Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №1/2010

Arts et culture

Galine CHLIAKHOVA

« Les grands Russes correspondent vraiment à ma façon d’être, de vivre, de penser »

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S. Corinna Bille (1912-1979)

Ce printemps, à Moscou, dans le cadre des Journées de la Francophonie, dans la médiathèque du Centre culturel français s’est passée l’exposition consacrée à l’écrivain suisse Corinna Bille et a eu lieu une soirée autour de son œuvre. Cette année, cela fait exactement trente ans que cet auteur est décédé. Il est injuste qu’une figure si remarquable dont le génie est digne d’être apprécié par l’auditoire soit encore peu connue chez nous.

À quinze ans, lorsque Corinna Bille a décidé de prendre la plume, elle a fait un vœu sur lequel elle écrirait : « Un jour je fis ce pari étrange et mortel : pour la réussite dans seul beau livre je donnerais le bonheur en amour ». Mais cette femme a échappé à ce sacrifice car elle a rencontré Maurice Chappaz avec qui elle partagerait sa vie et de qui elle aurait trois enfants.

Ayant pris conscience de sa vocation future, néanmoins elle a cherché longtemps son propre style. Corinna a tenté d’abord d’écrire en vers. Ainsi elle a débuté avec son premier recueil de poèmes intitulé Printemps fort. En effet, même son discours en prose est profondément poétique.

Bientôt le jeune écrivain a compris ses penchants et le caractère de son talent. « J’ai besoin d’aigu. J’ai besoin de cri. Je voudrais rendre l’aigu de la vie, le drame de la vie, le ridicule du drame ». De fortes passions, des sentiments contradictoires, des effusions de cœur se déchaînaient désormais sur les pages de ses livres.

Ce qui frappe surtout dans ses textes c’est la manière très particulière dont elle marie les mots. Le lecteur devient rapidement entraîné dans le jeu bizarre de son invention, il est prêt à réfléchir pour concevoir toutes ses énigmes.

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La publication de son premier roman Théoda en 1944 l’a rendue célèbre. Corinna Bille a eu quand même la période où elle s’est senti abandonnée, peut-être à cause des problèmes de santé qu’elle a subis. Les éditeurs et les lecteurs se sont détournés d’elle.

L’admiration et l’intérêt ne sont revenus qu’avec l’apparition de La Fraise noire, recueil de nouvelles. Alors l’écrivain de talent est sorti de sa chrysalide. Sa notoriété s’accroissait à mesure qu’elle rédigeait ses œuvres, sa réputation s’est étendue au-delà des frontières de la Suisse. Son ultime succès a coïncidé avec la Bourse de la nouvelle de l’Académie Goncourt qu’elle a obtenue pour La Demoiselle sauvage.

Tout le monde lui faisait la fête sauf son canton natal. Il y va de sa conception d’écologisme qui était au rebours des remontées mécaniques et des stations de ski entretenant pratiquement toute la population de la région.

Malgré ce désaccord, Corinna est toujours demeurée attachée à sa contrée d’origine, le Valais. C’est bien symbolique si la maison de son père à Sierre s’appelait « Paradou ». Pour la petite Stéphanie (Corinna est un pseudonyme qu’elle choisirait plus tard en hommage à Сorin, le village de sa mère) elle servait d’un véritable éden. Un bonheur paisible de son bas âge dont elle a gardé les souvenirs les plus tendres explique son habitude de donner la place des narrateurs aux enfants. Par exemple, c’est le cas de Théoda où le récit sort de la bouche d’une petite fille. L’écrivain a laissé également assez d’histoires et de contes pour enfants, regroupés en trois volumes et édités après son décès.

Corinna Bille a visité de différentes contrées tout au long de sa vie. Souvent elle s’est inspirée de ses séjours ailleurs. Ce qui est particulièrement intéressant c’est le fait que son destin est étroitement lié à notre pays. Cette étrangère s’est rendue en Union Soviétique à trois reprises durant les années soixante-dix. La première fois qu’elle y est venue c’était en septembre 1974 où l’écrivain a été à Moscou, à Léningrad, à Tbilissi, à Zagorsk.

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Il est à remarquer que même avant son arrivée en Russie Corinna Bille était déjà férue de ce pays qui lui paraissait à la fois bizarre et attirant. Elle l’étudiait, découvrait peu à peu ses mœurs et son esprit. Ce n’est pas par hasard si elle a dit sur les auteurs d’origine russe : « Les grands Russes correspondent vraiment à ma façon d’être, de vivre, de penser. Il y avait chez eux cette passion, ce goût d’absolu, ses amours extraordinaires, impossibles, et cette sorte de fraternité entre les êtres ». Puis à son retour en Suisse ses impressions ont fait naître le roman Les Invités de Moscou.

Cinq ans plus tard, elle est revenue pour quatre jours à notre capitale. La même année en automne, Corinna Bille a fait le voyage de deux semaines avec son époux. Les conjoints ont pris le Transsibérien jusqu’à Khabarovsk. Cette dernière visite l’a énormément touchée et a mené un livre par la suite. La Rus, Russie ! est devenu le fruit de sa randonnée à travers notre patrie. Malheureusement, cette œuvre a achevé sa création parce qu’elle est décédée d’un cancer à l’hôpital à Sierre.

À sa mort subite Maurice Chappaz, son mari et compagnon fidèle s’est mis à promouvoir les romans de Corinna Bille. Il a fait tous ses efforts pour réaliser un rêve ancien de sa chère amie – faire le public russe découvrir et reconnaître son héritage littéraire. C’est lui qui a beaucoup concouru notamment à l’organisation de cette exposition-là. Malheureusement, il a trépassé en janvier, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. On lui a adressé une gratitude posthume.

 

VOCABULAIRE

prendre la plume – стать писателем, взяться за перо

prendre conscience de qch – осознать что-л.

sortir de sa chrysalide [kr-] – обрести известность

conformément à son mérite – по заслугам

la Bourse de la nouvelle de l’Académie Goncourt – самая престижная литературная премия Франции за лучший роман

faire fête à qn – приветствовать, с восторгом встречать, принимать кого-л.

Canton – un État fédéré de la Confédération suisse

être au rebours de – идти вразрез с чем-л.

remontée (f) mécanique – подъёмное устройство, фуникулёр

en hommage à – в знак уважения, отдавая должное

féru de qch – влюблён, очарован

à sa mort subite – после её скоропостижной смерти

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