Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №7/2009

Arts et culture

Sophie BERTRAND

Le Studio franco-russe

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Nicolaï Berdiaev (1874-1948)

Le Studio franco-russe constitue une expérience originale de rapprochement et d’entente culturels entre la France et la Russie. Il s’agit de débats publics d’écrivains et intellectuels russes émigrés et français qui eurent lieu à Paris entre 1929 et 1931. La jeune génération d’écrivains russes émigrés souhaitait intégrer les cercles littéraires français. Wsevolod de Vogt prend ainsi l’initiative de ces conférences qui se déroulent au Musée National. Rapidement, ces soirées deviennent le lieu privilégié d’une collaboration intellectuelle et culturelle. Dès le début, d’illustres écrivains y participent (Nicolaï Berdiaev, Gaïto Gazdanov, Nadejda Gorodetski, Marina Tsvetaeva, Boris Zaïtzev… côté russe, et André Malraux, Paul Valéry, François Mauriac, Jacques Maritain, Gabriel Marcel, Georges Bernanos… côté français).

Les soirées se déroulaient entièrement en français. Deux conférenciers, un russe et un français, présentaient leur point de vue sur des questions littéraires, philosophiques et culturelles. Ensuite s’ouvraient des débats auxquels pouvait participer toute personne présente dans la salle. Les textes des conférences et des débats furent publiés dans la revue Cahiers de la Quinzaine, dirigée par Marcel Péguy, fils du poète Charles Péguy.

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François Mauriac (1885-1970)

Les sujets de la première saison du Studio sont surtout littéraires : l’influence de la littérature française sur les écrivains russes depuis 1900 et l’influence de la littérature russe sur les écrivains français, le roman après 1918, Dostoïevski, Tolstoï, Gide, Proust.

Il s’agissait d’exposer un point de vue français et un point de vue russe. Cependant, la différence nationale disparaît bien vite devant une opposition de l’ordre idéologique. Leonid Livak1, qui a réédité les sténogrammes du Studio, montre comment se sont formés très vite deux groupes franco-russes. Dans les années qui suivent la catastrophe de la Première Guerre mondiale, l’idée de la crise de la culture occidentale et de sa possible décadence est très répandue ; beaucoup d’intellectuels voient l’issue à cette crise dans une renaissance spirituelle, plus précisément chrétienne, de l’Europe. Ces penseurs « chrétiens » soutiennent les émigrés russes, ayant fait l’expérience de la Révolution et de l’exil, et dont les relations avec les russes « bolchevisants » sont plus que tendues.

Lors de la deuxième saison des conférences du Studio, les questions sociales, philosophiques et spirituelles rivalisent avec les thèmes littéraires. On s’intéresse beaucoup au renouveau contemporain et aux figures symbolisant ce renouveau, notamment Charles Péguy. Un courageux et difficile dialogue s’installe alors entre les deux cultures.

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Marina Tsvetaeva (1892-1941)

Les conférences du Studio furent un succès. Grâce aux contacts qui s’établissaient entre les Russes et les Français après chaque séance, les émigrés trouvèrent leur place dans la vie culturelle française et purent faire traduire leurs œuvres en français.

Les écrits de Ivan Bounine et Boris Zaïtsev, Nadejda Gorodetski et Galina Kuznetsova, Marina Tsvetaeva et David Knut, Mark Aldanov et Ivan Chmelev, Hélène Isvolskaya et Alekseï Remizov, Boris de Schloezer et Nadejda Teffi parurent dans les mêmes revues et chez les mêmes éditeurs que François Mauriac, Georges Bernanos, Paul Claudel et Marcel Aymé, Charles Du Bos et Gabriel Marcel. Les écrivains émigrés trouvèrent aussi dans le Studio une tribune libre pour exprimer leur voix. Ils débattaient avec leur confrères français des questions littéraires, philosophiques et morales qui les préoccupaient. En cela les débats du Studio constituent un fascinant et courageux dialogue entre les deux cultures, qui va de stéréotypes brisés à une nouvelle compréhension d’autrui, et qui reste entièrement ouvert à la postérité, comme le remarque l’organisateur de ces conférences, Wsevolod de Vogt : « Le résultat de ces rencontres c’est une compréhension possible, effective, entre l’Orient et l’Occident, entre la Russie et la France. Et qui dit compréhension, dit collaboration ».



1 L. Livak, Le Studio franco-russe (1929-1931), Revue des Études Slaves, t. 75, fascicule 1, 2004.

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Gaïto Gazdanov (1903-1971)

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André Malraux (1901-1976)

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Paul Valéry (1871-1945)

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