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Les Routes de l’Histoire

Igor SHTANEV

Fin de la Nouvelle-France… et suite. Les années 1750 – à aujourd’hui

(Suite. Voir NN° 17, 21, 22/2008, 9, 10/2009)

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La place Royale de l’église au centre-ville de Québec après le bombardement par les Anglais en 1759

Jusqu’en 1759, la France étend son influence en Amérique du nord sur un territoire plus grand que la France métropolitaine. À la fois c’est un espace géographique en Amérique quatre fois plus grand que celui de son rival britannique, mais disposant d’une population vingt fois moindre. Est-ce un signe précurseur de la fin incontournable d’un colosse sur les jambes d’argile ? Oui et non. Oui, car on ne peut pas aménager un tel espace avec aussi peu d’hommes. Non, parce que le sort de la Nouvelle-France sera décidé en Europe lors des batailles de la guerre de Sept Ans.

Voyons comment la Nouvelle-France a subi les changements de passage du régime français au régime britannique avec le coup de projecteur sur :

Conquête de la Nouvelle-France par l’Angleterre

Vers 1750, la façade brillante de la Nouvelle-France cachait mal la fragilité de l’édifice. En 1748, la garnison de Québec ne compte que 169 soldats. La colonie était à la merci de la guerre entre la France et l’Angleterre.

Le conflit militaire a éclaté en Europe en opposant la Grande-Bretagne et la Prusse à la France, l’Autriche et la Russie. Il s’est transformé en guerre de Sept Ans (1756-1763), appelée par les historiens la Première Guerre mondiale, vu qu’elle a eu pour le théâtre d’opérations militaires les territoires des colonies françaises et anglaises.

Le plan de guerre de la Grande-Bretagne visait à détruire les forces navales et la marine de commerce de la France et à s’emparer de ses colonies, pour ainsi anéantir sa rivale commerciale.

Cette guerre a abouti à la conquête du Canada par la Grande-Bretagne et, par le fait même, cela a provoqué les changements qui en ont résulté dans les conditions de vie des 60 000 à 70 000 habitants francophones et de nombreux peuples autochtones.

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Prise de Québec le 13 septembre 1759

Au début de la guerre en Amérique, les Britanniques ne connaissent la victoire qu’en Acadie, où ils réussissent à prendre le fort français Beauséjour et sa petite garnison. Les colons acadiens sont ensuite rassemblés par les troupes de la Nouvelle-Angleterre et déportés.

En avril 1756, de nouvelles troupes françaises arrivent au Canada sous le commandement du marquis de Montcalm. La stratégie du commandant en chef et gouverneur général, le marquis de Vaudreuil, consiste à maintenir les Britanniques sur la défensive et le plus loin possible des établissements des colons canadiens.

En 1758, l’armée et la marine britanniques assiègent le fort français Louisbourg. La ville est chaque fois forcée de capituler à la suite de lourds dommages causés par les tirs d’artillerie ainsi que par le blocus naval, et la population est exilée en France. Après le premier siège, un traité redonne la colonie à la France ; après le deuxième, les fortifications ne tardent pas à être démolies, et la ville est définitivement abandonnée.

Des navires de ravitaillement français parviennent à Québec tous les ans, mais la France n’envoie presque plus de troupes de renfort. Les Français espèrent qu’une invasion de la Grande-Bretagne forcera les Britanniques à négocier.

En 1759, deux armées britanniques marchent sur le Canada, tandis qu’une troisième s’empare de Niagara. Le major général James Wolfe, arrive à Québec avec 9 000 hommes ; pendant ce temps, le général Jeffery Amherst avance sur le lac Champlain jusqu’à Crown Point. Après un été de manœuvres infructueuses, Wolfe force Montcalm à livrer bataille aux portes de Québec, le 13 septembre. Cet affrontement se solde par l’écrasante défaite française de la Bataille des plaines d’Abraham. La ville se rend quelques jours plus tard.

La ville de Québec capitule devant les forces britanniques le 18 septembre 1759. La résistance française prend fin un an plus tard avec la capitulation de Montréal. Lorsque le gouverneur de la Nouvelle-France s’adresse aux autorités royales en France pour demander d’envoyer l’aide, il reçoit la réponse : « Lorsque la maison brûle on ne sauve pas les écuries », ce qui voulait dire que la France a perdu la guerre en Europe et en Amérique.

