Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №17/2009

Les Routes de l’Histoire

Jean MAIBORODA

Carlo Andrea (Charles André) Pozzo di Borgo (1764-1842)

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Charles André Pozzo di Borgo

Carlo Andrea Pozzo di Borgo, né à Alata en 1764, mort à Paris en 1842, était de quatre ans plus âgé que Napoleone Buonaparte, dont il a été l’ami avant de devenir son ennemi acharné.

Les familles respectives, toutes deux de lointaine origine italienne1 mais implantées en Corse depuis quelques siècles, étaient de petite noblesse, la famille Buonaparte étant toutefois plus pauvre que la famille Pozzo di Borgo2.

Leur extraction nobiliaire relativement modeste et leur qualité de Corses leur valurent d’ailleurs d’être traités avec une certaine condescendance, voire avec un certain mépris de la part de la grande noblesse française.

Les deux hommes ont dans leur jeunesse été séduits par le charisme et les idées de Pascal Paoli, mais tandis que le « paolisme » de Bonaparte a cessé dès 1792-1793, celui de Pozzo a perduré au moins jusqu’à 1796.

La vie politique de Charles André Pozzo di Borgo a été largement induite par la haine qu’il vouait à Bonaparte devenu Napoléon.

Leur rupture, officialisée en 1792, s’explique notamment :

• par la différence de leur formation (l’un ayant fait ses études successivement au couvent de Vico, au collège royal d'Ajaccio puis à l'université de Pise et l'autre ayant été dès l'âge de neuf ans élève d'une école militaire française).

• par des raisons provenant de leur ambition personnelle, « qui les portait simultanément à s’affirmer dans le petit cadre (si étroit) de la Corse ». On peut dire à ce propos que Bonaparte avait opté plus rapidement pour une carrière française et que Pozzo est resté plus longtemps fidèle aux idéaux paolistes.

• par leurs choix respectifs concernant la révolution française et le sort de la monarchie, Bonaparte ayant choisi le camp des jacobins et Pozzo celui des monarchistes modérés (il fut notamment l'ami de Mirabeau).

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Charles André Pozzo di Borgo

Charles André Pozzo Di Borgo, au demeurant juriste éminent, a pour ainsi dire eu trois carrières différentes mais relativement imbriquées :

• une carrière corse,

• une carrière européenne pour ne pas dire internationale au service de la Russie,

• une carrière française au service de la monarchie restaurée.

La carrière corse

– Carlo Andrea Pozzo di Borgo est à l’âge de 25 ans, secrétaire en charge de la rédaction des cahiers de doléance au titre de la noblesse insulaire (États généraux de 1789).

– Il est député extraordinaire à la constituante française avec l’aval de Pascal Paoli (Consulta d’Orezza – 1790).

– De nouveau député (à l’assemblée législative française) avec la bénédiction de Paoli (1791) mais dès lors en opposition idéologique avec Bonaparte, qui choisit pour sa part le camp des jacobins.

– Grâce à Paoli, il devient en 1792 « Procureur général syndic » de la Corse (équivalent de nos jours de Président de conseil général et de Préfet).

– Toujours avec Paoli, il est un acteur très engagé dans la rupture de « tous les liens avec la France ». Lors de la consulta du 10 juin 1794 il compte parmi les instigateurs d’une libre association avec l’Angleterre et il est corédacteur de l’acte constitutionnel voté le 19 du même mois, instituant un royaume anglo-corse.

Durant l’éphémère royaume anglo-corse, Pozzo se voit confier la présidence du Conseil d’État, devenant ainsi le premier personnage politique de l’île.

Carlo Andrea Pozzo di Borgo a connu avec Pascal Paoli des relations complexes, allant de l’attitude féale du début à des comportements moins empreints de fidélité lors de l’épisode anglo-corse. On le soupçonne d’avoir quelque peu trahi son mentor vieillissant, ce dont il s’est toujours défendu. On peut effectivement penser que Le Vice-roi Elliot favorisait Pozzo au détriment de Paoli, qui lui inspirait moins confiance du fait de son passé « indépendantiste ».

Quoiqu’il en soit, lors de l’évacuation de l’île par les anglais (25 octobre 1796), tous deux, à la faveur du retour de la France, étaient proscrits et pourchassés. Tandis que Paoli rejoignait l’Angleterre, Pozzo devenait un « juif errant de l’anti-bonapartisme ».

La carrière européenne au service de la Russie

La France ayant rétabli sa présence en Corse, Pozzo, exclu de toute amnistie, est contraint d’émigrer. Après avoir séjourné à Vienne et Rome, poursuivi par la vindicte napoléonienne, il aboutit à Saint-Pétersbourg en 1804, où vite remarqué et apprécié par le tsar Alexandre Ier, il se voit confier une série de missions diplomatiques délicates.

Après un court intermède anglais (1812-1814) il est de nouveau au service d’Alexandre Ier servant même dans son armée (colonel « russe » à Austerlitz il est général à Waterloo) tout en poursuivant des activités diplomatiques. Il participe au Congrès de Vienne (octobre 1814-juin 1815) qui redessine la carte de l’Europe post-napoléonienne.

