Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2009

Univers du français

Christine ARNAUD

Mieux gérer l’affectivité en classe de langue

Comment les élèves perçoivent-ils les méthodes de leur professeur de langue ? Jusqu’à quel point l’attitude de l’enseignant peut-elle déterminer celle de l’apprenant ? Une enseignante-chercheuse s’est penchée sur les comportements et les jugements des élèves face aux pratiques de leurs professeurs de langue étrangère… Une réflexion sur l’affectivité en classe à méditer.

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On a souvent affirmé que la classe de langue étrangère (LE), plus que toute autre, est concernée par le relationnel et l’affectif, qui pourraient être amplifiés – comme le signalait D. Coste (1984)1 – par les limitations du verbal, par le fait que l’objet d’étude, la langue cible, est en même temps le medium. L’élève se trouve particulièrement fragilisé, dépossédé de la capacité habituelle de s’exprimer, exposé en permanence à l’erreur. L’enseignant, pour sa part, ignore en grande partie comment l’élève structure son système de la langue et, de surcroît, se trouve souvent démuni, incapable d’interpréter, de gérer, avec un temps de réflexion très limité, les réactions d’approbation, de désapprobation, d’enthousiasme ou de découragement auxquels il est confronté. Dans les collèges et les lycées, en particulier, le peu de motivation des élèves, l’ennui, l’indifférence, la difficulté à communiquer, à écouter les autres, l’absence de curiosité, la dépendance excessive par rapport à l’enseignant, l’individualisme, l’esprit de compétition, etc., sont monnaie courante.

Cependant, bien que la priorité de la centration sur l’apprenant soit depuis longtemps au coeur des préoccupations des didacticiens, il est rare que les élèves soient observés dans ce microcosme qu’est la classe de langue et assez peu fréquent qu’ils soient interrogés sur leur perception de ce qui s’y passe. Nous avons, pour notre part, longtemps observé, filmé et interrogé les étudiants et les professeurs, dans le cadre de plusieurs recherches sur l’affectivité réalisées à l’Université Autonome et à l’Institut français de Barcelone. Nous commenterons ici certaines observations concernant les comportements des élèves et les jugements qu’ils portent sur les pratiques des enseignants.

Les paramètres affectifs

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Mais de quoi parle-t-on quand on parle d’affectivité ? Il y a affectivité quand le sujet prend parti, juge, prend position, réagit par rapport au vécu. En un mot, l’affectivité est de nature évaluative. Elle est à la fois un processus actif, dynamique, capable de favoriser ou d’entraver l’accès à la connaissance et un état, une réponse, qui nous fait rougir, bégayer, rire aux éclats ou bâiller. Souvent, lors d’un premier contact avec sa classe, l’enseignant parle de bonnes ou mauvaises impressions. Si les choses vont particulièrement bien, il parle d’« alchimie ». Ces impressions floues – positives ou négatives – peuvent-elles être précisées ? Doit-on, dans nos relations au groupe, se résigner à ne pas avoir de prise sur ce qui se produit, se contenter de subir ce qui nous échappe, y voir le fruit du hasard, ou peut-on prétendre mieux comprendre, reconduire et guider ?

Dans notre étude de l’affectivité en classe de langue étrangère, en nous basant à la fois sur les problèmes rencontrés en classe (mentionnés par les enseignants), sur nos propres observations et sur les études anglo-saxonnes portant sur l’affectivité, nous avons retenu quatre paramètres d’ordre affectif. Ces paramètres ont été observés au travers de marqueurs décrivant le comportement verbal et non-verbal de l’enseignant et de l’apprenant, que nous n’analyserons pas ici. Nous signalons en revanche les actions du professeur pouvant favoriser la manifestation d’une des macro-catégories retenues.

Les remarques que nous ferons sont basées à la fois sur l’observation et l’analyse des comportements de treize professeurs et de plus de quarante élèves au long d’une quarantaine d’heures de classes filmées, et sur les associations établies entre ces comportements et les résultats obtenus en fin de cours. Les jugements commentés correspondent aux réponses des apprenants à des questionnaires et lors d’entretiens réalisés dans trois recherches différentes (portant sur l’affectivité en général, les aspects affectifs liés à la correction d’erreurs et les interactions en cours de LE). Les élèves interrogés étaient tous des adultes de l’Institut français de Barcelone (1999, 2003 et 2006).