Selon les conditions de la reddition signée le 8 septembre 1760, les Britanniques garantissent aux habitants de la Nouvelle-France l’immunité contre la déportation ou les mauvais traitements, le droit de rentrer en France avec tous leurs biens, la jouissance continue de leurs droits de propriété, le droit de poursuivre le commerce des fourrures sur un pied d’égalité avec les Anglais et la liberté de culte.

En vertu du Traité de Paris (10 février 1763), la colonie française devient une possession britannique.

Certains historiens contemporains, considèrent que la Conquête a été désastreuse en ce qu’elle a réduit les Canadiens français à l’état de sujets de deuxième classe et même de prolétaires ethniques, étant donné la monopolisation des fonctions supérieures du gouvernement et des affaires par les nouveaux arrivants anglophones.

Pour les peuples autochtones, la fin des hostilités franco-britanniques a pour résultat fatidique le déclin de leur valeur d’alliés et de guerriers, et les isole de plus en plus de la société des Blancs.

Regardons de plus près comment les peuples des régions différentes de la Nouvelle-France (Acadiens, Canadiens français et habitants de la Louisiane) ont subi ce passage du régime français au régime britannique.

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L’histoire tourmentée de la population lors
du changement des régimes.

Les Acadiens

La colonisation de la Nouvelle-France a commencé par l’établissement risqué des 80 colons français en 1604 dans l’île Sainte-Croix sur la rivière Sainte-Croix (sur le territoire du Nouveau-Brunswick du Canada contemporain). C’était le tout début de la naissance d’un peuple qui a reçu le nom des Acadiens selon le nom du vaste pays où ils se sont installés : Acadie1. Ce peuple a souffert le plus des tribulations militaires des deux rivaux de la conquête de l’Amérique du nord : les Anglais et les Français.

L’histoire tourmentée de ce peuple qui a connu l’exode illustre bien toute la réalité du processus de conquête et de partage du territoire du Canada entre la France et l’Angleterre tout au long des derniers siècles.

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Lecture par les Anglais de l’ordre
de déportation des Acadiens

Après la Guerre de la Succession d’Espagne (1701-1713), l’Acadie passe définitivement aux mains des Anglais et c’est la période de voisinage difficile (1713-1763) qui marquera l’histoire de ce peuple et de la Nouvelle-France.

Après la perte de l’« ancienne Acadie », la France choisit Louisbourg comme nouvelle capitale qui assure une forte présence militaire et constitue un centre du commerce.

En 1749, les autorités anglaises transfèrent la capitale de la Nouvelle Écosse d’Annapolis Royal à Halifax. Bien que les dispositions du traité d’Utrecht autorisent théoriquement le départ des Acadiens, ceux-ci ne s’empressent pas d’aller s’établir dans les nouvelles colonies françaises. Quant aux autorités britanniques, elles ne facilitent pas le transfert des Acadiens, mais travaillent plutôt à l’empêcher. Elles ont aussi besoin des agriculteurs acadiens pour fournir des vivres à la garnison.

La présence de Louisbourg au nord et du fort Beauséjour à l’est et d’une population acadienne considérée comme une menace potentielle de rébellion décide les autorités britanniques de Halifax à régler une fois pour toute la question acadienne. En refusant de prêter un serment d’allégeance sans réserve, la population est condamnée d’être déportée.

Le général John Winslow fait réunir les habitants du village Le Grand-Pré en annonçant : « Vos terres et vos maisons et votre bétail et vos troupeaux sont confisqués, avec vos autres effets, excepté votre argent et vos objets de ménage, vous allez être vous-mêmes transportés hors de cette province. »

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Déportation des Acadiens

Une fois entreprise, la déportation dure de 1755 à 1762. Les colons sont mis à bord de bateaux et déportés vers les colonies anglaises de la côte Est, aussi loin vers le sud que la Géorgie. D’autres réussissent à s’enfuir en territoire français ou à se cacher dans les forêts. Selon les estimations, les trois quarts de la population sont déportés et le reste réussit à s’enfuir. Un nombre inconnu d’Acadiens meurent de faim, de maladie ou de misère. Quelques navires remplis d’exilés font naufrage en haute mer avec leur cargaison humaine.

