Mon amie la langue française
Le Problème
(d’après Marcel Aymé)
Le chat : Marcel Aymé. Le Problème. On sait bien que les mathématiques est une terrible matière avec des problèmes très difficiles. Surtout pour les petites filles comme Delphine et Marinette. Elles sont très gentilles. On s’amuse bien ensemble. Mais quand il y a des devoirs...
Scène 1
(La scène représente une cuisine. Delphine et Marinette sont assises à table et font semblant de faire leurs devoirs. Un chien est couché à leurs pieds. Les parents entrent et posent leurs outils contre le mur.)
Maman : Alors, il est fait, ce problème ?
Delphine (d’une pauvre voix) : Pas encore. Il est difficile. La maîtresse nous avait prévenues.
Maman : Du moment que la maîtresse vous l’a donné, c’est que vous pouvez le faire. Mais avec vous, c’est toujours la même chose. Pour s’amuser, jamais en retard, mais pour travailler, plus personne et pas plus de tête que mes sabots.
Papa : Il faut pourtant que ça change ! Regardez-moi, ces deux grandes bêtes de dix ans. Ne pas pouvoir faire un problème !
Marinette (en commençant à pleurer) : Il y a déjà deux heures qu’on cherche.
Papa : Eh bien ! Vous chercherez encore ! Vous y passerez votre jeudi après-midi, mais il faut que le problème soit fait ce soir.
Maman : Et si jamais il n’est pas fait, ah ! s’il n’est pas fait... Tenez, j’aime autant ne pas penser à ce qui pourrait vous arriver.
(Les parents tendent leurs cous et voient ce que les fillettes ont dessiné dans leurs cahiers : l’une - un patin, l’autre – une maison avec une cheminée. Ils arrachent les cahiers et les montrent aux spectateurs.)
Le chat : On peut comprendre l’indignation des parents quand ils voient qu’au lieu de faire le problème les filles dessinent dans leurs cahiers !
Papa : C’est incroyable !
Maman : Nous n’avons pas mérité d’avoir des filles pareilles ! C’est in-croy-able !
Le chien : Voyons, parents, vous n’êtes pas raisonnables. Ce n’est pas de crier, ni de taper du pied qui va nous avancer dans le problème. Et d’abord, à quoi bon rester ici à faire des problèmes quand il fait si beau dehors ? Les pauvres petites seraient bien mieux à jouer.
Papa : C’est ça. Et plus tard, quand elles auront vingt ans et qu’elles se marieront, elles seront si bêtes que leurs maris se moqueront d’elles.
Le chien : Elles apprendront à leurs maris à jouer à la balle et à saute-mouton. N’est-ce pas, petites ?
Les fillettes : Oh, oui !
Papa, Maman : Silence, vous ! Et au travail ! Vous devriez avoir honte ! Deux grandes sottes qui ne peuvent même pas faire un problème.
Le chien : Vous vous faites trop de souci. Si elles ne peuvent pas faire le problème, eh bien ! que voulez-vous ?! Elles ne peuvent pas ! Le mieux, c’est d’en prendre son parti. C’est ce que je fais.
Maman : Au lieu de perdre leur temps à des gribouillages... Mais en voilà assez ! On n’a pas de comptes à rendre au chien !
Papa : Allons nous-en ! Et vous, tâchez de ne pas vous amuser. Si le problème n’est pas fait ce soir, tant pis pour vous.
(Les parents quittent la cuisine. Delphine et Marinette, penchées sur leurs cahiers sanglotent. Le chien vient se planter entre leurs deux chaises et les pattes de devant posant sur la table, leur passe sa langue sur les joues.)
Scène 2
Le chat : Pauvres petites ! Je doute qu’elles puissent le faire ! Et comment je peux les aider ? Un problème ? Oh non ! S’il fallait attraper une souris...
Le chien : Est-ce qu’il est vraiment si difficile, ce problème ?
Marinette : S’il est difficile, c’est bien simple, on n’y comprend rien.
Le chien : Si je savais de quoi il s’agît, j’aurais peut-être une idée.
Delphine : Je vais te lire l’énoncé : « Les bois de la commune ont une étendu de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? »
Le chien : Je suis de votre avis. Ce n’est pas un problème facile. Et d’abord, qu’est-ce qu’un hectare ?
Delphine : On ne sait pas très bien...
Marinette : Un hectare c’est à peu près comme un are, mais pour dire lequel est plus grand, je ne sais pas. Je crois que c’est l’hectare.
