Arts et culture
Cinéma
C’est en France que le Septième Art est né et, ce qui est peut-être encore plus important, où il est devenu l’Art grâce à Georges Méliès qui a découvert dans le cinéma un monde imaginaire inépuisable. C’est la France aussi qui a déclenché la Nouvelle Vague ayant rasé le vieux cinéma trop lourd et stagné. Mais qu’est-ce que le cinéma français moderne ?
Après les années 80 d’expériences mettant en
lumière les faiblesses mais en même temps le potentiel du cinéma français, les années 90 ont été le théâtre où le cinéma s’est débattu dans ses contradictions essayant de concilier tradition et modernité. De souffrances en renaissances, auréolé du charme, discret et jubilatoire, d’être toujours aussi vivace et toujours aussi particulier. Le cinéma français ne se porte pas si mal que ça, et il dénote au contraire d’une grande vivacité en ce nouveau siècle, même si ce stéréotype reste très ancré dans les mentalités. Et pourtant, Besson, Beinex, Tavernier, Blier, Carax, Annaud et bien d’autres encore ont passé le relais à une nouvelle génération de réalisateurs qui font preuve dans leurs œuvres d’une grande diversité. Il n’y a pas à l’heure actuelle en France de grands courants cinématographiques révolutionnaires tels qu’il y en a eu dans le passé. Il y a des familles de genres, qui se retrouvent et forment ensemble une production assez variée et novatrice. Reste une forte identité culturelle, un style qui ne ressemble à aucun autre. La France a plus que nul autre pays une véritable tradition d’auteurs et de scénaristes dans le cinéma. Cette spécificité, inimitable, donne naissance à des films intimistes, voire pour certains élitistes, où l’écrit prime sur l’image et le contenu sur la forme. Films aux univers fragiles et délicats (Comment je me suis disputé, ma vie sexuelle, Depleschin), de polars sombres (Sur mes lèvres, Audiard) ou introspections douloureuses (N’oublie pas que tu vas mourir, Beauvois).
On dissèque, on observe, on expérimente des situations et des âmes emprisonnées sur du 35 mm. C’est un cinéma proche de son public et de ses préoccupations. Reflet de la société et de ses évolutions, il met en relief ses paradoxes et ses abîmes. Ce genre cinématographique est celui le plus critiqué par les Français et que les étrangers leur envient. Mais il est certain que ce cinéma qui parle des 35 heures (Ressources humaines, Cantet), de couples déchirés (En avoir ou pas, Masson) ou de héros dont les vies ressemblent trop au quotidien de tout un chacun (L’Humanité, Bruno Dumont), ne fait pas rêver les ménagères qu’elles aient vingt ou cinquante ans. Néanmoins, ce dernier donne à réfléchir, et quelques films sont annuellement plébiscités à l’unanimité par le public français. Sans parler d’élitisme, les Français préfèrent dans l’ensemble pour le même prix aller voir un film qui va leur en « mettre plein la vue » et les oreilles.
Puis, il y la comédie, qui refleurie dans les salles obscures pour habiller la vie d’un brin de légèreté. En France, on en réalise de plus en plus chaque année. Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce qu’elles offrent une dose de bonheur qui contrebalance te journal de vingt heures et les statistiques du chômage. Le succès du Dîner de cons, des Visiteurs, de La Vérité si je mens 1 et 2, prouve que cette veine fait plus que jamais salles combles. Une autre grande spécialité française est celle des fresques historiques, malheureusement plus ou moins réussies.
En parallèle, on trouve des gens qui, sans être en marge ou en rupture avec le cinéma intello à la française, font bouger les choses en amenant une nouvelle façon de faire du cinéma. Ils ont le mérite d’apporter du sang neuf et une énergie qui n’a d’égale que leur ambitieux talent. Venus souvent de la pub et du clip, ils aiment les effets, le grand spectacle et les émotions fortes. C’est le cas de Mathieu Kassovitz, enfant prodige du cinéma français, à qui il manque encore un peu de maturité et de modestie mais qui a prouvé avec La Haine ou Les Rivières pourpres un sens inné de la mise en scène et un goût prononcé pour le spectaculaire. Citons aussi Le Pacte des loups, gros budget, truffé d’effets spéciaux et d’effets tout court, film grand-public qui n’en reste pas moins l’œuvre d’un cinéphile, passionné de cinéma asiatique ; et encore Doberman de Jan Kounen, qui admire Melville et Woo et ça se voit !
À des « monstres » que sont Jeunet et Caro ou Jeunet sans Caro, on doit notamment Delicatessen, La Cité des enfants perdus, et plus récemment Alien 4, la résurrection et le désormais cultissime, Fabuleux destin d’Amélie Poulain. On peut bien évidemment citer des gens comme François Ozon qui depuis son premier film, Sitcom, traîne derrière lui un doucereux parfum de scandale et de provocation mais qui maîtrise indéniablement bien son sujet. Un Laurent Bouhnik, qui du monde de l’écrit est passé à celui de l’image propose en 1999 une expérience intéressante, initiée avec 1999, Madeleine : il entend en dix ans réaliser dix films. Ou l’acteur Jean-Marc Barr, qui a répondu présent à l’appel ouvert du dogme de Vinterberg et Von Trier, en signant une trilogie qui s’est achevée cette année avec Being Light.