L’importance de l’implication et de l’extraversion

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Des quatre paramètres mentionnés dans le document de la page 16, deux d’entre eux semblent jouer un rôle particulièrement significatif : l’implication et l’extraversion. L’implication de l’élève (la tendance à vouloir exprimer ce qu’il pense, ce qu’il ressent, à réagir et à s’exprimer en tant que personne, l’autonomie dans l’apprentissage, l’intérêt porté à ce qu’il fait en cours, etc.) semble influer tout particulièrement sur la capacité à s’exprimer oralement, à adopter une prononciation « authentique » et à progresser en langue de manière globale. Les élèves observés, clairement impliqués et encouragés dans ce sens par l’enseignant, sont allés particulièrement loin dans leur apprentissage de la LE. Tout porte à croire que les professeurs qui s’entretiennent avec leurs élèves de sujets dépassant le simple cadre « scolaire », qui adoptent en cours un discours où le sens prend souvent le pas sur la forme, qui s’intéressent à ce qu’ils font, à leur manière d’apprendre, à ce qu’ils pensent, déclenchent un processus très puissant, étroitement lié à l’implication de leurs élèves. L’extraversion/spontanéité (le fait que l’élève intervienne de sa propre initiative, prenne des risques, donne son avis, n’hésite pas à poser des questions, à répondre, à demander des explications ; la vivacité et la spontanéité avec lesquelles il participe aux activités de la classe) semble également influer, mais dans une moindre mesure, sur l’acquisition de la langue cible.

Les attentes des uns, les actions des autres

Lorsque les attentes des apprenants coïncident avec les actions entreprises en classe par l’enseignant, la satisfaction à la fin du cours est clairement exprimée. Ainsi, un élève ayant une préférence marquée pour un enseignement « traditionnel », basé sur la grammaire, où les activités visant la correction sont nombreuses, et qui coïncide en cela avec le type d’enseignement dispensé, se sentira satisfait à la fin du cours. Cela semble une évidence. Mais il semblera moins évident de constater à quel point les élèves cherchent à se plier aux préférences et au style didactique de l’enseignant. Il peut même arriver que les priorités et les goûts personnels annoncés au début du cours soient entièrement modifiés par ce qui s’est passé ensuite. Ce qui indique l’influence que peut exercer le professeur sur le groupe. Dans quelles circonstances l’élève est-il amené à changer de critères ? Quand il a le sentiment d’avoir appris et progressé et/ou quand il s’est senti encouragé par le professeur. Il n’y a pratiquement pas un seul comportement venant du professeur qui, à lui seul, soit capable d’encourager ou de décevoir un élève. Il s’agit toujours d’un ensemble de facteurs. Notons, cependant, que l’enseignant qui ignore un étudiant, ne le regarde pas ou lui donne peu la parole a toutes les chances d’être jugé par ce dernier de manière négative. Il en est de même quand l’apprenant se sent maltraité par des paroles ou un ton excessivement sévères, sarcastiques et/ou moqueurs, qui le mettent mal à l’aise.

Le prof « idéal »

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Les appréciations portées par les apprenants sur les qualités de l’enseignant concernaient à la fois la composante affective et la composante cognitive. Citons dans l’ordre les critères les plus souvent mentionnés (les facteurs b, c, d et h concernent tous l’affectivité). Les apprenants ont apprécié particulièrement : a) que l’enseignant soit compétent (32 % des réponses) ; b) qu’il sache créer un climat incitant à parler (15 %) ; c) qu’il soit sympathique, agréable, ouvert (13 %) ; d) qu’il soit patient, compréhensif, qu’il sache éviter les situations désagréables (12 %) ; e) qu’il corrige quand l’étudiant se trompe (9 %) ; f) qu’il évite la perte de temps en classe (8 %) ; g) qu’il soit exigeant, sérieux (5 %) ; h) qu’il soit amusant (4 %). Il ressort des différents points de vue exprimés par les élèves que le professeur le plus apprécié allie compétence, patience et bienveillance avec le respect de la parole de l’élève et l’équité (en ce qui concerne le temps de parole et le traitement donné à chacun). Une certaine autorité (savoir où il va) semble aussi très bien perçue. Sans vouloir faire de « portrait robot », il pourrait être intéressant de mentionner ici les comportements en classe d’un professeur ayant fait l’unanimité de ses élèves. Cet enseignant, bienveillant et patient, alternait de manière équilibrée les activités formelles et les activités de production libre ou semi libre. Il se montrait dynamique, imprimant un rythme vif à la classe et veillait à ce que tous les élèves puissent s’exprimer, sans en privilégier aucun. Il dirigeait fermement le groupe, sans accaparer la parole et sans interrompre les productions des étudiants. Sa voix s’entendait très peu, en particulier lors des débats, dont il avait lui-même proposé le thème. Il n’exprimait jamais ses propres opinions et se montrait relativement sérieux ou même (légèrement) sévère. Il mettait en valeur les bonnes performances, évitant les critiques négatives, les rires moqueurs et aidait l’élève à s’exprimer. Par ailleurs, il évitait de corriger en mettant l’étudiant en évidence et ne l’interrompait pas pour le corriger.

