Je vous salue, ma France
Jeanna AROUTIOUNOVA
Voyage au Pays des gourmets
(Suite. Voir n°1, 3, 5, 6, 7, 9/2007)
La langue du fromage ...
et ses vertus
Pour Brillat-Savarin, « Un dîner sans fromage est un homme sans moustaches » ou encore « Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil ». Balzac, dans La Comédie humaine, Le Colonel Chabert et Les Illusions perdues, fait l’éloge des fromages de chèvre de la Touraine et du Berry ainsi que celui de brie. Le fromage est aussi à l’honneur chez des auteurs aussi divers que Georges Duhamel, Colette, Jean Giono, Benjamin Péret, Henri Pourrat, Marcel Proust, Jean-Jacques Rousseau, François Villon, Émile Zola... sans oublier La Fontaine avec Le Corbeau et le Renard ou Le Rat qui s’est tiré du monde. Pour sa part, Molière vante les vertus thérapeutiques du fromage. Dans Le Médecin malgré lui, Sganarelle offre un morceau de fromage à la femme de Thibaut, qui est en train de mourir ; dans Le Malade imaginaire, Toinette, déguisée en docteur, recommande un régime dans lequel on trouve « du bon gros bœuf, du bon gros porc, du bon fromage de Hollande ». Au soir de sa mort, Molière réclama un morceau de parmesan. C’est aussi dans l’histoire du camembert que l’on trouve une utilisation médicale du fromage. Le camembert, dont la naissance légendaire coïncide presque avec celle de la République, est à la fois un symbole – notamment celui du Français vu par l’étranger – et un mythe national.
(d’après Antoine VIAL,
Le Mangeur)
Fromages sur un plateau
Les Français sont les plus grands consommateurs de fromage du monde. Avec plus de 400 variétés, la France est le pays-roi du fromage. Il existe 6 familles de fromages affinés, 32 entre eux bénéficient d’une AOC (appellation d’origine contrôlée). La consommation moyenne par personne et par an dépasse 15 kg. C’est en France qu’existe le dicton, selon lequel : « Un repas sans fromage est comme une journée sans soleil ».
Certains magasins spécialisés (beurre – œufs – fromage, ou seulement fromageries) sont parfois aussi célèbres que les plus célèbres des chefs. Chaque fromage a sa personnalité, son histoire, et présente trois caractéristiques qui sont à la base de toute la cuisine : produit naturel – tradition – goût recherché. L’immense éventail des spécialités régionales comprend des fromages longuement affinés ou frais. Ils sont fabriqués à base de lait de vache, de chèvre ou de brebis.
Les fromages de vache sont les plus nombreux :
- fromages frais : fromage blanc, petit-suisse, demi-sel ;
- fromages fermentés à pâte molle, faits de lait caillé, puis moulés : brie, camembert, coulommiers, pont-l’évêque, livarot, munster ;
- fromages fermentés à pâte pressée : cantal, port-salut, saint-paulin, reblochon, saint-nectaire ;
- fromages à pâte cuite : gruyère, comté, emmental ;
- fromages à pâte bleue : bleu d’Auvergne, bleu de Bresse.
Les fromages de chèvre, frais ou secs.
Les fromages de brebis : roquefort, fromage corse.
Le brie de Meaux
Le brie de Meaux entre le premier dans l’histoire, grâce à Charlemagne qui le déguste vers 774 et affirme : « Je viens de découvrir l’un des mets les plus délicieux ». Fromage-roi de la région, il fut aussi sacré roi des fromages en 1820, lors du Congrès de Vienne. À cette occasion, Talleyrand, instigateur d’une compétition entre les différents pays participants, demanda à chacun des émissaires de faire porter un fromage de son pays d’origine. À l’issue du concours, le brie fut proclamé « prince des fromages et premier des desserts », consacrant une longue tradition de gastronomie fromagère sur les tables royales...
Le brie de Meaux bénéficie depuis 1980 d’une appellation d’origine contrôlée qui garantit son authenticité. La récolte du lait et l’affinage doivent s’effectuer dans une aire géographique bien déterminée.
C’est un fromage à pâte molle et à croûte fleurie, fabriqué uniquement avec du lait cru de vache, salé à sec et moulé à la main à l’aide d’une « pelle à brie », dans des moules cylindriques de 35 à 37 cm. Son affinage dure quatre à cinq semaines en cave ; les fromages sont surveillés et retournés manuellement plusieurs fois afin de veiller à un bon égouttage, gage de leur qualité. Prêts à leur consommation, ils pèsent entre 2,7 et 2,8 kg.
Le camembert
Camembert est un petit village de Normandie de 200 habitants. À la fin du XVIIIe siècle, une jeune femme, Marie Huriel, accueille et aide un prêtre qui a fui Paris pour échapper à la Révolution et à la Terreur. Pour la remercier, il lui confie le secret du brie, fromage de Picardie. Marie Huriel transforme la recette et crée un fromage rond, à pâte molle : le camembert. À l’origine, elle l’enveloppe dans de la paille. Plus tard, un fromager a l’idée de confectionner le fromage dans des boîtes en bois. Ce fromage à pâte molle, recouvert d’une croûte très fine, est reconnu AOC depuis 1983. Régalez-vous donc, mais attention : pas question de choisir un camembert allégé : le vrai camembert doit avoir 45% de matière grasse.
