Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №7/2010

Les Routes de l’Histoire

Le Silence de la mer, le premier roman paru en 1942 dans la clandestinité

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Source : Vercors Le silence de la mer, édition Albin Michel, 1951

Une des œuvres majeures de la littérature française, le récit le plus célèbre de la Résistance, Le Silence de la mer de Vercors, paraît en 1942. Sous l’Occupation, la véritable identité de son auteur reste secrète, même dans le cercle littéraire. En fait, Vercors était Jean Bruller (1902-1991), dessinateur satirique et graveur, qui n’avait jamais écrit. Le seul fait de publier Le Silence de la mer était en soi un acte de Résistance : ce fut le premier livre à paraître dans la France occupée sans censure allemande. La première édition ne dépassait pas les 300-400 exemplaires, mais organiser l’impression, la reliure, le stockage et la distribution d’un livre était déjà un exploit. En automne 1942, un exemplaire était parvenu à Londres, où reçut une publicité mondiale.

L’intrigue du roman est simple : en 1940, dans un village de la zone occupée, un officier allemand, Werner von Ebrennac, réquisitionne la maison d’un vieil homme et de sa nièce pour y loger avec eux. L’officier, passionné par la culture française, parle un français parfait. Chaque soir il descend dans le salon où ses hôtes mènent une veillée silencieuse et fait part de ses idéaux et de sa passion pour la France à ses hôtes qui lui opposent un mutisme1 farouche et inébranlable2, seul moyen pour eux de marquer leur hostilité à l’occupation allemande. Werner von Ebrennac est un musicien, un compositeur dans le civil, un homme de culture, qui représente davantage l’Allemagne de Goethe et de Mozart que celle de Hitler. Il parle de son pays, de la musique, de son amour pour la France, de ses espoirs et de ses craintes. Personne ne lui répond ni ne réagit. Chaque soir, le même silence. La jeune fille, comme le vieux monsieur, refusent le dialogue avec dignité, sans hostilité apparente, quand bien même cet officier qui a pris possession de leur maison représente l’Allemagne des artistes et des intellectuels. Ignorer leur existence, ne pas leur adresser la parole, ne pas répondre, éviter tout signe d’acquiescement3, ne pas fléchir4 sous prétexte que les occupants de votre maison se comportent correctement, voire avec discrétion, ou affichent une certaine distinction. C’est la ligne de conduite que tiennent sans faiblesse les héros du roman. Peu à peu, Werner von Ebrennac les respecte, ces muets, finit presque par les admirer, et à la fin, le vieux et sa nièce l’admirent aussi d’une certaine manière. Un jour, l’officier part visiter Paris, le rêve de sa vie, et revient écœuré après avoir compris au contact des occupants en poste dans la capitale, la réalité du système nazi. Décidé à mourir, il demande sa mutation dans une unité combattante et quitte la maison sans qu’un seul mot (ou presque) ait jamais été échangé. Parce que le seul moment où la fille parle c’est pour dire « adieu » à Werner quand il s’en va.

Telle est bien l’histoire que raconte Le Silence de la mer – comment des gens civilisés se sont fait la pire guerre de tous les temps. Pauvre en allusions à la situation contemporaine de la France de 1942, le livre a cette dimension intemporelle propre à la parabole5. Il défend la notion de Résistance comme affirmation de la dignité morale.

La force du Silence de la mer tient aussi à son écriture très sobre. C’est un roman très court (presque une nouvelle en vérité) qui fait froid dans le dos, pèse lourd, vous noue le ventre et vous fait physiquement ressentir ce qu’a dû être l’ambiance délétère6 et oppressante de l’occupation allemande.

(Préparé par Alla CHEÏNINA)



1 Refus de parler déterminé par des facteurs affectifs.

2 Robuste, solide.

3 Consentement, acceptation.

4 Courber, plier.

5 Récit allégorique des livres saints sous lequel se cache un enseignement.

6 Nocive, nuisible.

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