Arts et culture
Littérature
La littérature française a toujours beaucoup influencé la littérature européenne. C’est en France que sont nés tant de génies d’écrivains. La France ne décevait jamais les amateurs des lettres. Elle reste aujourd’hui le pays dont on attend la naissance des tendances de la « bonne littérature ».
On regarde encore du côté des classiques
qui ont marqué la deuxième moitié du XXe siècle : François Nourrissier, Marguerite Duras, Michel Tournier, Patrick Modiano, Georges Perec, Nathalie Sarraute, etc. Mais la production éditoriale dans son ensemble a beaucoup et rapidement évolué depuis dix ans, par le choix de ses thématiques et l’apparition d’une nouvelle crudité dans leur exposition.
On peut ainsi penser que la nouveauté apportée par Frédéric Beigbeder (avec son livre 99 F) ou Vincent Ravalée (avec Un pur moment de rock’n’roll ou Cantique de la racaille) est de cet ordre, dans la mesure où ces auteurs abordent de nouvelles thématiques (la publicité, le supermarché, la communication...) avec des techniques narratives anciennes. Ils répondent de ce fait à une attente du public qui leur préexiste, au point de jouer en librairie, malgré les grandes différences apparentes, le rôle rassurant que tenaient hier Hervé Bazin ou Alphonse Boudard. Le public y cherche une semblable consolation à la difficulté quotidienne de s’adapter. De même exactement, on pourrait rapprocher le succès phénoménal de La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, de Philippe Delerm, de ceux que connurent en leurs temps les romans « lumineux » d’André Clavel, ou bien, pour s’enfoncer plus avant encore au rayon des best-sellers, comparer les raz-de-marée éditoriaux provoqués par les romans de Bernard Werber et ceux qu’entretint longtemps le seul nom de Guy des Cars.
De la même manière, et pour s’arrêter sur un exemple notoire, on a assisté depuis dix ans à l’émergence de nouvelles voix féminines pour dire une sexualité qui n’avait pas jusqu’alors accédé de façon aussi directe à la représentation. Le rapport féminin à la question du corps, du désir et des archaïsmes sexuels dans l’univers contemporain (qui est aussi celui de la dématérialisation du corps et des progrès génétiques) hante toute une part importante de la création littéraire, et cela est vrai, pour s’en tenir à quelques succès retentissants, tout aussi bien de Baise moi, de Virginie Despentes ou de Truismes de Marie Darrieussecq que de La Conversation, de Lorette Nobécourt.
Il est d’ailleurs intéressant de voir comment le dispositif de fiction se rapproche souvent des « installations », au sens artistique du terme, dans nombre de romans français parus depuis dix ans : on retrouve cette perspective tant chez Angot ou Laurens que chez Valérie Mréjen, que chez Nathalie Quintane (son texte Chaussures, construit pas à pas sur l’escalier des associations d’idées que mobilise le mot « chaussure », avait de quoi surprendre et réjouir à sa parution, en 1997).
Notables aussi sont les passerelles entre musique et littérature, qui se multiplient : les exemples abondent, de Patrick Bouvet, dont le travail sur la sclérose médiatique de la langue prend son sens en musique, au poète Olivier Cadiot, que les membres du groupe Katonoma interprètent avec une étonnante justesse, en passant par Jacques Serena, Lydie Salvayre... Sans oublier la tentative peu convaincante de Michel Houellebecq de s’associer au compositeur Bertrand Burgalat sur la voie de l’easy-listening.
En presque totale absence d’apparition de nouveaux mouvements littéraires, on enregistre quand même la « fin de la fin des avant-gardes » (O. Cadiot), phénomène qui réunit et qui marque aujourd’hui une grande partie des écrivains français. D’ailleurs, bien que la page des avant-gardes soit tournée, cela ne veut pas dire que de tels grands révélation littéraires comme le Nouveau Roman ne conservent pas leur filiation. Si. Mais en même temps la littérature française est devenue plus ouverte aux influences extérieures, américaine notamment, ce qui ne nuit nullement à son originalité si on parle de tels écrivains comme Charles Bukowski ou Philip Roth.
Les œuvres d’Éric Chévillard, Christian Gailly ou Éric Laurent prouvent que la recherches des voies nouvelles en littérature moderne n’est pas une chose vaine. Quelque chose s’est remis en branle sur l’échiquier littéraire pour en renouveler la donne, dans le même temps que se produisait de façon beaucoup plus générale un renouvellement générationnel d’ordre sociologique.
