu toutes les pressions de Charles IX et de Catherine de Médicis pour que Marguerite accepte de s’unir à ce cousin huguenot dont le raffinement laisse à désirer et qui ne s’intéresse pas à sa future épouse. La tension qui règne à Paris à la veille des noces accroît son pressentiment. Paris voit affluer pour les noces de Marguerite une foule de protestants, logés au Louvre et dans sa proximité. Les Parisiens observent ces huguenots, les ennemis d’hier, qui maintenant entourent le roi. Le mariage de Marguerite se déroule dans une atmosphère d’orage politique. Marguerite de Valois, catholique, épouse Henri de Navarre, protestant.

La cérémonie se déroule devant la porte de la cathédrale parce que le marié a refusé d’assister à la messe. On prétend plus tard qu’elle ne veut pas répondre le « oui » qui va la lier à ce provincial, mais que le roi son frère, Charles IX, lui donne un coup de poing sur la nuque, et du coup Marguerite incline la tête. Pendant trois jours et trois nuits, on danse, on joue des spectacles pour fêter le mariage.

Tout à coup, un coup de feu éclate derrière le Louvre, emportant un doigt de l’amiral de Coligny, un des chefs des protestants. Décidément, jamais lune de miel royale n’a été plus courte que celle de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre : la nuit sanglante de Saint-Barthélemy arrive…

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La reine Margot et La Mole

La nouvelle de l’attentat se répand de la bouche à l’oreille, une fureur contagieuse se répand dans tout Paris : les catholiques appellent aux armes et les protestants se préparent au combat. Partout retentissent des appels au meurtre. Dans les appartements du Louvre que Marguerite partage avec Henri, les protestants parlent de vengeance et hurlent des menaces.

Catherine conseille à son fils de donner l’ordre de massacrer les hérétiques sans exception. Charles IX hésite. Elle le persuade que les protestants vont déclencher la guerre civile s’il ne prend pas les devants. Charles finit par hurler : « Oui ! Mais tuez-les tous ». Le massacre commence le 24 août. La cloche de Saint-Germain l’Auxerrois donne le signal à six heures du matin ; sur l’ordre des archers, arbalétriers et arquebusiers commencent une grande chasse aux huguenots. Les rues, les quais, les couloirs mêmes du Louvre s’emplissent de cadavres. Tous les gentilshommes protestants du Louvre, quelque soit leur titre, sont réunis dans la cour et désarmés. Quand ils parviennent à la porte, ils sont poignardés par des hommes armés, postés là tout exprès. Ceux d’entre eux qui s’enfuient dans le palais sont poursuivis dans les couloirs, les escaliers, les galeries et jusque dans les chambres. On assassine à tous les étages. À midi, on compte 2 000 victimes. Leurs corps sont entassés dans la grande cour du Louvre.

Ce matin-là, Henri de Navarre a quitté sa femme au petit jour pour aller jouer à la paume, ancêtre du tennis. Soudain, la porte de la chambre de Marguerite s’ouvre et un homme en sang apparaît, il se jette sur elle et implore sa protection. Un capitaine des gardes suivis de quatre archers est sur le point de tuer le malheureux protestant. Cette scène est décrite par Alexandre Dumas dans son célèbre roman La Reine Margot :

Madame, sauvez-moi !

Sous des rideaux de velours, dans un lit de chêne sculpté, une femme à moitié nue, appuyée sur son bras, ouvrait les yeux fixes d’épouvante.

Le malheureux s’est précipité vers elle.

– Madame ! s’est-il écrié, on tue, on égorge mes frères ; on veut me tuer, on veut m’égorger aussi. Ah ! Vous êtes reine…sauvez-moi. »

Et il s’est précipité à ses pieds, laissant sur le tapis une large trace de sang. En voyant cet homme pâle, défait, agenouillé devant elle, la reine de Navarre, s’est dressée épouvantée, cachant son visage entre ses mains et criant au secours

– Madame, au nom du Ciel, n’appelez pas, car si l’on vous entend, je suis perdu ! Des assassins me poursuivent. Je les entends…les voilà ! Les voilà !…

– Au secours ! a répété la reine de Navarre, au secours !

Au même instant la porte s’est ouverte et une meute d’hommes furieux, le visage taché de sang, hallebardes et épées en arrêt, s’est précipitée dans la chambre.

