Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №9/2009

Arts et culture

André MAUROIS

La pèlerine

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Connaissez-vous, demanda-t-il, le charmant poète autrichien Riesenthal ?

– Je ne l’avais, dis-je, rencontré qu’une seule fois, et déjà je l’aimais mieux que bien des hommes que j’ai connus toute ma vie… Peu de temps après cette brève rencontre, j’ai appris sa mort, avec tristesse, mais sans surprise, car il avait à peine l’air d’un vivant… Depuis, bien souvent, en voyageant dans de différents pays, en France, en Allemagne, en Italie, partout j’ai rencontré des amis de Riesenthal…

– Je suis content de ce que vous me dites, répondit-il, car j’étais un ami de Riesenthal. Comme vous, je l’avais vu pendant une heure et n’avais pas pu l’oublier. Il y a trois ans, traversant mon pays, il se souvint de moi, m’écrivit et s’arrêta chez moi pour un jour. C’était au début de l’automne et déjà l’air était frais. Riesenthal, maladif et fragile, souffrait de n’avoir pas apporté de vêtements chauds.

– Pourriez-vous, me dit-il en souriant, me prêter un pardessus ?

J’allais chercher une pèlerine brune que j’avais l’habitude de porter pour la chasse, pendant l’hiver. Riesenthal, amusé, me montra qu’il pouvait s’y envelopper deux fois et, ainsi roulé dans ma pèlerine, il se promena avec moi sous les arbres.

Ce jour-là, ma maison, mon jardin, les feuilles rougissantes, les hautes montagnes qui nous entouraient et le soir, le feu de bois dans ma cheminée, lui plurent tant qu’il décida de rester un jour de plus…

img2Ainsi, il resta deux semaines pendant lesquelles il vécut roulé dans ma pèlerine. Enfin, il partit, me laissant, souvenir de ces jours, un poème… Quelques mois plus tard, j’appris sa mort.

L’automne suivant, je reçus une autre visite, celle de l’écrivain français dont j’aime le style et que je connaissais alors très peu. Lui aussi s’était arrêté dans ma petite ville pour un seul jour. Après le repas, nous nous promenâmes sous les arbres jaunissants. Il se plaignit de l’humidité et j’allais lui chercher la pèlerine de Riesenthal.

C’est un fait assez étrange, mais dès qu’il eut ce vêtement sur les épaules, mon hôte sembla transformé. Il devint confidentiel, presque tendre. Enfin, quand la nuit tomba, une amitié était nouée et, comme jadis Riesenthal, ce visiteur d’automne, venu pour un jour, passa chez moi deux semaines.

Après cela, vous imaginez que la pèlerine brune devint pour moi un objet très cher auquel j’associais, sans beaucoup y croire, un pouvoir symbolique et bienfaisant.

Au cours de l’hiver qui suit, je devins amoureux d’une belle Viennoise, Ingeborg de Dietriche. Elle gagnait sa vie en travaillant chez un éditeur. Je lui offris de m’épouser, mais elle était fanatique d’indépendance et elle me dit qu’elle ne pouvait pas supporter l’idée de se lier par un mariage.

Au printemps, Ingeborg consentit à me rendre visite dans ma maison de Wienerwald. Le premier soir, nous sortîmes dans le jardin et je lui dis : « Voulez-vous me faire un grand plaisir ? Permettez-moi, au lieu de votre manteau, de placer sur vos épaules cette pèlerine… Je sais que vous n’êtes pas sentimentale… Ce désir doit vous paraître absurde…, mais je vous prie ».

Elle rit, et tout en se moquant de moi avec beaucoup de grâce, elle consentit.

Il se tut parce que, dans la brume du soir, au fond de l’allée une forme charmante glissait vers nous, enveloppée d’une pèlerine brune.

« Vous connaissez ma femme ? », dit-il.


Lili TCHOUPAKHINA

Fiche pédagogique

Avez-vous bien compris le texte ? Choisissez des variantes correctes.

I. Le poète autrichien Riesenthal...

II. André Maurois...

III. André Maurois ...

IV. Le poète...

V. C’était déjà l’automne et...

VI. Riesenthal souffrait du froid mais après avoir mis la pèlerine de N.,...

VII. L’écrivain français X., venu chez N. l’année suivante...

VIII. Lorsque N. est tombé amoureux de la belle Ingeborg,...

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IX. La pèlerine...

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