Le gruyère
La légende prétend que le mot « gruyère » vient de « Gruérius », capitaine de VIe légion des Vandales qui choisit de s’établir dans cette région en 436. On cite même un Gruéris Ier et II à qui le roi de Bourgogne aurait inféodé la terre et le pays de Gruyère en 510. Il semble toutefois, selon l’historien Hisely qui fit des recherches très minutieuses au milieu du siècle passé, que le terme « gruyère » vient de « Grand-gruyer » (en langue romane) ou « garde forestier » qui était le « supersilvator », l’officier juge des eaux et des forêts, chargé de réprimander les délits. Le Grand-gruyer administrait tout un secteur que l’on nommait la gruerie. Il prit possession de la colline, afin d’y ériger sa demeure. Le nom de « gruyère » apparaît sous forme de « gruière » en 1655, du nom de la Gruyère, le district du canton de Fribourg où il est fabriqué.
Dans cette merveilleuse région des Préalpes on fabriquait un fromage depuis les Celtes et les Romains, mais personne n’avait songé à y donner un nom. La légende veut que l’empereur Antonin-le-Pieux soit mort d’une indigestion pour avoir mangé trop de ce fromage en l’an 161 après Jésus-Christ. Il fallait attendre le XIIe siècle pour voir apparaître les premiers écrits sur la région de production et sur quelques modes de production. Guillaume, premier comte de Gruyère, fonde avec son neveu, le chanoine Ulrich, le prieuré clunisien de Rougemont. Il lui assure, par une Charte établie en 1115, différents bénéfices. Les fermiers de la région de Gruyères sont obligés de faire vivre le prieuré sous forme de taxe en fromage. L’abbaye revend alors fromage pour en tirer des revenus. Pour maintenir une quantité uniforme et une production régulière, l’abbaye doit fournir l’équipement le plus « moderne » qui soit pour sa fabrication : chaudières, tamis, formes... La production de gruyère atteint rapidement un niveau de qualité et, dès 1249, on signale le commerce de fromage. En octobre 1312, les fils de Rodolphe de Gruyère libèrent leurs sujets habitants Gessenay de la Charte de 1115 et à partir de ce moment, ils peuvent vendre leur surplus. En 1342, on fixe le tarif à payer pour le beurre et le fromage. Anciennement, on désignait le Gruyère comme un fromage à trous et plus d’une souris s’est retrouvé grignotant ce merveilleux fromage, mais il n’est point d’usage maintenant de le désigner comme tel car il a trop de confusion avec l’emmental.
Le 2 juillet 1992, la Charte du Gruyère est créée. Elle délimite la zone de production de Gruyère et désigne de ce fait les cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, ainsi que les districts de Courteland, la Neuville et Moutier, dans le canton de Berne. Le Gruyère a maintenant son AOC. De ce fait, il est devenu un nom propre et s’écrit avec une majuscule.
Attention ! le fromage s’écrit « gruyère », mais la ville prend un « s » – Gruyères.
Le livarot
Le livarot, le plus fort des fromages normands, fabriqué dans la région de Livarot, date du XIIe siècle. C’est également un fromage à pâte molle, à croûte lavée ... Égoutté, salé et ressuyé en hâloir, il est enfin ceint de cinq lanières de roseau émoellé qui lui ont donné son surnom de « colonel » ; il est à point au bout de 100 jours environ.
Le neufchâtel
Le neufchâtel fermier est un petit fromage de vache à croûte fleurie. Ce petit fromage est fabriqué en Seine-Maritime, dans le pays de Bray, dans la ville de Neufchâtel-en-Bray. C’est un fromage qui est plus que millénaire. Vers le Xe siècle, on en parlait déjà.
Le pont-l’évêque
Le pont-l’évêque, fabriqué dans la région de Pont-l’Évêque, diffère du camembert par un caillé brisé, légèrement pétri, égoutté sur roseaux, puis dans des moules carrés de 11×11 pendant deux jours, séché et retourné trois jours durant, mûri et affiné pendant deux à trois semaines. Il est plus onctueux, avec une saveur beaucoup plus forte que le livarot et le neufchâtel.
Le roquefort
Le roquefort est parmi les fromages français celui qui illustra le mieux et à plusieurs reprises l’histoire de France. Ce fut l’un des premiers à retenir l’attention de l’un des rois français. On raconte que Charlemagne, s’arrêtant chez l’évêque d’Albi, se vit offrir entre autres mets du roquefort. Prenant le bleu pour de la pourriture, il l’écarta : l’évêque lui apprit alors respectueusement qu’il en gâchait le meilleur. Charlemagne l’apprécia tant qu’il en commanda deux caisses par an. Au XIVe siècle, le roquefort fut le premier fromage à bénéficier de lettres patentes. En 1666, il fut aussi le premier fromage à faire l’objet d’un texte juridique élaboré par le Parlement de Toulouse. Au XVIIIe siècle, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert le consacre premier fromage d’Europe.[...] D’autres variétés doivent également leur notoriété aux souverains français : Louis XI, sauvé d’un ours par deux bûcherons qui lui firent connaître le saint-marcellin, introduisit ce fromage à la table royale ; Louis XIV est à l’origine de l’importation de l’Edam en France ; Napoléon III participa à la renommée du camembert...
(d’après N. MAUCHAMP,
Les Français. Mentalités et comportements)
Dites-le ... avec
du fromage !
Faites correspondre chaque phrase à sa définition.
Entre la poire et le fromage.
C’est du fromage sur les épinards !
Faire de quelque chose un fromage.
Être comme un rat dans un fromage.
Fromage et dessert.
C’est plus fort que le roquefort.
Il a un quart de brie.
Se trouver dans un situation avantageuse.
On le dit de quelqu’un qui a un gros nez.
Il ne manquait plus que ça !
Exagérer l’importance d’un fait.
Cela arrive à propos !
À la fin du repas, quand les discours deviennent moins sérieux...
Il n’est pas nécessaire de choisir. On peut avoir les deux !
À la recherche du fromage
Trouvez les 12 fromages cachés dans la grille.