« Le voilà, le voilà !. Ah ! Cette fois nous le tenons enfin ! »

Le protestant a jeté les yeux sur la reine et a vu la plus profonde pitié peinte sur son visage. Alors il a compris qu’elle seule pouvait le sauver, s’est précipité vers elle et l’a enveloppée dans ses bras. Il a appuyé sa tête livide sur l’épaule de la jeune femme, et ses doigts crispés se sont cramponnés à la fine batiste brodée qui couvrait d’un flot de gaze le corps de Marguerite.

Ah ! Madame ! a– t-il murmuré d’une voix mourante, sauvez-moi ! Ce a été tout ce qu’il a pu dire. Il a glissé sur le plancher dans son propre sang.

Pendant ce temps, Marguerite avait instinctivement jeté sur le jeune home évanoui sa couverture de damas, et s’était éloignée de lui. Elle s’est élancée vers la porte du passage secret, l’a fermée au verrou, puis a couru à l’autre porte, qu’elle a fermée de même.

(Alexandre Dumas, La Reine Margot)

La folie meurtrière va durer trois longues journées pendant lesquelles la famille royale terrorisée, demeure enfermée au Louvre. La foule où les soldats de la garde du roi s’associent aux fanatiques, se précipite sur les boutiques et les maisons aisées. Les victimes sont des bourgeois et des nobles. On estime que deux à trois mille personnes ont péri.

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… A en perdre la tête !

1574. Charles IX est mourant. La vie de la Cour, avec ses intrigues et ses complots continue. On se réunit dans les salons pour entendre chanter des Amours de Ronsard mises en musique et accompagnées au luth. Marguerite continue de faire tourner les têtes. Le compte Boniface de La Mole la croise un jour dans les couloirs du Louvre. La beauté de Marguerite l’éblouit. Marguerite est attirée, elle aussi par le bel homme. Pour son malheur, La Mole fait part à Margot d’un complot auquel il prend part : le roi de Navarre, l’époux de Marguerite, veut détrôner le roi et y placer François d’Alençon, son frère cadet. Alexandre Dumas dans son roman  La Reine Margot immortalise les deux amants : Marguerite de Navarre et Boniface de la Mole.

Un serment morbide

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Marguerite de Valois et sa mère Catherine de Médicis

La porte s’est ouverte, et Marguerite, est venue prendre La Mole par la main, et sans dire une seule parole, l’a attiré du corridor au plus profond de son appartement. Arrivée dans la chambre, elle s’est assise sur sa chaise, et attirant La Mole à elle :

– Maintenant que nous sommes seuls, lui a-t-elle dit, causons sérieusement, mon grand ami.

– Sérieusement, madame, a dit La Mole.

– Ou amoureusement, voyons ! Cela vous va– t– il mieux ? Il peut y avoir des choses sérieuses dans l’amour, et surtout dans l’amour d’une reine; ainsi vous êtes jaloux, mon beau gentilhomme ?

– Oh ! À en perdre raison.

– Et jaloux de qui, voyons ?

– De tout le monde.

– Donc, vous m’aimez ?

– Oh ! Madame ! Plus que ma vie, plus que tout ; mais vous, vous…vous ne m’aimez pas.

– Vous m’aimez, vous voulez demeurer près de moi ?

– Ma seule prière à Dieu est qu’il ne m’éloigne jamais de vous.

– Eh bien, vous ne me quitterez pas ; j’ai besoin de vous, La Mole.

– Vous avez besoin de moi ? Le soleil a besoin du ver luisant ?

– Si je vous dis que je vous aime, me serez-vous entièrement dévoué ?

– Eh ! Ne le suis-je point déjà, madame, et tout entier ?

– Eh bien, vous êtes prêt à m’aider ?

– Eh bien, voici ma réponse : on prétend que vous avez aimé quelquefois, et que votre amour a toujours été fatal aux objets de votre amour, si bien que la mort, jalouse sans doute, vous a presque toujours enlevé vos amants…

– La Mole !

– Ne m’interrompez pas, ô ma Margarita chérie, car on ajoute aussi que vous conservez dans des boites d’or les cœurs de ces fidèles amis1, et que parfois vous donnez à ces tristes restes un souvenir mélancolique, un regard pieux. Vous soupirez, ma reine, vos yeux se voilent ; c’est vrai. Eh bien, faites de moi le plus aimé et le plus heureux de vos favoris. Des autres vous avez percé le cœur, et vous gardez ce cœur ; de moi, vous faites plus, vous exposez ma tête… Eh bien, Marguerite, jurez– moi que si je meurs pour vous, comme un sombre pressentiment me l’annonce, jurez– moi que vous garderez, pour y appuyer quelquefois vos lèvres cette tête que le bourreau aura séparée de mon corps ; jurez, Marguerite, et la promesse d’une telle récompense, , me rendra tout dévoué, comme doit l’être votre amant et votre complice. Jurez…

– Que je jure ?