La poésie, vivante, vivace, revient même s’inscrire dans l’espace social.
Le retour sur le devant de la scène des revues littéraires (comme la Revue de littérature générale, Java, Perpendiculaire) est aussi un des événements marquants de la dernière décennie.
Bref : en une dizaine d’années, et d’évidence, la « jeune » littérature française a ouvert des perspectives inédites pour sortir de la période de doutes qu’auront constitué les années 80, prises dans leur globalité.
Daniel Pennac (1944)
Daniel Pennac, de son vrai nom Daniel Pennacchioni, est né au Maroc.
Après une maîtrise de lettres à Nice, il entre dans l’enseignement. Il commence à écrire pour les enfants et finit par proposer Au Bonheur des Ogres à la Série noire. C’est ainsi que Benjamin Malaussène et ses amis de Belleville font leur entrée dans la littérature.
Pennac garde de son enfance une nostalgie du foyer et une tendresse pour la famille d’élection. Si ses écrits sont drôles et pleins d’une imagination débridée, Pennac peut aussi écrire Comme un roman, un essai de pédagogie active, lucide et enthousiaste. Que l’on songe à cette phrase qui pourrait guider tout enseignant : « On ne force pas une curiosité, on l’éveille. » La bande dessinée Débauche, qu’il a signée avec Jacques Tardi, prouve sa conscience sociale et civique, révoltée par le licenciement sauvage, par la situation d’un chômeur victime d’un chef d’entreprise corrompu. Depuis ses débuts d’ailleurs, Pennac étudie et critique les institutions qui nient l’individu. On pourrait dire de lui comme de son personnage principal : « Vous avez un vice rare, Malaussène, vous compatissez. » (La Petite marchande de prose).
Pierre Michon (1945)
À 37 ans, il entre dans la vie littéraire avec la publication des Vies minuscules (prix France culture), qui sont unanimement saluées. Ce livre se présente comme une suite de nouvelles ou « vies » de personnages que le narrateur a côtoyés durant son enfance, rencontrés ou retrouvés plus tard dans sa vie d’errance. Chacun de ces textes est d’une densité exceptionnelle, d’un style profond qui s’inscrit dans la lignée des plus grands (Julien Gracq, Louis-René des Forêts). Le récit pris dans son ensemble s’apparente au genre autobiographique, non pas comme une confession, mais comme une exploration du destin d’écrivain du narrateur, dont tout l’enjeu du livre est qu’il soit mené à bien. À ce grand livre succèdent des textes courts et remarquables autour de la destinée de Rimbaud (Rimbaud le fils) ou dans une veine qu’on qualifiera, faute de mieux, de romanesque (La Grande Beune ou plus récemment Abbés). Ainsi se poursuit une œuvre exigeante et discrète qui gagne de plus en plus en reconnaissance publique.
Patrick Rambaud (1946)
Patrick Rambaud a écrit une trentaine de livres dont plusieurs parodies. Il a obtenu le Prix Goncourt en 1997 pour La Bataille ainsi que le Grand prix du roman de l’Académie française. Avec Michel-Antoine Burnier, Patrick Rambaud a commis une quarantaine de pastiches, allant du texte court au véritable livre tels que le Roland Barthes sans peine, Le Tronc et l’écorce (François Mitterrand), La Farce des choses (Simone de Beauvoir) ou Un navire dans tes yeux (Françoise Sagan). Parmi les autres victimes du tandem : Louis Aragon, Charles de Gaulle, Philippe Sollers, André Malraux.
Les deux auteurs ont également publié Le Journalisme sans peine, relevé sous forme de manuel des tics journalistiques. Ils y relevaient notamment la montée de la « novlangue » : « Aujourd’hui, les mots qui heurtent par trop de réalisme doivent être adoucis. On ne parlera plus de mort mais de non-vie, d’aveugle mais de non-voyant. La non-volonté du gouvernement marque mieux en douceur un refus. Mal-comprenant passe mieux que con. »
Sous le pseudonyme de Marguerite Duraille, Patrick Rambaud a parodié Marguerite Duras à deux reprises : Virginie Q. en 1988 et Mururoa mon amour en 1996.
Il est par ailleurs un des journalistes emblématiques du magazine Actuel.
Jean Échenoz (1947)
Jean Échenoz a d’abord poursuivi des études en sociologie et en génie civil dans les villes de Rodez, Digne-les-Bains, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille et Paris, où il s’est installé en 1970. Il a brièvement collaboré au journal L’Humanité. En 1979, après quelques années d’hésitation, il a publié son premier livre, Le Méridien de Greenwich. À ce jour, il a publié douze romans et reçu une dizaine de prix littéraires, dont le prix Médicis 1983 pour Cherokee et le prix Goncourt 1999 pour Je m’en vais.