Delphine : Mais non ! C’est l’are le plus grand.
Marinette : L’hectare, je te dis...
Delphine : Mais non, mais non...
Le chien : Ne vous disputez pas. Que l’are soit plus grand ou plus petit, c’est sans importance. Occupons-nous plutôt du problème. Ne vous découragez pas. Le problème a beau être difficile, on en viendra à bout. Je vais réunir toutes les bêtes de la maison. A nous tous, on finira bien par trouver la solution.
Le chat : Bravo, mon chien ! C’est bien d’avoir des amis !
(Le chien court vers le cheval qui broute dans le pré.)
Scène 3
Le chien : « Les bois de la commune ont une étendu de seize hectares ».
Le cheval : C’est bien possible. Mais je ne vois pas en quoi la chose peut m’intéresser.
Le chien : Vois-tu, Delphine et Marinette se trouvent en ennui. La maîtresse leur a donné un problèmes trop difficile. Et les parents ont promis de les punir, si...
Le cheval : Oh, ces profs ! Que d’ennuis ils causent aux pauvres enfants !
Le chien : Il faut aider les petites. Si l’on réunissait toutes les bêtes de la ferme, à nous tous on trouverait peut-être la solution.
Le cheval : T’es génial !
Le chien : Eh-oh ! Venez tous ! Venez vite !
(Les bêtes accourent.)
Scène 4
Le cheval : Les petites sont en embarras.
Le chien : La maîtresse leur a donné un problème trop difficile. Il faut les aider. Ecoutez l’énoncé : « Les bois de la commune ont une étendu de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes... »
Le cochon : De trois chênes seulement, mais c’est scandaleux !
Le chien : Vous me laissez finir. Oui ou non ?!
Le chien : « Les bois de la commune ont une étendu de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? » Voilà. Cherchez tous !
(Les bêtes réfléchissent).
Le coq : C’est trop difficile.
Le cheval : Ce n’est pas un problème pour nous.
Le cochon : On n’y comprends rien. Moi, j’abandonne.
Le chien : Ce n’est pas sérieux. Vous n’allez pas laisser les filles en embarras. Réfléchissez encore !
Le cochon : à quoi bon se casser la tête, puisque ça ne sert à rien.
Le coq : Naturellement, tu ne veux rien faire pour les petites. Tu es du côté des parents.
Le cochon : Pas vrai ! Je suis pour les petites ! Mais j’estime qu’un problème comme celui-là...
Le chien : Silence ! Cherchez encore !
(Les bêtes réfléchissent chacun à sa façon. En ce moment, la poule arrive.)
Le chat : C’est bien dit de chercher ! Mais où, mais comment ?!
Le cheval : Alors quoi ! Vous n’avez pas entendu le signal du rassemblement ?!
La poule : J’avais un oeuf à pondre. Vous ne prétendez pas m’empêcher de pondre, j’espère ? Quel est le sujet de la réunion ?
Le coq : La maîtresse a donné aux fillettes un problème trop difficile. Nous nous sommes réunis pour les aider.
Le chien : En voilà l’énoncé : « Les bois de la commune ont un étendu de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? »
La poule : Eh bien ! Je ne vois pas ce qui vous arrête. Tout ce me paraît bien simple.
Les oies
1 : Elle n’a rien trouvé !
2 : Elle veut se rendre intéressante.
3 : Elle n’en sait plus que nous.
Le coq : Vous pensez ! Une petite poule de rien du tout !
Le chien : Voyons, voyons, laissez-la parler. Silence ! Alors, qu’est-ce que tu as trouvé ?
La poule : Je vous répète que c’est très simple. Je m’étonne que personne n’y ait déjà pensé. Les bois de la commune sont tout près d’ici. Le seul moyen de savoir combien il y a de chênes, de hêtres et de bouleaux, c’est d’aller les compter. à nous tous, je suis sûre qu’il ne nous faudra pas plus d’une heure pour en venir à bout.
Toutes les bêtes : Ça par exemple !
Le chat : Et on dit que les poules sont bêtes. N’y croyez jamais !
(Les fillettes s’agenouillent près de la petite poule blanche et lui caressent les plumes du dos et du jabot.)
Le cochon : Je n’aurais pas cru que cette bestiole était aussi douée.
Le chien : Eh bien ! Au travail ! Chacun aura son secteur. Faites attention ! N’oubliez pas un seul arbre. Vous venez dire votre résultat à Delphine et Marinette qui vous attendront à la sortie de la forêt.
Toutes les bêtes : C’est bien compris.
