Je vous salue, ma France
Tendance auteur-interprète
Parallèlement, ceux qui
devaient reprendre le flambeau de Brel et de Brassens restent négligés par les maisons de disques. Quelques exceptions toutefois, puisque c’est dans cette décennie, qu’on découvre Pierre Perret, Georges Moustaki et Claude Nougaro. D’autres, vont chercher leur propre style, adaptant leurs chansons à la mode du yé-yé, tout en gardant une veine traditionnelle, ou une certaine qualité de textes.
En 1965, la France salue Salvatore Adamo. Ce Belge sicilien à la voix chaude est l’idole préféré des Français. C’est le retour d’une sorte de romantisme réaliste (Michel Delpech, Christophe), propre à rassurer la génération d’avant le rock’n’roll. La plupart de ces jeunes artistes chantent leurs propres textes. C’est le cas pour Leny Escudero, Serge Lama, Françoise Hardy, Enrico Macias. Gainsbourg crée des chefs-d’œuvre. Il écrit et compose pour les autres, en particulier, pour la petite France Gall.
Donc, la chanson d’auteur n’a pas faibli, mais l’interprète pur disparaît peu à peu au profit de l’auteur-interprète. Sauf exceptions, comme Joe Dassin et Mireille Mathieu. Quant à la chanson populaire, elle se porte à merveille : on salue Dalida, Marie Laforêt, Nana Mouskouri.
La vague du folk
En France de cette époque, il existe également des amateurs du folksong américain : Hugues Aufray et Graeme Allwright. Le mouvement folk qui entend retrouver les racines rurales de la société avec Siffler sur la colline chantée par Joe Dassin, Le Rossignol anglais d’Hugues Auffray, séduira durant une bonne décennie la jeunesse de l’après-Mai 68. Mais les prémices de ce mouvement – dont on retrouvera des retombées dans les chansons de Maxime Le Forestier, Renaud, Francis Cabrel – remontent donc aux premiers enregistrements d’Hugues Aufray, de Joe Dassin et de Graeme Allwrigt.
En France tout est en prêt pour que le printemps 1968 oriente la chanson vers de nouvelles directions.
Les anti-yé-yé
À la génération du rock et du yé-yé succède celle des rockers, hippies, beatniks qui dans la musique anticonformiste, les cheveux longs, les chemises à fleurs et le retour à la nature rejettent la civilisation industrielle. Ils se définissent comme le courant anti-yé-yé.
Les anti-yé-yé rêvent d’un monde nouveau. Avec eux, arrive une autre vague de chanteurs : Nino Ferrer, créateur de chansons célébrant l’anticonformisme, Jacques Dutronc qui met du doigt sur les problèmes sociaux, et surtout Michel Polnareff, dont l’exceptionnel talent de mélodiste l’impose auprès d’un jeune public.
Mais, s’il ne fallait retenir qu’un seul nom du vent de révolte qui anime cette décennie en France, nul doute que ce serait celui d’Antoine. Antoine deviendra leur porte-parole. C’est un rebelle. Pionnier de la chanson contestataire, Antoine est le premier à avoir osé chanter publiquement ce que beaucoup pensaient en silence. Il dénonce la guerre comme l’avait fait Boris Vian quelques années plus tôt (1954)1 . Ses chemises à fleurs, ses cheveux longs, son refus de l’autorité parentale, son rejet du système, son amour du voyage en auto-stop, son jean rapiécé, sa guitare en bandoulière et son harmonica autour du cou – tout en lui respire la révolution des mœurs.
En prime, il ne fait aucun effort pour plaire : il ne chante pas bien, sa musique est hyper simpliste, il ne recherche aucun effet médiatique. Mais c’est pour toutes ces raisons que les jeunes le trouvent formidable, l’admirent et l’imitent. Sa révolte gronde et s’exprime aussi bien dans la chanson, que dans le look. En chantant : « Ma mère m’a dit : “Antoine / Fais-toi couper les cheveux” / Je lui ai dit : / “Ma mère dans vingt ans si tu veux / Je ne les garde pas / pour me faire remarquer / Ni parce que je trouve ça beau, / mais parce que ça me plaît” / Oh, Yeah ! », Antoine devient le porte-drapeau de cette révolte. Avant lui, il y a eu Johnny Hallyday. Après lui, la révolution de Mai 1968.
À la fin des années 1960, la chanson française traduit bien les contradictions de la société française qui est sur le point d’éclater…
1 Dans sa chanson anti-militaire Le Déserteur.