Dans le cadre d’une nouvelle traduction de la Bible pour les éditions Bayard, qui ont confié à différents auteurs la rédaction de chaque livre de celle-ci, il a effectué – en collaboration avec un spécialiste de l’hébreu – une traduction très lisible, en termes pratiquement contemporains, du livre des Macchabées.
Pascal Quignard (1948)
Pascal Quignard suit des études de philosophie à Nanterre, de 1966 à 1968, où il est condisciple de Daniel Cohn-Bendit. Parmi ses professeurs : Emmanuel Levinas et Paul Ricœur. Il s’apprête à débuter une thèse sous la direction de Levinas, mais la révolte de Mai 68 contrarie cette voie : la pensée a « vêtu un uniforme qui ne [lui] convient plus » et il s’éloigne de la philosophie.
Dès 1969, Quignard publie plusieurs essais, sur Maurice Scève, Lycophron, Miche Deguy, un premier roman, Le Lecteur, puis un second, Carus, qui reçoit le prix des Critiques en 1980.
Il publie deux forts romans en 1986 (Le Salon du Wurtenberg) et 1989 (Les Escaliers de Chambord) qui le font connaître du grand public.
La publication des huit volumes des Petits traités dévoilent l’étendue de ses lectures et semblent acérer son abandon à la littérature seule. Cette même année il écrit le roman Tous les matins du monde, qui sera adapté au cinéma par Alain Corneau, et dont il cosigne le scénario. Cette œuvre assoie définitivement Quignard dans le champ des auteurs fondamentaux de l’époque.
Suite à un accident cardiaque, Quignard est hospitalisé d’urgence en 1997 ; en résulte la rédaction de Vie secrète, livre qui mêle la fiction et la théorie, le rêve, le conte, le journal intime, le roman, la poésie, le traité, l’essai, le fragment, l’aphorisme, etc.
Il écrit encore des romans (Terrasse à Rome, qui reçoit le grand prix du roman de l’Académie française en 2000, Villa Amalia en 2006), les différents volumes de Dernier royaume, qui regroupe, recense, résume et recoupe tous les thèmes de son œuvre.
Son œuvre est aujourd’hui considérée comme l’une des plus importantes actuellement.
Patrick Chamoiseau (1953)
Patrick Chamoiseau est connu pour son intérêt à la culture créole. Il publie son premier roman en 1986. Il obtient la consécration en 1992 en gagnant le prix Goncourt pour son roman Texaco, une œuvre vaste présentant la vie de Martiniquais sur trois générations.
Il participe également à l’écriture de nombreux films dont Biguine (2004), L’Affaire Aliker (2007), Nord-Plage (2004) ou encore Le Passage du Milieu.
Son œuvre dépeint les traits de la culture populaire martiniquaise, celle des petites gens et de leurs combats. Chronique des Sept misères déplore la disparition d’une créativité qui alimentait l’identité créole. Il dénonce avec ce roman l’acculturation du peuple martiniquais, largement dû à la départementalisation.
Texaco explore l’histoire moderne de la Martinique. Ce roman revisite, d’une manière originale et rafraîchissante, l’épopée du petit peuple martiniquais à travers le récit du combat des habitants d’un bidonville des hauteurs de Fort-de-France et du combat pour la sauvegarde de certains modes de vie authentiquement créoles.
Dans une trilogie récemment achevée, il évoque son enfance : Antan d’enfance (1990), Chemin d’école (1994) et À bout d’enfance (2005).
Olivier Cadiot (1956)
En 1988, Olivier Cadiot publie un premier livre de poésie L’Art poétic’.
Il écrit pour Pascal Dusapin une série de pièces courtes puis le texte de l’opéra Roméo & Juliette.
En 1993, il publie le premier tome d’une série à la limite du roman Futur, ancien, fugitif, suivi du Colonel des Zouaves en 1993, de Retour définitif et durable de l’être aimé et de Fairy queen en 2002.
Pour le théâtre, il écrit pour Ludovic Lagarde une première pièce en 1993 Sœurs et frères, ce seront ensuite ses livres que le metteur en scène adaptera.
Patrick Besson (1956)
Patrick Besson est né d’un père russe et d’une mère croate.