Il est nommé ambassadeur de Russie en France en 1814 et le restera jusqu’en 1834.

Il est fait « comte héréditaire de toutes les Russies » par oukases du tsar Nicolaï Ier (1827).

La carrière française

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Pascal Paoli

À la faveur de la défaite napoléonienne et de l’entrée des Alliés à Paris (1814), il devient membre du gouvernement provisoire. Il participe au retour de Louis XVIII exilé à Londres et le soutient activement lors de la première restauration. Durant les « cent jours » il suit Louis XVIII en Belgique et reprend sa place auprès de ce dernier lors de la seconde restauration en 1815 (chute définitive et exil de l’Empereur). Il est fait comte en 1816 et Pair de France en 1818. Sous le règne de Charles X (1824-1830) il perd un peu de son influence, qu’il retrouve avec Louis Philippe. Pozzo est nommé en 1835 ambassadeur de France en Angleterre. Mais il abandonne ce poste en 1839 pour des raisons de santé et rentre définitivement en France où il meurt le 15 février 1842, à l’âge de 78 ans.

Les principaux ouvrages faisant référence à Charles André Pozzo Di Borgo sont, à notre connaissance, au nombre de trois :

• Celui de Pierre Ordioni, paru en 1935 sous le titre Pozzo Di Borgo. Diplomate de l’Europe française, qui, ironie du sort, renvoie à la fois Napoléon et Pozzo di Borgo à leurs sentiments anti-français de jeunesse.

Citons l’auteur : « Les deux grands champions de la Révolution [Bonaparte] et de la contre-Révolution [Pozzo di Borgo] échappèrent à la nationalité française […] Bonaparte et Pozzo di Borgo ne s’expliquent que comme étrangers. »

• L'ouvrage de monsieur Yvon Toussaint, journaliste et écrivain belge, qui est une biographie romancée du comte Charles André Pozzo di Borgo. Cet ouvrage, intitulé L’Autre Corse (éditions Fayard – 2004) par référence à son rival Napoléon, a le mérite de faire revivre « le destin stupéfiant et injustement méconnu » du comte Charles André Pozzo Di Borgo. La présentation de l’ouvrage d’Yvon Toussaint faite par l’éditeur est la suivante :

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« “Une haine de Corse”, dit Talleyrand pour définir la “passion unique” qui anime le comte Charles-André Pozzo di Borgo (1764-1842) à l’égard de Napoléon. Ce vrai-faux roman est une belle histoire de haine, comme il y a de belles histoires d’amour, entre un personnage immense qui ébranle le monde et un obsessionnel qui, après avoir été son compagnon d’adolescence à Ajaccio, le traque obstinément et stimule contre lui l’animosité des princes de l’Europe entière. Une cavalcade de quelque vingt années qui, partie de “l’île de beauté”, va de Londres à Vienne, de Saint-Pétersbourg à Paris, jusqu’à “la morne plaine” de Waterloo où Pozzo retrouve enfin Napoléon terrassé et s’évaporant dans la fumée de la bataille… »

• Le dernier ouvrage en date, intitulé Napoléon et Pozzo di Borgo, 1764-1821, préfacé par le Prince Charles Napoléon, et traduit de l’anglais par Reynier, comte Pozzo di Borgo est celui de J.P. McErlean, professeur d’histoire et chercheur à l’Université de Toronto (Canada).

Voici ce qu’en dit la presse : « Le destin croisé de deux hommes dont le destin fut de s’affronter au long de leur vie quoique tous les deux corses. L’histoire nous en est contée par JMP McEarlean professeur d’histoire à l’université de Toronto. Charles André Pozzo di Borgo et Napoléon sont tous les deux issus du siècle des lumières et c’est la révolution qui les projette devant la scène.

Ajaccio fut leur premier terrain d’affrontement. C’est au service de Pascal Paoli père de la patrie corse que naît leur désaccord voire leur haine. Ils feront de l’Europe le théâtre de leur ressentiment. L’affaire se dénoue à Moscou. » (Monde et vie, N°783, 1er septembre 2007)

« Professeur d’histoire à l’université de Toronto, l’auteur a réussi un brillant portrait en parallèle de deux ambitions, celles de deux jeunes Corses aux destins opposés. Paradoxe de l’histoire, au moment où l’un partait en exil à Sainte-Hélène, l’autre arrivait à Paris comme ambassadeur du tsar. » (Aventures de l’histoire, N°67, juin 2007)



1 Cf. Napoléon et Sarzane : Les origines italiennes des Bonaparte. De Federico Galantini (Auteur), Bertrand Levergeois (Traduction).

2 Selon « Le blog de Thierry Ottaviani » www.thierryottaviani.fr « Les Pozzo di Borgo était une famille dont noblesse italienne était ancienne. Elle disposait aussi de grandes propriétés dans toute la Corse. Leur maison est voisine de celle des Bonaparte à Ajaccio. Elle est plus cossue aussi. Les Pozzo di Borgo sont plus riches que les Bonaparte, qui sont aussi leurs cousins… »

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