Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №21/2009

Les Routes de l’Histoire

Alla CHEÏNINA

Le 4 février 1790.
Louis XVI se rend à l’Assemblée

(Suite. Voir N°8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19/2009)

Tout au début de l’année 1790, Louis XVI veut croire qu’il saura tout remettre en ordre. Et il se répète qu’il doit agir, qu’il n’a pas le droit de perdre le temps précieux : le désordre, la misère, les émeutes, les troubles qui se produisent, tout cela peut faire que le peuple enfin retourne vers son Roi. Louis se rend alors le 4 février 1790 à l’Assemblée sur les conseils du ministre Necker et y prononce un discours: « Je défendrai la liberté constitutionnelle, dont le vœu général, d’accord avec le mien, a consacré les principes, dit-il. Il faut éclairer sur ses véritables intérêts le peuple, ce bon peuple qui m’est si cher. » Les députés s’embrassent, prêtent serment au Roi, à la nation. Ils scandent « Vive le Roi ! », le raccompagnent aux Tuileries où Marie-Antoinette leur présente le Dauphin. Seuls les aristocrates refusent de comprendre ce geste de Louis XVI qui veut apparaître comme « le Roi de la Révolution ».

Le comte Mirabeau qui ne se vend pas

img1

Mirabeau



img3

Abbé Grégoire

Le chef redouté de l’Assemblée nationale, le tribun du peuple, le lion de la Révolution, le comte Mirabeau est convaincu du bien-fonds des acquis de la Révolution. Mais il reste le fervent partisan d’une monarchie constitutionnelle. Il refuse toute idée d’un retour à l’ordre ancien, mais entend néanmoins sauver la monarchie. « Cette âme a besoin d’espace, il se précipite dans l’arène de la Révolution et, du premier coup, brise les barrières des États généraux. » Grand écrivain autant que grand tribun, Mirabeau sait soumettre toute l’Assemblée à sa volonté. Mais lui-même, il n’est pas un homme libre : des dettes pèsent sur lui et lui lient les mains. Il aime la belle vie, il aime être riche ; il a besoin des femmes, des bals, des plaisirs. Il vit au-dessus de ses moyens et pourchassé par les créanciers. Donc, lorsque le couple royal est prêt à négocier avec Mirabeau, en tant que leader de l’Assemblée nationale, il est tout de suite d’accord à signer un traité secret avec la Cour. Le 10 mai, 1790, Mirabeau envoie à Louis XVI une déclaration qui résume parfaitement son crédo : « Je m’engage à servir de toute mon influence les véritables intérêts du Roi. » Le député est reçu par Marie-Antoinette et séduit par elle, par son courage, son intelligence, sa noblesse, sa dignité naturelle et son charme. « Elle est bien noble et bien malheureuse, mais je la sauverai. Rien ne m’arrêtera, je périrai plutôt que de manquer à mes promesses », écrira-t-il. Mirabeau affirme qu’il est capable de sauver la monarchie. Louis lui verse une rente mensuelle, la Reine l’aide à payer ses dettes, « à condition qu’il me rende de bons services », ajoute-t-elle. Mirabeau est sincèrement royaliste et, comme tel, ne se fait pas scrupule de recevoir cette pension pour tenir table ouverte aux députés. Il se persuade sincèrement à lui-même que seul il veut sauver tout à la fois le Roi, la Révolution et le pays. « Je serai ce que j’ai toujours été, le défenseur du pouvoir monarchique et l’apôtre de la liberté garantie par le pouvoir monarchique. Mon cœur suivra la route que la raison seule m’avait tracée », écrit-il à Louis XVI. Mais le Roi et le tribun révolutionnaire comprennent tous les deux que le contrat signé n’est pas, en effet, une affaire très honorable. C’est pourquoi, il faut garder le secret : jamais Mirabeau ne se présentera personnellement au palais des Tuileries, et qu’il ne fera parvenir ses conseils au Roi que par écrit. Mirabeau sera révolutionnaire pour la rue, mais à l’Assemblée nationale il travaillera pour la monarchie. Il est en même temps chef d’état-major de l’un et de l’autre parti. Il tient des discours à l’Assemblée nationale et dans des clubs, discute, lit, travaille, rédige des exposés pour l’Assemblée et des rapports et des lettres au Roi. « Comme un acrobate il cherche à garder l’équilibre, tantôt à droite, tantôt à gauche ; il fait tournoyer son épée avec une telle vitesse, que personne ne sait au juste qui est visé, si c’est le Roi ou le peuple, l’ancien ou le nouveau régime ; peut-être, dans ses moments d’enthousiasme, ne le sait-il pas lui-même. » Il espère calmer le peuple et se voit déjà président de l’Assemblée nationale et Premier ministre du Roi. Mais, hélas, il se fait des illusions : le couple royal ne lui accorde jamais la moindre confiance. Mirabeau s’aperçoit peu à peu que ses lettres ne font que remplir la corbeille à papier royale, que ses propositions écrites ne portent pas de leurs fruits. Suspect au peuple, au Roi, à la Reine, à l’Assemblée, il est sincèrement avec tous et contre tous à la fois. Pendant près d’un an, il sert simultanément la monarchie et la révolution. Porté à la présidence de l’Assemblée, Mirabeau meurt brusquement, gardant presque intacte sa popularité. Trois cent mille personnes suivent le cercueil de l’idole. Pour la première fois le Panthéon ouvre ses portes afin que le mort y repose éternellement. « Mais deux ans plus tard, après la découverte des relations de Mirabeau avec le Roi, un nouveau décret tire du caveau le corps et le jette à la voirie »1. Ces relations rémunérées sont considérées comme une trahison à l’égard de la Révolution…