Il publie en 1974, à l’âge de 17 ans, son premier roman, Les Petits matins d’amour. Il obtient le Grand prix du roman de l’Académie française en 1985 pour Dara et le Prix Renaudot en 1995 pour Les Braban.
Durant les guerres de Yougoslavie, Patrick Besson a soutenu la Serbie, en publiant notamment le livre Contre les calomniateurs de la Serbie, ce qui lui a valu des polémiques avec d’autres intellectuels comme Michel Polac, Romain Goupil et Didier Daeninckx. Attaqué par ce dernier, il lui a consacré un pamphlet en forme de roman, intitulé Didier dénonce.
Christine Angot (1959)
Tout au long de son œuvre littéraire, Christine Angot n’a cessé d’évoquer la relation incestueuse réelle ou supposée qu’elle a eue avec son père.
On classe souvent les textes d’Angot dans la catégorie « autofiction » ou « nombriliste ». Néanmoins, l’auteur réfute cette étiquette. Son projet littéraire se caractérise surtout par la présence d’un métadiscours sur la réception de sa parole sur l’inceste. Angot s’efforce de sonder le rapport de la société à l’interdit fondamental de l’inceste. Elle décrit notamment sa parole littéraire comme performative, comme quelque chose qui « agit ».
Cet auteur est une figure majeure de la littérature française depuis la rentrée littéraire 1999 où la sortie de son livre le plus connu, L’Inceste, a été fortement médiatisée. Certains considèrent ainsi Angot comme un coup médiatique et un auteur sans envergure. D’autres l’apprécient, notamment en raison de son style, incisif, et de la pertinence qu’ils trouvent aux enjeux qu’elle soulève à travers son entreprise littéraire.
Jonathan Littell (1967)
Jonathan Littell, est un écrivain franco-américain. Son roman Les Bienveillantes, écrit entièrement en français et signé à l’âge de 39 ans, lui vaut le prix Goncourt 2006 et le Grand prix du roman de l’Académie française 2006.
C’est aussi grâce à ce roman qu’il obtient le 8 mars 2007 la nationalité française pour « contribution au rayonnement de la France » après deux tentatives infructueuses en 2006.
Il est né d’une famille d’origine juive émigrée de Pologne aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Même si sa famille n’a pas vécu de façon directe le sort réservé aux juifs en Europe, Jonathan Littell a grandi avec cette histoire, qui sera le thème central de sa première œuvre. Les Bienveillantes est une vaste fresque portant sur la Seconde Guerre mondiale et le front de l’Est, à travers les mémoires imaginaires d’un officier SS cultivé du nom de Maximilien Aue. Ce livre va recevoir le prix Goncourt 2006, sera un évènement littéraire et fera beaucoup de polémiques.
Marie Darrieussecq (1969)
Marie Darrieussecq, ancienne élève de l’École normale supérieure, elle est agrégée de lettres modernes et docteur ès lettres.
Ses sujets de prédilection sont : l’angoisse, les fantômes, le corps, les non-dits, les clichés, le langage, le rapport à l’espace.
Truismes (1996) est son roman qui a connu un grand succès. Il a été traduit dans plus de quarante pays.
Le roman se noue autour d’un thème principal, la transformation progressive de la narratrice en truie. Dans une veine semi-fantastique, une critique latente de la politique et du statut de la femme dans la société émerge du récit.
Éric Chevillard (1964)
Il fut tout d’abord remarqué pour son appartenance à un groupe d’écrivains publiés par les éditions de Minuit à partir des années 1980, parmi lesquels on peut citer Jean Échenoz, Jean-Philippe Toussaint ou François Bon, mais qui sont, en fait, plus remarquables par leurs différences que par leurs – rares – points communs.
Dès le premier roman de Chevillard, Mourir m’enrhume, la critique salua son humour décapant et son jeu avec les conventions narratives, qui le placent dans la lignée du nonsense britannique et du grand maître de l’antiroman, Laurence Sterne. D’un ton souvent incongru, faussement désinvolte, le style de Chevillard se plaît à détourner les conventions linguistiques et à faire jaillir, de situations apparemment anodines ou anecdotiques, les événements les plus absurdes afin de mettre en question les fausses évidences sur lesquelles repose notre rapport au monde et aux choses.
Dans la mesure où elle remet en question les codes de la représentation, son œuvre, riche en audaces narratives, a été parfois classée dans le courant post-moderne.
En marge de son travail romanesque, Éric Chevillard a aussi publié deux volumes de textes brefs ainsi qu’un essai poétique.