Les autorités britanniques préfèrent les voir se disperser sur tout le territoire et cette directive convient aux Acadiens eux-mêmes, parce qu’elle leur permet d’éviter les régions à majorité britannique. Alors, la plupart du temps, les colons britanniques occupent les terres qui appartenaient auparavant aux Acadiens.

Parce qu’ils sont catholiques, les Acadiens sont privés de leurs droits civils et politiques. Ils n’ont pas le droit de vote et ne peuvent pas être élus à l’assemblée législative. De 1758 à 1763, ils n’ont même pas le droit légal de posséder des terres. Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse obtiennent le droit de vote en 1789, ceux du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard, en 1810. Après 1830, ils peuvent siéger aux assemblées législatives des trois colonies.

Au début du XIXe siècle, on compte 4 000 Acadiens en Nouvelle-Écosse, 700 à l’Île-du-Prince-Édouard et 3 800 au Nouveau-Brunswick. Pendant ce siècle, leur implantation et leur croissance sont remarquables : ils sont environ 87 000 au moment de la Confédération et 140 000 au tournant du siècle.

Les Canadiens français

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Les scènes de rébellion des métis de l’ouest du Canada

Après la défaite de la Nouvelle-France et la signature du Traité de Paris en 1763, la colonie française devient une possession britannique, malgré la population majoritairement francophone.

Pour assurer la gouvernance de cette population sous régime britannique les autorités appliquent l’Acte de Québec, une loi britannique entrée en vigueur le 1er mai 1775 et qui définit les règles pour le Québec en Amérique septentrionale.

La colonie est régie par un gouverneur et un conseil de 17 à 23 membres nommés. On y garantit la liberté du culte pour la majorité catholique de la colonie, comme cela est inscrit dans l’article V : « Et pour la plus entière sûreté et tranquillité des esprits des habitants de la dite province, il est par ces présentes déclaré, que les sujets de sa Majesté professant la Religion de l’Église de Rome dans la dite province de Québec, peuvent avoir, conserver et jouir du libre exercice de la Religion de l’Église de Rome, soumise à la Suprématie du Roi [...] et que le Clergé de la dite Église peut tenir, recevoir et jouir de ses dûs et droits accoutumés, eu égard seulement aux personnes qui professeront la dite Religion. »

L’acte instaure le droit civil français et le droit criminel anglais pour les Canadiens français, comme cela est inscrit dans l’article XI : « Et comme la clarté et la douceur des lois criminelles d’Angleterre, dont il résulte des bénéfices et avantages que les habitants ont sensiblement ressenti par une expérience de plus de neuf années, pendant lesquelles elles ont été uniformément administrées, il est, à ces causes, aussi établi par la susdite autorité, qu’elles continueront à être administrées, et qu’elles seront observées comme lois dans la dite province de Québec ».

Les Métis

Lorsqu’on parle des Canadiens français, les historiens les identifient en fonction de l’endroit où ils habitent (par exemple, les Canadiens français de l’Ouest du Canada, de l’Ontario ou des régions de Saint-Laurent…)

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Les Créoles en Louisiane

À titre d’exemple une nation métisse des canadiens français est née à l’Ouest du Canada (province de Manitoba) à la suite du déplacement des coureurs de bois qui arrivaient massivement en XVIIe siècle dans le Nord-Ouest à la recherche de fourrures. Les négociants français de l’Ouest contribuent ainsi à l’expansion de la Traité des fourrures jusqu’aux rives de l’Arctique et du Pacifique. Ils épousent des femmes autochtones, créant ainsi un groupe distinct de Métis2.

Au milieu du siècle, les Métis de la rivière Rouge (province de Manitoba) ont déjà développé une économie basée sur la chasse au bison, l’agriculture à petite échelle. Ils s’établissent aux fourches de la rivière Saskatchewan, dans la région des collines du Cyprès de la Saskatchewan, à Lac Sainte-Anne.

