Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №6/2009

Je vous salue, ma France

Le Nord : Picardie, Flandre et Artois

« Au Nord, c’étaient les corons
La terre, c’était le charbon
Le ciel, c’était l’horizon
Les hommes, des mineurs
de fond... »

Pierre BACHELET

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Dans la mémoire collective des Français, le Nord, c’est le charbon. Tel l’a chanté Pierre Bachelet qui évoque son enfance au milieu des terrils et des corons. De Lens à Douai, d’Auchel à Oignies, le paysage minier dresse encore aujourd’hui ses terrils, ses chevalements préservés et ses cités minières.

C’est depuis Lens et sa gare décorée d’une mosaïque à la gloire du charbon, que l’on peut le mieux retrouver l’atmosphère d’un pays marqué par la mine. La « route des gueules noires » permet d’en visiter les sites les plus impressionnants.

Ainsi peut-on à Oignies visiter les installations de la fosse N° 9 où le réalisateur Claude Berri a tourné en 1992 une scène de Germinal. Écrit par Émile Zola en 1884, Germinal témoigne de l’activité minière, de ses contraintes, de ses tensions. C’est en fait près de Valenciennes, dans la région de Denain, auprès de la Compagnie des mines d’Anzin, que Zola était venu enquêter sur la condition de vie des mineurs avant d’écrire son roman. Le roman Germinal met en scène une grève provoquée par la décision de la Compagnie des mines de réduire les salaires. L’intransigeance de la direction conduit à des actes de violence, à l’intervention de l’armée. Un anarchiste, Souvarine, sabote la mine. Le roman exalte l’espoir de la germination d’une société plus juste et plus égalitaire. « Germinal » est aussi le nom donné au mois d’avril dans le calendrier révolutionnaire.

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Terrils du Nord

Aujourd’hui les traces de la mine restent présentes :

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Filature à Roubaix

Il s’agit là d’un urbanisme typique correspondant à un style de vie. Le mineur appartenait corps et âme à la compagnie minière qui lui donnait du travail de père en fils. Le mineur était logé, éduqué par son employeur qui veillait au maintien de principes moraux et religieux.

Roman de révolte contre les conditions de travail inhumaines, le temps de travail, les salaires, la silicose qui ronge les poumons, le coup de grisou ou l’éboulement qui tue, Germinal a été écrit vingt ans avant la catastrophe de Courrières. En ce lieu, à côté de Lens, le 10 mars 1906, le gisement exploité par la Compagnie des mines de Courrières, connaît « un coup de poussière » sans doute déclenché par un coup de grisou dû à l’utilisation de lampes à feu nu. 110 km de galerie sont atteintes, 1 099 mineurs sur les 1 800 descendus ce jour-là ne remonteront pas vivants, selon le bilan officiel.

Le 13 mars 1906 éclate une grève qui s’étend jusque dans le Borinage en Belgique. Le ministre de l’intérieur Georges Clemenceau envoie l’armée pour contrôler une situation qui devient insurrectionnelle. C’est la plus grande catastrophe minière d’Europe.

En 1990, les derniers mineurs remontent de la fosse N° 9 à Oignies, c’est la fin du charbon dans le Nord. Son extraction est jugée trop coûteuse et non rentable. On peut descendre dans la mine à Oignies ou visiter le Musée de la mine à Harmes.

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Mais le Nord n’offre pas seulement le souvenir de ses vestiges miniers. Lieu de la révolution industrielle de la seconde moitié du XIXe siècle, il est un endroit idéal pour découvrir l’architecture des bâtiments industriels. Elle est marquée en particulier par la brique, le métal et le style Art déco. Ainsi encore il faut voir ces anciennes brasseries, ces anciennes filatures ou usines reconstruites en ce qu’on appelle des « maisons folies » rénovées par des éléments d’architecture moderne : lieux de restaurants, de spectacles, de médiathèques et d’une convivialité qui est un des charmes du Nord.

« Avec des cathédrales pour
uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts
de cocagne
Où des diables en pierre dérochent
les nuages
Avec le fil des jours pour unique
voyage
Et des chemins de pluie pour
unique bonsoir
Avec le vent d’ouest écoutez
le vouloir
Le plat pays qui est le mien... »

(Jacques BREL, Le Plat pays)

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Roubaix

Jacques Brel chante ainsi son plat pays flamand, celui qui est du côté de sa Belgique natale. Les mêmes paroles sont évocatrices du plat pays de la Flandre française. Ici les paysages sont en continuité, la frontière court, artificielle. Elle sépare parfois une rue en deux. Mais de part et d’autre, ce sont les mêmes maisons de brique crue et de pierre, les mêmes « estaminets », ces lieux populaires où l’on échange dans la chaleur du « genièvre » (un alcool de grain local), de bière (une spécialité dont il faut goûter les multiples marques de brasseries artisanales centenaires) ou d’un simple « cahua » (le café léger que l’on boit tout le long de la journée et qui mijotait chez chacun sur les fourneaux).

