Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2007

Arts et culture

Alla CHEÏNINA

Georges Brassens : « La chanson, c’est une lettre à un ami »

Monument de la chanson française, Brassens devient l’exemple à suivre pour des débutants. Dans un café proche du jardin du Luxembourg, Brassens fait la connaissance de Brel qui vient de débuter chez Patachou. C’est Brassens, qui l’incite à persévérer. Toute une génération de chanteurs s’est ainsi « fait les doigts » sur les accords de Brassens : de Maxime Le Forestier à Renaud, de Pierre Perret à Philippe Chatel. Il ne s’agit pas ici d’imitation, ces artistes ont su développer leur univers propre, leur style. Il s’agit plutôt des racines…

S’il y a une « génération Brassens », elle se manifeste par un souci commun d’écriture, de finition. Mais cette génération est aussi celle des centaines de milliers de guitaristes amateurs qui connaissent ses chansons par cœur, du public qui lui reste fidèle.

L’auteur de La Mauvaise Réputation, une chanson toujours étudiée dans les écoles françaises, a gagné ses galons de pape de la chanson française.

Sachant par cœur, non seulement les paroles, mais aussi les accords de guitare de plusieurs centaines de titres, Brassens était capable d’enchaîner sans hésitation les œuvres de Charles Trenet, Mireille, Ray Ventoura, Pills, Jean Boyer et bien d’autres… qui ont scellé l’union du jazz et du music-hall dans les années trente.

Brassens ne cherchera jamais à établir de hiérarchie en matière de chansons. Lui qui sera l’un de ceux qui en pousseront le plus loin l’écriture, affichera, sa vie durant, un amour irréductible pour toutes les formes d’expression chantée. Romances, ballades, complaintes, rengaines, goualantes, gauloiseries – toutes auront ses faveurs. Sans parler de ses copains chanteurs, plus proches de nous dans le temps, des dizaines de jeunes artistes qu’il aida à démarrer en les prenant en première partie de ses spectacles : « J’ai passé ma vie avec une musique dans la tête, à éprouver des frissons que je n’ai éprouvé que par la musique. »

Au début des années 1960, Georges Brassens est l’un des anciens du Music-Hall à croire au potentiel des idoles des jeunes et en particulier de Johnny Hallyday, Cheylas et Claude François. « Je peux vous chanter certaines de leurs chansons tout simplement parce que ça me plaît », explique-t-il. Il va être aussi l’un des premiers inconditionnels de Salvatore Adamo, et chantera avec ce débutant sa belle et triste Tombe la neige.

Brassens est ainsi devenu un symbole. On lui a consacré de nombreuses études, on a tenté de lui faire dire plusieurs messages. Lui se définissait comme un anarchiste : « Je suis tellement anarchiste que je traverse toujours les rues dans les passages cloutés, pour ne pas avoir à discuter avec les flics. »

Anarchiste, Brassens ? Si l’on veut, mais anarchiste souriant, loin des meetings fiévreux et les bombes. Des nostalgiques vont ainsi crier à la trahison le 8 juin 1967 quand il reçoit le prix de poésie de l’Académie française. Soucieux d’échapper à la polémique Brassens répond avec son humour un peu triste : « Les immortels m’ont donné cette récompense, parce qu’ils ont cru que j’allais mourir. »

Aujourd’hui il occupe la place d’honneur dans les anthologies de poésie, et les enfants étudient et apprennent ses textes dans des collèges et des lycées qui portent parfois son nom, une postérité à laquelle il ne croyait guère. Ainsi un soir il a lancé à un spectateur qui lui reprochait de tirer sur sa pipe avant d’entrer sur scène : « Je vais vous faire une confidence : je suis plus fumeur que chanteur ».

Il était en effet un authentique modeste. Et ce dialogue avec le journaliste Jacques Chancel, où le modeste dévoile l’étendue de son autodérision :
« – Est-ce que vous êtes conscient de la place que vous occupez aujourd’hui dans le monde du spectacle ? Il y a eu un livre sur vous, vous entrez dans les “Poètes d’aujourd’hui”. C’est lourd à porter ?
– Non, pas très lourd. Mais enfin, tout ça, ça ne veut rien dire. être entré dans les “Poètes d’aujourd’hui”, ça ne veut pas dire que j’y serai encore demain. La postériorité arrange tout ça à sa manière…
– Comment vivez-vous, Georges Brassens ?
– Oh, le plus naturellement du monde. Comme vous. En travaillant comme la plupart des gens.
– Mais vous êtes entré dans la légende. Plus tard, on citera vos textes comme on peut citer ceux de Paul Éluard, de Valéry, de Boris Vian…
– Nous verrons, nous verrons… Plus tard, vous savez… On verra.
– Vous avez peur de l’avenir ?
– Non, je n’ai pas peur de l’avenir. Si mes chansons durent, j’en suis très content. Si elles ne durent pas, comme je ne serai plus là à ce moment-là, ce ne sera pas trop grave…
» (Radioscopie)

Brassens reste unique. On peut écouter et réécouter ses disques à l’infini. Ses chansons sont comme les bons vins, le temps les améliore, même si généralement « le temps ne fait rien à l’affaire » :

Quand ils sont tout neufs
Qu’ils sortent de l’œuf
Du cocon
Tous les jeunes blancs-becs
Prennent les vieux mecs
Pour des cons
Quand ils sont d’venus
Des têtes chenues
Des grisons
Tous les vieux fourneaux
Prennent les jeunots
Pour des cons
Moi, qui balance entre deux âges
J’leur adresse à tous un message

Sources :
Les copains d’abord, film de Jacques Pessis et Erik Barbette
Jean-Marie Planes, Georges Brassens
Boris Vian, En avant la zizique
Marc Robine, Thierry Séchan, Georges Brassens. Histoire d’une vie
Sébastien Lahmani, 200 portraits de stars de la chanson française
Gilbert Salachas, Béatrice Bottet, Le guide de la chanson française contemporaine
Pierre Saka, Yann Plougastell, La chanson française et francophone
100 ans de la chanson française (éditions Atlas)
Eric Zimmermann, Chanson française. 200 portraits inédits
L’Encyclopédie de la chanson française (sous la direction de Gilles VERLANT).

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