Arts et culture
Joséphine Baker : la magie noire de « la plus belle panthère »
Une enfance pauvre
Joséphine Baker est née le 3 juin 1906 à Saint Louis, grande ville du Midwest, située dans l’État du Missouri, aux États-Unis. Elle est la fille de Carrie Mac Donald et d’Eddie Carson.
De sa mère, Joséphine hérita son corps, de son père son énergie. Artistes, ses parents avaient monté ensemble un numéro de chant et de danse. Un an après la naissance de Joséphine, Eddie Carson quitta Carrie. Par la suite, Carrie eut trois autres enfants. Elle entretenait la famille en faisant des lessives. Elle traitait ses enfants avec une grande sévérité. Le froid, la puanteur, les punaises et les rats furent les compagnons d’enfance de Joséphine. Pour Carrie, les enfants ne devaient pas être une charge : il fallait donc que Joséphine travaille. Elle fut placée dans la maison d’une blanche à huit ans. Maltraitée, elle se réfugia chez sa grand-mère et sa tante. En 1917, une importante émeute raciale éclata à Saint Louis : trente neuf noirs furent tués et plusieurs milliers laissés sans abri. Joséphine n’oublia jamais ce jour-là.
L’entrée dans le métier
Joséphine avait appris à danser dans les rues, dans les cours et dans les maisons du Saint Louis noir. Les pas nouveaux s’y répandaient rapidement. La danse des jambes en caoutchouc, qu’elle développera plus tard sur les scènes parisiennes, correspondait à des mouvements bien connus aux États-Unis par les danseurs de jazz des années vingt. À treize ans, Joséphine avait assimilé un immense répertoire de mouvements. Ce qui paraissait une spontanéité chez elle cachait en fin de compte des années de pratique quotidienne.
Après avoir quitté le foyer familial et être devenue serveuse, elle se maria avec Willie Wells. Elle se joignit bientôt à un groupe de musiciens de rue, le Jones Family Band, qui se produisait à Saint Louis. Un jour qu’y jouait une troupe en tournée, les Dixie Steppers, le directeur engagea les Jones pour combler le vide de l’entracte. Et c’est ainsi que Joséphine parut pour la première fois sur une scène. Ainsi elle quitta Saint Louis.
La tournée de la troupe à travers le Sud fut pour Joséphine la première véritable école. Elle avait finalement réussi à entrer dans le corps de ballet, remplaçant une danseuse qui s’était blessée. Elle jouait le rôle de la girl comique, qui, en bout de file, ne faisait rien comme les autres. C’est à cette époque qu’elle fit la rencontre de Noble Sissle, l’un des créateurs de Shuffle Along, la grande comédie musicale de l’époque, composée et interprétée par des Noirs. Sissle semblait intéressé par le talent de Joséphine et la fit à nouveau engager au titre d’habilleuse. Elle apprit alors tous les chants, toutes les danses, et lorsqu’une girl tomba malade, ce fut elle qui la remplaça. Sur scène, elle semblait déchaînée ; elle louchait, elle grimaçait. Elle ne tarda pas à se faire connaître, devenant une attraction à part entière. Sissle et Blake, les inséparables créateurs du spectacle, prirent conscience du petit phénomène qu’était Joséphine. Sissle et Blake firent de Joséphine leur protégée particulière. Joséphine était désormais reconnue comme artiste et gagnait bien sa vie.
1925 : la Revue Nègre
Caroline Dudley, une Américaine qui passait son temps à parcourir le monde, cherchait une étoile féminine et un groupe de danseuses pour le Théâtre des Champs-Élysées. Ce fut Joséphine Baker qui s’avéra être la découverte de la journée. Cependant, convaincre les artistes américains de partir à Paris n’était pas aussi facile que Dudley l’avait pensé : ce serait quitter l’Amérique, quitter la langue anglaise, et surtout quitter le monde noir dans lequel ils avaient toujours vécu. Néanmoins, Joséphine Baker décida qu’elle partirait. Elle se rendait en effet compte que le genre de fascination qu’elle rêvait d’exercer n’était pas possible à New York, où son rôle dans le monde du spectacle se limiterait toujours à celui du bouffon. Il restait à Caroline Dudley de trouver un bon orchestre de jazz. Elle retint celui de Claude Hopkins. Pour récapituler, la troupe formait vingt-cinq artistes dont douze musiciens, parmi lesquels Sidney Bechet, huit chorus girls et surtout Joséphine.
La première impression de Joséphine sur son arrivée à Paris, qui a dû être la même pour ses amis noirs américains, fut la liberté de mœurs en pleine rue : des hommes et des femmes pouvaient s’embrasser, des photos de femmes nues étaient en vente libre.
La première de la Revue Nègre eut lieu le 2 octobre 1925. La salle était pleine à craquer. On distingua dans l’auditoire Robert Desnos, Picabia et Blaise Cendrars.
Le grand moment du spectacle vint avec la Danse Sauvage, danse d’accouplement primitive. Baker, seins nus, portait une ceinture de plumes sur une culotte de satin, et un col de plumes autour du cou. Son partenaire la portait sur son dos. Renversée sur le dos, Baker agitait les jambes. Lorsqu’il la déposa, elle se lança dans une combinaison de divers mouvements évoquant la danse du ventre. Pour le public, cette danse était à deux doigts de l’obscène. Et, tout à coup, Joséphine leva les bras au-dessus de la tête et se secoua en souriant.
Choqués, certains spectateurs se mirent à siffler, et quelques-uns quittèrent la salle. D’autres applaudirent pour ce clou du programme. La Revue Nègre était devenue l’événement artistique de l’année 1925. Il n’était question que de Joséphine. Les critiques allaient s’emparer du spectacle.
Joséphine n’hésita pas à s’approprier le rôle de libératrice de son sexe. Par ses attitudes résolument modernes, elle a contribué à accélérer cette révolution en la portant comme un symbole. Dans le Paris des années vingt, le nom de Joséphine est synonyme de liberté. Avec ses petits seins, ses hanches dénudées, ses cheveux noirs coupés courts et collés à la gomina, Joséphine incarnait un grand nombre de tendances, goûts et aspirations de l’époque.
Jusqu’à présent, une longue chevelure était considérée comme la plus belle parure pour la femme. Mais, déjà en 1924, Dréan chante Elle s’était fait couper les ch’veux. La coupe étant tellement en vogue, Baker lancera en 1926 le Bakerfix, pommade plaquante, qui connaîtra un véritable succès. Pour les couturiers des années vingt, préoccupés de libérer le corps de la femme, Joséphine devint le mannequin idéal. Le couturier qui la sculpta fut Paul Poiret, plus généralement connu comme « celui qui tua le corset ». Le vêtement se composait désormais d’une tunique légèrement attachée aux hanches, glissant le long du corps. La mode fut à la simplicité.
Le charleston devint la danse phare des Années Folles, diffusé principalement dans les bars et les boîtes de nuit de la capitale.
(d’après les sites Internet)
(à suivre)