Quand le Canada fait l’acquisition du Nord-Ouest, le chef de la rivière Rouge, Louis Riel, dirige un mouvement de résistance qui exige un droit de parole dans les conditions d’union et le droit de propriété sur les terres ancestrales. En l’espace d’une décennie, ces mesures sont contestées, à mesure que l’afflux important d’immigrants de langue anglaise modifie la composition ethnique de l’Ouest. Une rébellion armée, conduite par Riel, est écrasée en 1885, et Riel est pendu pour trahison en novembre de la même année.

Les Franco-américains

Voici un autre exemple de changement de la vie des Canadiens français suite à l’exode massif aux États-Unis à la recherche du travail.

De 1850 jusqu’à 1930 environ, plus de 900 000 Québécois francophones émigrent aux États-Unis. Partis par vagues, surtout après la Guerre de Sécession, vers 1890, en quelques générations, ils adoptent les us et les coutumes de leur nouveau milieu. On appelle leurs descendants des Franco-américains. Les quelque cinq millions de Franco-américains constituent l’élément le plus important de la diaspora québécoise en Amérique du nord.

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La mort de Montcalm le 13 septembre 1759

Cet exode massif, « La Grande Hémorragie », ébranle la société québécoise et réveille un sentiment de xénophobie chez les habitants de la Nouvelle-Angleterre, où près de la moitié des émigrants Canadiens français s’établissent. La plupart viennent des régions rurales du Québec en quête de sécurité financière et d’emplois permanents, particulièrement dans les fabriques de textiles et de chaussures. Leurs aptitudes professionnelles se diversifient cependant aux cours des ans. Bon nombre deviennent commerçants et accèdent aux professions libérales. Vers 1930, lorsque la Crise des années 30 met fin à l’émigration, les États de la Nouvelle-Angleterre ont acquis une importante population franco-américaine, dont la plus grande partie se retrouve dans des villes comme Lowell, Lawrence et New Bedford, au Massachusetts ; Biddeford et Lewiston, au Maine.

Dans certains quartiers des grandes villes américaines, ces Franco-américains catholiques créent de « petits Canadas » où ils perpétuent la vie culturelle et les institutions religieuses des Canadiens français. Bien qu’ils s’américanisent, les descendants des émigrants québécois réussissent néanmoins, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, à préserver leur identité probablement mieux que tous les autres groupes ethniques.

Au début du XXe siècle, certains Franco-américains reviennent au Canada et forment le noyau de plusieurs colonies francophones dans l’Ouest.

Toutefois, étant donné qu’ils vivent surtout en milieux urbains, la majorité des Franco-américains en viennent, avec le temps, à adopter la langue anglaise et le mode de vie américain. Certains d’entre eux, bien qu’anglicisés, s’intéressent encore aujourd’hui à leurs racines historiques et entretiennent un réseau de relations ethniques.

Les profonds changements qu’a connus la société québécoise à la suite de sa laïcisation et de sa Révolution tranquille font que les Franco-américains et les Québécois ont moins en commun qu’autrefois.

Les francophones de la Louisiane

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Cohabitation du Québec au sein du Canada

La Louisiane n’est jamais pour la France une colonie profitable et, de ce fait, est grandement négligée. En 1766, quand l’Espagne occupe la colonie, sa population compte à peine 7 500 habitants. La restitution de la Louisiane à la France en 1800 et l’intention de Napoléon de l’occuper auraient pu changer les attitudes françaises vis-à-vis la colonie, mais ce ne fut pas le cas. De peur que la Louisiane tombe aux mains des Anglais, Napoléon décide de la vendre aux Américains.

En 1803, quand la Louisiane devient américaine, sa population se chiffre à 50 000. Cette augmentation s’explique surtout par l’immigration. Pour les Espagnols, comme pour les Français, la Louisiane est un territoire marginal. Son seul mérite est de former une zone tampon entre les États-Unis et le front pionnier septentrional de la Nouvelle-Espagne. À cause de sa localisation périphérique au sein de l’empire espagnol nord-américain, la Louisiane attire bien peu de nouveaux arrivants en provenance de l’Espagne ou du Mexique. Ironiquement, une grande partie de l’immigration durant la période espagnole est française. D’abord, plusieurs déportés Acadiens prennent le chemin de la Louisiane à partir de 1763, et, ensuite, un nombre encore plus important de réfugiés créoles, blancs et noirs, y viennent dans la foulée de la révolution haïtienne (1791) de Saint-Domingue.