(Tout le monde s’en va.)
Le chat : Et voilà que tout le monde s’en va dans les bois de la commune. Heureusement, ce n’est pas loin.
Delphine : Dis donc, cette petite poule blanche... Quelle bonne idée elle a eue !
Marinette : Mais oui, mais oui. Le problème sera fait et les parents seront contents.
L’oie 1 : Vingt-deux chênes, trois hêtres, quatorze bouleaux.
Le cheval : Trente-deux chênes, onze hêtres, quatorze bouleaux.
La voix du cochon : Au secours ! Delphine, Marinette, au secours !
Scène 5
Le sanglier : Espèce d’idiot ! Vous avez fini de brailler comme ça ?! Qu’est-ce qui vous prend de réveiller les honnêtes personnes en plein jour ? Je vais vous apprendre à vivre, moi. Quand on a une tête comme la vôtre, on devrait se cacher et ne pas se produire dans les bois.
Scène 6
(En voyant arriver les fillettes).
Le sanglier : Qu’est-ce que c’est encore que ceux-là ? Ma parole, on se croirait sur la route nationale. Il ne manque plus que des autos. Je commence à en avoir assez. Et vous, petites filles, qu’est-ce qui vous amène dans les bois de la commune ?
Delphine : Nous sommes venues avec nos amis de la ferme pour compter les arbres. Mais le cheval vous expliquera.
Marinette : Il nous faut aller terminer le problème.
Le cheval : Figurez-vous que la maîtresse d’école a donné aux petites un problème très difficile.
Le sanglier : Je ne comprends pas bien. Il faut m’excuser, mais je vis très retiré. Je ne sors guère que la nuit. Et la vie du village m’est presque étrangère. (Il regarde le cochon). Que cet animal est donc laid ! Je n’arrive pas à m’y habituer. Cette peau rose est d’un effet vraiment écoeurant. Mais n’en parlons plus. Je vous disais qu’à vivre la nuit je suis resté ignorant de bien des choses. Qu’est-ce qu’une maîtresse d’école par exemple ? Et qu’est-ce qu’un problème ?
Le cheval : Une maîtresse d’école... comment vous expliquer ? C’est une jeune créature qui cause bien d’ennuis à nos chères enfants. Elle leur donne des devoirs difficiles. Voyez, nous sommes dans cette forêt pour compter les arbres...
Le sanglier : Quelle drôle d’idée ! Ça sert à quoi ?
Le cheval : Ça sert à éviter les ennuis ! L’énoncé du problème que les fillettes ne peuvent pas faire est le suivant : « Les bois de la commune ont une étendu de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? »
Le sanglier : Je vais vous aider ! L’écureuil ! (Un écureuil apparaît.)
Occupe-toi de savoir combien il y a de chênes, de hêtres et de bouleaux dans les bois de la commune. (Aux autres.) Il ira avertir les autres écureuils et avant un quart d’heure ils rapporteront la réponse. Ainsi, on pourra contrôler le résultat des autres et on saura si le compte de Delphine et Marinette était juste.
(Delphine et Marinette apparaissent, elles notent les résultats reçus.)
L’oie 1 : J’ai cent hêtres, cinquante trois bouleaux et mille chênes.
Le coq : J’ai compté mille hêtres, 120 bouleaux et 250 chênes.
L’oie 2 : J’ai plus de bouleaux que toi ! 245 bouleaux, et je n’ai point ni chênes, ni hêtres, c’est drôle !
(Les autres bêtes s’approchent pour dire leur résultat. On voit que le cochon est très confus.)
Delphine : Quelles sont tes chiffres, cochon ?
Le cochon : Euh... euh... Je ne sais plus. J’étais tellement effrayé que...
Le sanglier : Décidément, il ne lui manque rien. Il est laid, il a la peau rose et il est paresseux.
(Le cochon, outragé, se met de côté.)
La poule : Nous ne vous remercions pas, cochon. Vous nous jouez de mauvais tours. Heureusement que ma part était à côté de la vôtre et, comme le temps me restait, et comme je vous connais assez bien, j’ai compté vos arbres. Voici les deux résultats. (Elle tend une feuille de chêne où sont notés les résultats, Delphine fait le compte total).
Le coq (s’approchant de la poule) : Dites donc, qui aurait pu croire... une petite poule de rien du tout. Elle m’intéresse de plus en plus.
Marinette et Delphine : Dans les bois de la commune il y a trois mille neuf cent dix-huit chênes, douze cent quatorze hêtres et treize cent deux bouleaux.