Gérer le temps de parole en classe

Les enseignants sont conscients du fait qu’ils monopolisent assez souvent la parole, puisque les 2/3 d’entre eux reconnaissent parler en classe de 50 à 70 % du temps. Il s’agit souvent de ceux qui s’intéressent davantage aux aspects formels de la langue et qui corrigent le plus leurs élèves. Les désirs exprimés par les apprenants s’éloignent assez souvent de la réalité de la classe. Les élèves les plus silencieux, les plus timides, ceux qui interviennent le moins sont aussi ceux qui réclament le plus de temps de parole. Près de la moitié des personnes interrogées voudraient que les élèves puissent s’exprimer plus de 50 % du temps et près de 15 % voudraient même le faire plus de 70 % du temps. Parmi ces derniers se trouvent les apprenants les plus introvertis et progressant avec plus de difficulté. On peut remarquer à ce propos que certaines carences personnelles de l’élève le poussent parfois à réclamer à l’enseignant des actions tendant à contrebalancer cette carence, d’une manière qu’on pourrait parfois juger excessive. Il semblerait que ces élèves introvertis aient besoin et attendent que le professeur trouve la manière de les faire sortir de leur coquille. Il en est de même de ceux qui rient et plaisantent peu en classe et parallèlement apprécient tout particulièrement l’entrain et la bonne humeur de l’enseignant.

Rires, sarcasme, critiques…

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Le rire et la plaisanterie peuvent contribuer à créer un climat détendu en classe, favorable à l’apprentissage. C’est assez souvent le cas. Mais lorsque à l’origine, il y a une intention railleuse, moqueuse ou sarcastique, on est beaucoup plus près de la critique que de la décontraction. Il est assez fréquent que l’enseignant utilise l’ironie ou la plaisanterie pour faire passer une critique voilée ou exprimer son irritation. L’élève ne s’y méprend pas, puisqu’il réagit parfois (après avoir ri comme le reste de la classe) par une attitude passive ou même en abandonnant la classe (après la pause, par exemple). L’agacement ou l’impatience de l’enseignant a tendance à s’exprimer de cette façon. Par ailleurs, les rires moqueurs du groupe à l’encontre d’un élève ayant mal prononcé ou produit une phrase erronée, par exemple, sont évidemment un frein à l’extraversion. Or, il est rare que l’enseignant interprète rapidement le sens négatif de ces rires et s’abstienne de se joindre au concert. Quand le professeur s’abstient ou même intervient pour éviter que ce comportement se répète, cette attitude diminue ou même cesse totalement. Certaines expressions décourageantes comme : « Les Français ne vont pas comprendre si vous prononcez comme ça » ou « Oui, le passé composé est très compliqué. L’accord du participe passé est un vrai casse-tête », sont prononcées sans que l’enseignant soit vraiment conscient de l’effet produit sur le groupe. Nous avons vu une étudiante quitter ostensiblement la classe après avoir protesté haut et fort à la suite de plusieurs phrases suivies de ce type. D’autres aspects mériteraient d’être commentés, notamment les jugements portés par les apprenants sur la manière de corriger de l’enseignant. Dans ce domaine, bien des contradictions se manifestent entre ce qui est jugé utile et ce qui plait (contradictions entre les points de vue cognitifs et affectifs). Par ailleurs, l’observation de nombreuses heures de classe semble montrer que le chevauchement d’objectifs visant et la correction (focalisation sur la forme) et la fluidité/communication (focalisation sur le sens) dans les activités réalisées en classe a pour effet d’annuler chez l’élève toute intention d’exprimer une pensée ou des sentiments personnels et de ce fait empêche toute implication de sa part.

L’affectivité en classe de langue étrangère

Paramètres d’ordre affectif

Actions de l’enseignant favorisant les comportements affectifs souhaités

L’implication / motivation

• S’adresser aux apprenants en tant qu’individus.
• Adopter un type de discours où c’est le « je personne » qui est interpellé.
• Différencier les activités centrées sur la forme (correction) et celles centrées sur le sens (fluidité).
• Multiplier les occasions de s’intéresser à la culture de la langue cible.
• Développer l’autonomie de l’apprenant.

L’extraversion / spontanéité

• Encourager (verbalement ou non) l’élève à s’exprimer.
• Utiliser le feed-back positif.
• Aider l’élève à s’exprimer.
• Regarder tous les élèves indistinctement.
• Être patient et bienveillant.
• Faire sortir les plus timides de leur coquille.
• Faire parler tout le monde sans favoriser un groupe d’étudiants au détriment de l’autre.
• S’effacer devant la parole de l’élève.
• Distinguer les activités centrées sur la forme de celles centrées sur le sens et ne corriger que pour les premières.
• Susciter les interactions entre apprenants.

Le fait de se sentir à l’aise en classe

• Éviter de faire subir à l’élève des expériences négatives.
• Plaisanter sans intention moqueuse et sans agressivité.
• Inciter les élèves à utiliser la plaisanterie, le rire, sans intention moqueuse.
• Utiliser l’humour, montrer de l’entrain, de la bonne humeur.
• Se montrer souriant, ouvert et détendu (expression faciale, position corporelle, ton de la voix).
• Être patient et bienveillant.

La cohésion de groupe et la convivialité

• Encourager et faciliter les interactions entre apprenants.
• Encourager un comportement empathique.
• Prioriser les activités à réaliser en tandem ou en groupe.
• S’effacer, éviter de jouer l’homme-orchestre.
• Regarder tous les élèves.
• Faire participer tous les élèves.

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