Aujourd’hui, il y a un million de francophones en Louisiane, ce qui représente 25 % de la population de l’État. Ces francophones peuvent se subdiviser en quatre grands groupes selon la diversité de leurs origines : 1) les Créoles blancs, descendants des Français coloniaux et des Allemands francisés de la période française ; 2) les Créoles noirs, les noirs de culture française ; 3) les Amérindiens parlant français ; et 4) les Cajuns (ou Cadiens, ou Cadjins), les Acadiens et les autres immigrants (Allemands, Italiens, Irlandais-Écossais, Espagnols, etc.) qui ont été acculturés aux manières acadiennes. Les francophones de la Louisiane sont concentrés principalement dans la partie sud de l’État, désignée « Acadiana » par la Législature louisianaise depuis 1971. Les francophones de la Louisiane sont les fragiles héritiers de l’Empire français du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle en Amérique du nord.

De la fin de la Nouvelle-France
vers le début de l’Amérique française

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Souvenir de la bataille des plaines d’Abraham

Aujourd’hui la Nouvelle-Fran­ce n’existe plus, sauf pour les touristes durant le mois de juillet pendant le festival « La fête de la Nouvelle-France » lorsqu’on voit les Canadiens français en costumes historiques. Ils sont « naturellement grands, bien faits, d’un tempérament vigoureux », tels qu’ils sont décrits en 1760 par l’intendant Gilles Hocquart. C’est une vraie synthèse des sangs et des formes de l’esprit français qui s’est accomplie au Canada suite à l’influence de géographie, d’un climat, d’une histoire.

Présentement les Canadiens français sont appelés les Québécois. Mais ce qui compte c’est le fait qu’il y a toujours une francophonie en Amérique. La ville de Québec, appelé parfois le Gibraltar d’Amérique, continue à rester la capitale de la province francophone de Québec, où se trouve la ville de Montréal, la plus grande ville francophone au monde après Paris.

Précisons au passage que, le terme « francophonie » est un terme du XXe siècle, utilisé depuis les années 50, et il a deux acceptions. Il désigne le plus souvent l’ensemble des peuples et des communautés de tous les pays dont le français constitue la langue maternelle ou la langue d’usage. Il peut également désigner le réseau de plus en plus vaste et complexe des organismes publics et privés qui favorisent l’instauration, le maintien et le resserrement de liens privilégiés entre les francophones du monde. Les premières associations véritablement multilatérales qui se consacrent au rapprochement des groupes francophones ont été fondées au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

Deux provinces canadiennes, le Québec et le Nouveau-Brunswick, avaient dans cette assemblée le statut de gouvernements membres. On établit souvent un parallèle entre la francophonie internationale et le Commonwealth et, de fait, ces deux réseaux présentent plusieurs similitudes : tous deux comptent dans leurs rangs des pays en développement et des pays industrialisés et se composent en grande partie d’anciennes colonies qui ont en général accédé à l’indépendance après la Deuxième Guerre mondiale. Enfin, tous deux se sont fixé dans l’ensemble les mêmes objectifs généraux d’entraide, de coopération et de développement dans tous les domaines. Cependant, leurs structures sont très différentes. Par exemple, et bien que cette éventualité ait été maintes fois envisagée, la Francophonie ne possède pas l’équivalent des rencontres au sommet qui réunissent les chefs d’État du Commonwealth3 tous les deux ans. Le Canada œuvre activement au sein de la francophonie internationale.

Conclusion

Mais comment est vécu en ce mois de mars-avril 2009 l’actualité du voisinage franco-anglais au Canada.

Parmi toutes les questions épineuses il y en a une qu’on ne peut pas passer outre. C’est la question de la commémoration de la 250ème anniversaire de la Bataille des plaines d’Abraham dans la ville de Québec.

Pour mieux comprendre l’enjeu de cette question il faut voir quelques détails de cette bataille qui n’a duré que 20 minutes et qui a décidé le sort de l’Amérique.