Le cochon : C’est ce que je pensais.
Delphine : Merci, chers amis. Vous nous avez si bien aidées.
Marinette : Tu étais super chouette, petite poule. On n’oubliera jamais le service que tu nous as rendu.
Les bêtes (ensemble) : À la petite poule hip-hip hourra ! !
(Joie et danse générale.)
Le chien : Ce n’est pas pour vous contrarier, mais le soleil commence à baisser. Les parents vont bientôt rentrer à la ferme et s’ils ne trouvent personne, ils pourraient bien n’être plus de bonne humeur.
(En ce moment arrive l’écureuil essoufflé).
L’écureuil : Dans les bois de la commune il y a trois mille neuf cent dix-huit chênes, douze cent quatorze hêtres et treize cent deux bouleaux.
Delphine : On a le même résultat.
Le cheval : C’est la preuve que nous ne nous sommes pas trompés. Demain la maîtresse vous donnera une bonne note.
Le sanglier : Ah ! Je voudrais bien être là quand elle vous complimentera. Moi, qui aimerais tant voir une école.
Marinette : Venez donc demain matin. La maîtresse n’est pas méchante, elle vous laissera entrer dans la classe.
Le sanglier : Vous croyez ? Et bien, je ne dis pas non. Je vais y réfléchir.
Le chien : Allez, allez, on rentre. Vous n’êtes pas raisonnable.
Le chat : Delphine, Marinette ! Rentrez vite ! Il est déjà tard ! Les parents vont revenir !
(Tout le monde se presse de rentrer. Devant la maison Delphine et Marinette jouent. Les parents rentrent.)
Maman : Est-ce que vous avez fait votre problème ?
Delphine : Oui, mais il nous a donné du mal.
Le cochon : Ça a été un rude travail. Et ce n’est pas pour me vanter, mais dans les bois... (Marinette lui marche sur le pied.)
Papa (regarde le cochon de travers) : Cet animal est de plus en plus stupide. (Aux filles.) Ce n’est pas tout d’avoir fait le problème. Il faut qu’il soit juste. Mais ça, on le saura demain.
Maman : On verra la note que la maîtresse vous donnera. Si jamais votre problème n’est pas juste, vous pouvez compter que ça ne se passera pas comme ça. Ce serait trop facile. Il suffirait de bâcler un problème.
Delphine : On ne l’a pas bâclé, vous pouvez être certains qu’il est juste.
Le cochon : Du reste, l’écureuil trouve comme nous.
Papa : L’écureuil ! Ce cochon devient fou. Il a d’ailleurs un drôle de regard. Allons, plus un mot et rentre dans ta soupe !
Le chat : Heureuses, les fillettes se couchent. Nous n’allons pas attendre la nuit pour avoir le plaisir de voir toute la basse-cour dans la cour de l’école le lendemain matin. (Le chien, le cheval, le cochon, la petite poule blanche se promènent en attendant la sonnerie Et voilà la maîtresse qui vient.)
Scène 7
La maîtresse (étonnée) : Qu’est-ce que c’est que tout ce monde là ? Vous voulez vous aussi vous inscrire à l’école ? (Elle aperçoit le sanglier qui arrive, et a peur). Ah, mon dieu !
Delphine : Mademoiselle, n’ayez pas peur. On le connaît.
Marinette : C’est un sanglier très gentil.
Le sanglier : Pardonnez-moi, je ne voudrais pas vous déranger, mais j’ai entendu dire tant de bien de votre école et de votre enseignement que l’envie m’est venue d’entendre une de vos leçons.
La maîtresse (flattée) : Eh bien, entrez, mais il faudrait...
Le sanglier : Bien entendu, nous nous engageons, mes compagnons et moi, à ne pas troubler la leçon.
La maîtresse : Après tout, je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous entriez dans la classe. Mettez-vous en rang !
Le concierge : Silence ! On sonne !
(Les bêtes entrent en classe et s’installent.)
La maîtresse : Asseyez-vous et commençons par la leçon d’histoire. Nous parlons aujourd’hui du roi Louis XI. Delphine, dites-moi dans quel siècle régnait-il ?
Delphine : Au XVe.
La maîtresse : Tout à fait. C’était un roi très cruel. Il avait l’habitude d’enfermer ses ennemis dans une cage de fer. Heureusement, les temps ont changé et à notre époque il ne peut plus être question d’enfermer quelqu’un dans une cage.
(La petite poule blanche lève le doigt.)