– Oui.. Jurez.

– Eh bien, a dit Marguerite, si tes sombres pressentiments se réalisaient, mon beau gentilhomme, sur cette croix, je te le jure, tu seras près de moi, vivant ou mort.

(Alexandre Dumas, La Reine Margot)

En réalité, Marguerite dévoile tout à sa mère. On arrête les coupables : il s’agit de Boniface de La Mole et son ami Annibal de Coconnas. Ils sont interrogés, soumis à la torture, condamnés à mort et décapités en place de Grève. Sur les manifestations du chagrin de Marguerite, les rumeurs ont couru très vite. Elle a suspendu à sa ceinture, pour afficher leur deuil, un breloque, en forme de tête de mort comme on les aimait à l’époque. Est-elle allée de nuit recueillir auprès du bourreau la tête de son amant ? Ce n’est qu’une légende. Quant à Henri de Navarre, il quitte Paris. Marguerite va le rejoindre en 1578.

La reine Margot

En 1579, installée à Nérac, Marguerite donne à la Cour du roi de Navarre un éclat dont on se souvient encore. Les meilleurs esprits s’y retrouvent, et le charme de cette Cour rayonne au loin : ce ne sont que fêtes, concerts, poèmes, qui n’empêchent pas les galanteries plus terrestres, les deux époux fermant les yeux sur leurs infidélités réciproques.

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Catherine de Médicis

Cependant, Marguerite sent Henri de Navarre avoir envie de se débarrasser d’elle. Mais les divorces sont longs… C’est alors qu’elle commet la faute capitale de sa carrière et fait la guerre à son mari. On sait que l’objectif de la Ligue2 catholique est d’imposer au roi Henri III la mise hors la loi des huguenots. Henri III tente de résister, et très vite l’idée vient à ses adversaires qu’il serait plus simple de le tuer et de le remplacer par celui qui défendra la foi catholique. Le duc de Guise, grand, fort, énergique, intrépide, couvert de gloire et follement populaire. Marguerite accepte d’aider le parti du duc de Guise. Mais l’armée qu’elle rassemble subit une défaite. Elle se réfugie au château de Carlat, puis au château d’Usson en Auvergne. Elle y passera presque 20 ans.

La forteresse d’Usson qu’on lui a assigné comme prison est devenue pour elle « une arche de salut » ; elle finit par s’accommoder de la vie qu’elle y mène, solitaire, mais libre, consacrant son temps à la rédaction de ses Mémoires, à la lecture, mêlant piété et galanterie selon un style qui sera le sien jusqu’à la fin de sa vie.

C’en est fini de son rôle politique. Il lui restait à négocier son divorce avec Henri qui est maintenant le roi de France, Henri IV.

Marguerite a cinquante ans : c’est une femme énorme. Le bruit court que son âge n’a rien terni de son tempérament : elle continue de se farder, de se friser, de se pommader, de séduire et elle arbore des décolletés à faire rougir une honnête femme. Elle n’a pas renoncé à séduire. Elle ne peut se passer d’hommages masculins. Restent les favoris. Ce sont des garçons de petite ou moyenne noblesse, jeunes et sans fortune, qui occupent dans sa maison des emplois intermédiaires comme maître de musique ou secrétaire. Elle les forme, elle les pousse, les marie. Elle ne cherche pas à dissimuler la tendresse qu’elle leur porte.

La Cour accepte la vieille dame telle qu’elle est, avec ses favoris, son fou et ses pauvres, sa coquetterie, et ses excentricités. Elle mène un train presque royal. Elle a été reine de Navarre, elle a failli être reine de France. Elle n’est plus reine de nulle part. Elle est « la reine Marguerite » et occupe à la Cour une place sans équivalent : elle est libre, indépendante, et dirige sa vie comme elle l’entend. Car elle règne sur les lettres et les arts et sa maison, face à la cour du Louvre, devient le rendez-vous des esprits cultivés. Elle va y vivre dix ans encore, coquette et obèse, dans un mélange de débauche et de piété.



1  Elle portait des robes qui avaient  des pochettes, en chacune desquelles elle mettait une boite où était le cœur d’un de ses amants morts ; car elle était soigneuse, à mesure qu’ils mouraient, d’en faire embaumer le cœur.

2 La Ligue : Confédération du parti catholique en France, formé par Henri, duc de Guise dans le but de défendre la religion catholique contre les protestants. 

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