La Bataille des plaines d’Abraham a lieu le 13 septembre 1759 en amont de Québec sur une étendue de terrain, surplombant le fleuve Saint-Laurent. Une puissante force britannique, sous les ordres du major-général James Wolfe, remonte le Saint-Laurent pour s’emparer de Québec. Les Français, commandés par le marquis de Montcalm, leur lieutenant-général, réussissent d’abord à tenir les Britanniques en respect.

Ayant remonté le fleuve les 5 et 6 septembre, l’armée de Wolfe débarque le 13 du même mois, sans rencontrer d’opposition, et escalade la falaise à quelques kilomètres en amont de Québec. Montcalm, voyant les communications avec ses sources de ravitaillement menacées, se sent forcé d’engager le combat sans même attendre de réunir toutes ses troupes. Il semble y avoir égalité numérique dans les deux camps, soit environ 4500 hommes de part et d’autre, mais l’armée anglaise est composée de soldats réguliers seulement, tandis que l’armée française compte de nombreux miliciens insuffisamment entraînés. Le feu nourri de l’infanterie anglaise brise l’attaque des Français, qui battent en retraite dans le désordre. Wolfe et Montcalm sont tous deux mortellement blessés. Cette nuit-là, l’armée de campagne française remonte le Saint-Laurent, en faisant un long détour. Québec capitule le 18 septembre, les Britanniques s’emparent de Montréal et c’est la chute de la Nouvelle-France.

L’événement de reconstitution de la bataille devait se dérouler en été 2009 à Québec.

Mais devant le tollé médiatique et politique provoqué par la reconstitution des batailles des plaines d’Abraham, la Commission des champs de bataille nationaux retire l’événement du programme des activités touristiques.

Le président de la Commission des champs de bataille nationaux, André Juneau, a expliqué que les propos radicaux et les menaces voilées de certains groupes opposés à l’événement forcent l’annulation de l’événement pour des raisons de sécurité du public et des participants.

« Compte tenu des excès de langage enregistrés ces derniers jours et des menaces faites par médias interposés, nous ne pouvons, en tant que gestionnaires responsables, risquer de compromettre la sécurité des familles et des enfants qui pourraient assister à l’événement », a déclaré André Juneau.

Le but de cette commémoration, a précisé André Juneau, était de rassembler le plus grand nombre de personnes autour de cette reconstitution qui souligne « l’un des plus importants événements de l’histoire de l’Amérique ».

Le ministre du Patrimoine, James Moore, a dit qu’il était désolé que les événements aient dû être annulés « à cause des menaces de violence d’extrémistes séparatistes ».

Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a déclaré que la Bataille des plaines d’Abraham était clairement une défaite, un moment tragique pour la population française, mais qu’il fallait se souvenir de ce qui est venu après. Selon lui, il s’agit de 250 ans de survivance, mais surtout d’épanouissement des francophones, d’un bout à l’autre du Canada.

Par ailleurs, outre le bal masqué et la reconstitution des batailles de 1759 et 1760, les autres activités soulignant le 250ème anniversaire de la Bataille de plaines d’Abraham ont été maintenues.

Selon l’opinion de certains Québécois, le fait que le site des plaines d’Abraham soit de juridiction fédérale constitue un vestige du colonialisme britannique.

Une telle cohabitation franco-anglaise au Canada montre que les peuples fondateurs du Canada cherchent un terrain d’entente, non sur un champs de bataille, mais autour d’une table de négociations.



1 Certains croient que l’Acadie tire son nom de l’Arcadie, le jardin des dieux de la mythologie grecque. Le cartographe Bolongnini Zaltieri donne, en 1566, ce nom « Larcadia », à une région qui deviendra la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

2 Métis est une des nombreuses appellations (bois-brûlé, sang-mêlé) utilisées au cours de l’histoire au Canada pour désigner les personnes dont le père et la mère sont de race différente, soit européenne et amérindienne.

3 Le Commonwealth est une association souple et volontaire de la Grande-Bretagne et de la plupart de ses anciennes colonies. Un des grands attraits du Commonwealth est qu’il offre à ses membres une tribune qui leur permet de se faire connaître et de défendre leurs positions, et leur donne accès à un réseau grandissant de programmes éducatifs, sociaux et économiques sans que ne soit exigée en retour l’uniformité de vues ou d’objectifs.

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