La maîtresse (étonnée) : Oui ?
La poule : On voit bien que vous n’êtes pas au courant de ce qui se passe dans le pays. La vérité c’est que rien n’a changé depuis le XVème siècle. Moi, qui vous parle, j’ai vu bien souvent des malheureuses poules enfermées dans des cages, et c’est une habitude qui n’est pas près de finir.
Le sanglier : C’est incroyable !
Le cochon : Quand je serai roi, j’enfermerai les parents dans une cage.
Le sanglier : Vous ne deviendrez jamais roi, vous êtes trop laid !
Le cochon : Je connais des gens qui ne sont pas du tout de votre avis. Hier au soir encore, les parents disaient en me regardant : « Le cochon est de plus en plus beau, il va falloir s’occuper de lui ! »
Le sanglier : Vous êtes l’animal le plus laid que j’aie jamais vu !
Le cochon : Apparemment que vous ne vous êtes pas regardé. Avec ces deux grandes dents qui vous sortent de la gueule, vous avez une figure affreuse.
Le sanglier : Comment ! Vous osez me parler de ma figure avec cette insolence ? Attendez un peu, je vais vous apprendre à respecter les honnêtes personnes ! (Il saute du banc voulant se jeter sur le cochon.)
La maîtresse : Je devrais vous mettre à la porte tous les deux, mais cette fois-ci, je me contenterai de vous mettre un zéro de conduite. A vos places ! Et maintenant, passons à la leçon de calcul. Nous allons voir comment vous vous êtes tirées du problème des bois de la commune. Quelles sont celles d’entre vous qui l’ont fait ?
(Delphine et Marinette lèvent les mains. La maîtresse s’approche d’elles et fait non de la tête.)
La maîtresse : Hélas ! Ce n’est pas correcte. Les bois de la commune contiennent 4 800 chênes, 3 200 hêtres et 1600 bouleaux. Par conséquent, Delphine et Marinette se sont trompées. Elles auront une mauvaise note.
La poule : Permettez. J’en suis fâchée pour vous, mais c’est vous, qui vous êtes trompée. Les bois de la commune contiennent 3918 chênes, 214 hêtres et 302 bouleaux. C’est ce que trouvent les petites.
La maîtresse : C’est absurde. Il ne peut pas y avoir plus de bouleaux que de hêtres. Reprenons le raisonnement...
La poule : Il n’y a pas de raisonnement qui tienne. Les bois de la commune contiennent bien treize cent deux bouleux. Nous avons passé l’après-midi à les compter. Est-ce vrai, vous autres ?
Le chien, le cheval, le cochon : C’est vrai !
Le sanglier : J’étais là. Les arbres ont été comptés deux fois.
Le concierge : Eh ! Calmez-vous, c’est Monsieur l’inspecteur qui vient !
(L’inspecteur de l’Académie entre.)
Scène 8
L’inspecteur : Qu’est-ce que cela signifie ? On admet maintenant les bêtes à nos leçons ? S’agît-il d’une nouvelle méthode d’enseignement ? Eh bien, on verra. Voyons, de quoi parliez-vous ?
La poule : Monsieur l’inspecteur, la maîtresse a donné avant-hier aux élèves un problème difficile. Il fallait compter les espèces d’arbres dans les bois de la commune.
Le cheval : Voulant aider nos amies Delphine et Marinette, nous nous sommes rendues tous sur les lieux.
Le chien : Nous y avons passé notre après-midi.
Le cochon : Ce n’est pas pour nous vanter, mais c’était un rude travail. Les arbres ont été comptés deux fois !
Le sanglier : Puis les écureuils ont vérifié le résultat !
L’inspecteur : Eh bien...
Delphine : La maîtresse dit que nous nous sommes trompées.
Marinette : Nos parents vont nous punir... (Elle se met à pleurer).
L’inspecteur : Surtout pas ça ! Les bois de la commune sont les bois de la commune. C’est indiscutable !
Les bêtes : Vive l’inspecteur !
L’inspecteur (confus) : Et puis, il va de soi que la petite poule blanche qui a si bien raisonné mérite une Croix d’honneur !
Les bêtes : Vive l’inspecteur !
Le chat : Et voilà une fin heureuse. Tous sont contents :
La maîtresse et l’inspecteur
Maman et Papa
Delphine et Marinette.
Que c’est bien d’avoir des amis :
Un cheval
Un chien
Des oies
Une poule
Un coq
Un cochon
Un sanglier
Un écureuil
Et les chats qui servent à raconter des contes.