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente2

Naissance des départements

Une nouvelle organisation administrative du royaume est mise en place. Les parlements, les provinces disparaissent. L’Assemblée divise la France en 83 départements. Ces départements sont de superficies à peu près équivalentes. Leur taille a été calculée de telle façon que l’on puisse atteindre le chef-lieu de n’importe quelle localité du département en une journée de cheval maximum – soit trente à quarante kilomètres. Ils reçoivent les noms de montagnes (Jura, Vosges), de mers de fleuves qui les traversent (Isère, Moselle), ou de leur environnement géographique (Nord, Finistère, etc). Chaque division territoriale est dotée de son « gouvernement » et de son administration. Les départements sont administrés par un Conseil général élu, soit 40 000 communautés d’habitants aura une municipalité. Le royaume est ainsi bouleversé de fond en comble en quelques mois.

Les ordres religieux sont supprimés

img2

Talleyrand

Nouvelle opposition lors du vote sur la proposition de l’évêque d’Autun, Talleyrand3, de la mise à la disposition de la nation des biens du clergé. Cette décision provoque de nouvelles fractures dans le pays, car le haut clergé refuse de laisser déposséder l'Église de ses biens. Mais l'État a besoin d’argent : les biens de l'Église doivent donc devenir « biens nationaux », afin d’être mis en vente. Par 568 voix contre 436, un décret est adopté qui met les biens du clergé « à la disposition de la Nation ». L’Assemblée refuse de reconnaître la religion catholique comme religion nationale. Le 13 février 1790, l’Assemblée Constituante interdit les vœux religieux. Ceux qui désireront poursuivre leur vocation devront désormais se regrouper dans des maisons particulières. Le 12 juillet 1790, au désespoir de Louis XVI, une marche supplémentaire est franchie. C’est le vote de la Constitution civile du clergé qui fait élire les curés et les évêques par les citoyens actifs. Et puisque les membres du clergé sont salariés par l'État, l’Assemblée exige qu’ils prêtent un serment à la nation, au Roi. On exige également que tous les décrets et lois soient lus à l’église. Ceux qui refusent vont être révoqués. En décembre 1790, l’abbé Grégoire donne l’exemple en jurant sur la Constitution : il lui semble nécessaire de maintenir l'Église dans le camps de la Révolution. Cependant seuls sept évêques sur cent soixante suivent son exemple. La France est désormais divisée en deux camps antagonistes : une scission est donc introduite entre prêtres jureurs et réfractaires. Ces derniers se voient ainsi dès la fin de l’année 1790 persécutés par une Assemblée dont la politique se radicalise sans cesse. La plupart des ordres religieux sont donc supprimés. Et les curés qui ont tant apporté au Tiers en 1789, passent à la condamnation de la révolution. Nombreux sont les moines qui retournent à la vie active. D’autres entrent dans la Garde nationale. Le pape condamne la Révolution et tous ses principes émis dans la Déclaration des droits de l’homme, ainsi que les évêques qui l’ont acceptés.

(à suivre)



1 Stefan Zweig, Marie-Antoinette.

2 Guillaume Apollinaire,  Sous le pont Mirabeau.

3 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, communément nommé Talleyrand, est un homme politique et diplomate français (1754-1838).

TopList