Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №4/2010

Arts et culture

Lialia KISSELEVA

Éric Rohmer : un homme qui n’aimait pas tricher

Le 11 janvier 2010 nous avons perdu l’un des plus grands cinéastes français – Éric Rohmer.

Censé faire partie de la « Nouvelle vague », Rohmer a su créer un monde de cinéma tout à fait à part, un vrai cinéma d’auteur. Aujourd’hui, on veut rendre hommage à ce maître avec une vision fine et intime sur les relations entre les hommes, sur le monde secret de chacun de nous.

img1

Éric Rohmer

Éric Rohmer (de son vrai nom Maurice Henri Joseph Schérer) est né à Tulle (Corrèze) le 21 mars 1920.

Comme il a avoué lui-même dans un entretien, dans son jeune âge, il n'avait pas de goût pour le cinéma : « Je n'ai pas été cinéphile dès l'enfance. Je n'étais pas un enfant qui allait beaucoup au cinéma, contrairement à certains de mes contemporains ou collègues des Cahiers, qui avaient sucé le lait du cinéma pratiquement dès le berceau. J'ai commencé par voir des muets, des films de forains. Il y avait encore du cinéma sur la place publique : les forains arrivaient en ville, installaient un banc circulaire, un peu comme au cirque, et projetaient la nuit... Je n'avais jamais été à la mer, et mon premier souvenir frappant de cinéma fut une vue de la mer. J'ai sans doute vu aussi des Pathé-Baby, des Charlot, des burlesques... Un jour, au lycée, on a eu comme sujet de dissertation “Préférez-vous le théâtre ou le cinéma ?” J'ai répondu que je préférais nettement le théâtre : Racine, Corneille, Molière, c'était quand même mieux que le cinéma qui montrait des énergumènes grimpant sur des gratte-ciel. »

C'est seulement pendant ses études à Paris à la faculté des lettres qu'il a commencé à fréquenter les salles de cinéma et surtout la salle des Ursulines. « J'ai pu y découvrir tout un pan du cinéma nouveau pour moi, essentiellement des films anciens parlants, des années 30. L'Opéra de quat' sous de Pabst m'avait particulièrement marqué peut-être à cause de son aspect théâtral ... Et puis j'ai vu un film qui venait de sortir et qui m'a beaucoup plu : Quai des brumes de Marcel Carné. Je suis resté fidèle à Quai des brumes, je continue à défendre ce film contre certaines attaques dont il est, ou a été, l'objet. » C'est à cette époque aussi qu'il trouve son cinéaste de référence : Jean Renoir. Rohmer se met à fréquenter assidument la Cinémathèque et découvre le cinéma muet.

img2

Séquence du film de Rohmer Le Rayon vert

Puis Rohmer devient professeur de lettres, germaniste et écrivain. Il publie un roman, Élisabeth, en 1946, sous le pseudonyme de Gilbert Cordier. Mais cette activité littéraire ne lui empêche pas de continuer sa connaissance du cinéma, qui devient de plus en plus profonde. Il devient le présentateur du cinéclub auprès l'institution où il enseignait. On y donnait beaucoup de films américains des années 30. C'est là que Rohmer a fait la connaissance de Rivette, Godard et Chabrol. Tous ensemble, ils ont commencé à publier le bulletin du cinéclub avec des articles critiques et des revues. Ce bulletin est devenu le précurseur des célèbres Cahiers du cinéma. Plus tard, en 1949, Rohmer fait connaissance avec Truffaut et l'aventure commence. « C'est la spécificité de notre école, celle de la Nouvelle Vague : nous avions envie de faire du cinéma avant même d'en parler. On se sentait un peu artistes, un peu frères des cinéastes, on n'était pas uniquement spectateurs. Toutes mes idées sur le cinéma me sont venues lorsque j'étais spectateur, et la pratique du cinéma ne m'a strictement rien appris dans ce domaine. Nous avons appris le cinéma non pas en écrivant dessus, mais en le regardant. Le fait de voir des films muets nous a appris beaucoup de choses, mais nous n'avons pas pour autant appliqué de théorie. Nous nous sommes très vite affranchis de nos maîtres. »

Ce groupe se dirige d'abord vers la critique, au sein des Cahiers du cinéma, dont Rohmer devient rédacteur en chef de 1957 à 1963.

img3

Séquence du film de Rohmer Ma nuit chez Maud

Ils vont rapidement fonder ce qui deviendra « la Nouvelle vague ». En 1959, il réalise son premier long-métrage, Le Signe du lion, produit par Claude Chabrol, un film à l'aspect très novateur, sorti sans grand succès trois ans plus tard. En 1963, Barbet Schroeder crée la société Les Films du Losange, qui produira la majorité de films de Rohmer.

Un des traits particuliers du cinéma à la Rohmer est qu'il faisait des films par blocs. Il disait lui-même : « Je suis un cinéaste des ensembles. »

Son cycle de six films baptisé Contes Moraux représente des intrigues sentimentales sur des thèmes chers au cinéaste (l'amour et le hasard, le destin), sur un canevas commun : le choix de la femme, la tentation de l'infidélité puis le retour vers l'élue. Son style fera aussi sa marque, entre profondeur, raffinement et légèreté. Les dialogues y sont souvent sophistiqués et très littéraires. En parlant de Rohmer, les critiques disent souvent que son cinéma c'est l'union de la peinture à la littérature. Et le réalisateur lui-même en était d'accord. Sa direction d'acteur est assez épurée et sa mise en scène simple et efficace. Mais dans cette simplicité il n'y rien de « grand public » : « Ce que je ne veux pas faire en fait, c'est de la vulgarisation, c'est-à-dire mettre à la portée du spectateur moyen quelque chose qui a déjà fait l'objet d'une recherche. Je veux faire moi-même la recherche. » On peut comprendre maintenant pourquoi le cinéma de Rohmer est censé être « élitiste ». D'ailleurs, chacun peut comprendre ses films, tellement son rapport avec le spectateur est intime et confiant. Dans le cycle des Contes Moraux, Ma nuit chez Maud (1969), et Le Genou de Claire (1970, Prix Louis-Delluc) sont particulièrement remarqués.

Les Comédies et Proverbes forment le deuxième grand cycle, où chaque film illustre à sa manière une phrase tirée de la sagesse populaire, inventée pour les besoins de la cause le cas échéant.

img4

Séquence du film de Rohmer Le Genou de Claire

Dans cette série, Le Rayon vert (1986), film en partie improvisé, obtient le Lion d'Or à Venise.

Les années 1990 sont marqués par les Contes des quatre saisons, dans lesquels le cinéaste poursuit son exploration des jeux et des hasards amoureux.

Simultanément, il réalise des films hors de ses séries, comme La Marquise d'O (1976, d'après Heinrich von Kleist), Perceval le Gallois (1979, d'après Chrétien de Troyes) ou Les 4 aventures de Reinette et Mirabelle (1987).

Rohmer est un exemple parfait du cinéma d'auteur à la française écrivant seul ses scénarios, qu'ils soient originaux ou adaptés d'œuvres littéraires.

Rohmer est resté très discret sur sa vie privée et a continué, jusqu'à sa mort, une carrière intense. Il reste une référence pour un très grand nombre de cinéastes du monde entier.

TopList