C’est que la Flandre, l’Artois et le Hainaut, provinces françaises définitivement acquises au XVIIe siècle, ont fait partie des anciens Pays-Bas, domaine du comte de Hollande et des ducs de Bourgogne. On mesure ici l’intensité des échanges qui a donné lieu à une architecture originale et à des œuvres d’art qui font aujourd’hui la richesse de multiples musées. Et puis, il y a eu cette vogue de la mer du Nord, si proche de Bruxelles et de Paris, qui fit la renommée des stations de villégiature à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Ici, certains parlent encore le flamand, le même que celui parlé de l’autre côté de la frontière. Là-bas, le français de Wallonie est le même que le français de France mais avec un accent inimitable et ses expressions qui font sourire et sont la source de tant d’« histoires belges ».

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Touquet, la plage

Découvrir l’Artois et la Flandre, c’est découvrir les « noirs clochers », la masse des cathédrales, les beffrois, ces tours qui veillent sur la ville et l’Hôtel de ville. Ici, le pouvoir religieux, là, le pouvoir civil. Ici, le rythme profond des cloches pour les célébrations religieuses, là, les carillons musicaux qui rythment le temps de la vie de la cité.

Dans le ciel se découpent les « diables en pierres » (gargouilles et statues de ces tours). La ville s’organise autour de la cathédrale et des places. Regardez Arras : la Grand Place et la Place des Héros, lieux d’échanges et de commerce avec leurs arcades pour abriter du vent et de la pluie, leurs maisons à pignon pointu, leurs frontons et leurs pilastres, leurs statues monumentales pour en souligner la richesse. Il y a l’Hôtel de ville et son beffroi et un peu à l’écart la cathédrale enchâssée dans l’ancienne abbaye Saint-Vaast reconstruite au XVIIe siècle. Et puis encore à l’écart, la citadelle, ses remparts, ses fossés, ses demi-lunes (fortifications avancées) destinées à retarder l’ennemi. Car l’on est ici dans le « pré-carré » de Louis XIV et dans le système de fortifications construit par Vauban au XVIIe siècle : Gravelines, Béthune, Arras, Cambrai, Avesne, Maubeuge, Le Quesnoy, Lille, Bergues et d’autres témoignent encore d’une architecture militaire qui se voulait être aussi… agréable à l’œil !

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Touquet

Alors il n’y a que l’embarras du choix : rechercher les vieux quartiers de Lille, les richesses des musées qui dépassent de beaucoup la période, dite des « primitifs flamands » et s’ouvrent sur l’art contemporain le plus récent ; rechercher l’atmosphère si particulière de vieilles cités comme Bergues ou aller à Montreuil où Victor Hugo a choisi en 1837 de situer un épisode des Misérables. JeanValjean, l’ancien forçat, devenu maire respecté à Montreuil, doit décider s’il laisse juger un innocent à sa place ou s’il révèle son véritable passé. Hugo a titré l’épisode : « Tempête sous un crâne ».

Les paysages de la mer, une architecture inspirée parfois par l’Angleterre du XIXe siècle, comme au Touquet-Paris-Plage, la nature vierge de la baie de Somme et les myriades d’oiseaux migrateurs du parc de Marquenterre, la splendeur de la cathédrale gothique d’Amiens – la plus vaste de France, deux fois Notre-Dame de Paris ! – vous attireront aussi.

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Amiens

Tout comme les souvenirs des deux guerres européennes dévastatrices : vestiges du « mur de l’Atlantique », coupole d’Helfaut-Wizemes qui devait servir de point de lancement des fusées V1 et V2, destinées à détruire l’Angleterre, témoignages de la Grande Guerre, au chemin des Dames, en particulier près de Soissons où des dizaines de milliers de soldats perdirent la vie pour… quelques mètres de terrain :

« Adieu la vie, adieu l’amour
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme
C’est à Craonne, sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C’est nous les sacrifiés... »

(chanson anonyme de 1917)

C’est peut-être à L’Historial de la Grande Guerre à Péronne, qui met en scène une muséographie respectant tous les combattants et qui fait méditer sur l’absurdité d’une guerre qui fut une catastrophe pour l’Europe entière et continue à interpeller sur la sagesse humaine.

À voir aussi :

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La mine à Oignies

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