Mais peut-on réellement parler du cinéma d’aujourd’hui sans souligner la place que les femmes y occupent désormais ? Elles sont, en quelques décennies, passées d’égéries à réalisatrices. Il est important de souligner que la plupart d’entre elles, ne revendiquent pas un cinéma féminin en tant que tel. Elles font du cinéma et c’est tout ; au final c’est un cinéma de femmes par nature mais qui ne revendiquent aucun distinguo.
On va présenter une nouvelle génération de réalisateurs, sans parler cette fois des acteurs puisqu’on est toujours limités par notre format. Bien qu’aujourd’hui les réalisateurs prennent non seulement la mission de tourner un film mais aussi de montrer leurs capacités en tant qu’acteurs, producteurs et même directeurs de photographie.
Arnaud Desplechin (1960)
Arnaud Desplechin est un réalisateur et scénariste français.
Son premier succès lui est venu en 1990, avec son film La Vie des morts. Le film réunit plusieurs acteurs appelés à devenir des habitués des films de Desplechin, parmi lesquels Emmanuelle Devos, Emmanuel Salinger et Thibault de Montalembert. Le film montre la réunion d’une famille dans une maison de province, après la tentative de suicide de l’un des cousins. La même année, il réalise La Sentinelle, le premier long métrage de Desplechin. Le film traite des fantômes d’une guerre passée, ici la Guerre Froide et les conflits européens. Le film est acclamé par la critique et est sélectionné dans de nombreux festivals.
Fin 1994, Desplechin démarre le tournage de son deuxième long métrage, Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle).
En 2003, Desplechin prépare un diptyque autour de l’adaptation de Dans la compagnie des hommes d’Edward Bond avec Nicolas Saada. Parallèlement, Desplechin réalise ce qui devient son opus suivant, alors titré Rois sans arroi, reines sans arène. Le film raconte les parcours croisés de deux anciens amants, avec d’un côté Ismaël, un musicien névrotique joué par Mathieu Amalric, dont les scènes sont de l’ordre du burlesque, et de l’autre côté, dans une veine tragique, Nora, interprétée par Emmanuelle Devos, qui passe le film au chevet de son père mourant, repensant au père de son enfant, mort suicidé devant ses yeux des années plus tôt. Le film est acclamé par la critique et connaît un gros succès public.
Laetitia Masson (1966)
Laetitia Masson à ses 7 ans est bouleversée par un film de Godard.
En 1996, Laetitia Masson tourne En avoir (ou pas), chronique qui décrit avec finesse et réalisme les rêves et les désillusions d’une jeune fille à la recherche d’un emploi... et de l’amour. Mais dès son deuxième essai, la cinéaste s’éloigne du naturalisme : récit déconstruit, À vendre, revisite le film noir à travers la traque d’une femme à la dérive par un détective privé.
Avec son troisième film, Laetitia Masson clôt une trilogie. Après « le travail » dans le premier volet, et « l’argent » dans le deuxième, Love me est centré sur « l’amour ». Le film suivant de la cinéaste, La Repentie, bâti autour d’une autre idole, Isabelle Adjani, déconcerte les spectateurs. Après ces deux échecs commerciaux, un producteur lui propose de porter à l’écran un best-seller de son amie Christine Angot : Pourquoi (pas) le Brésil ? est le récit de ce tournage inabouti. On retrouve les obsessions de Masson (l’identité, la trahison) dans cette « anti-adaptation littéraire », qui est aussi l’émouvant autoportrait d’une réalisatrice en crise.
Agnès Jaoui (1964)
Actrice déjà remarquée, en 1983, elle rencontre son futur compagnon et collaborateur de travail Jean-Pierre Bacri.
Ils écrivent une première pièce ensemble intitulée Cuisine et dépendances dont le succès au théâtre, puis au cinéma, les encourage dans cette voie d’humour grinçant et désabusé. Le grand public les découvre vraiment en 1996 avec l’adaptation par Cédric Klapisch de leur deuxième pièce, Un air de famille. On parle alors du style Bacri-Jaoui et le film est récompensé du César du Meilleur scénario. Après avoir signé en 1993 le script de Smoking / No smoking, le couple est à nouveau sollicité par Alain Resnais en 1997 pour écrire, mais aussi interpréter, sa comédie chorale On connaît la chanson. Tout en continuant à jouer seule dans quelques films Agnès Jaoui est tête d’affiche pour la première fois dans Une femme d’extérieur (1999, Christophe Blanc).
L’année 2000 marque son passage avec succès à la réalisation pour Le Goût des autres, toujours écrit avec Jean-Pierre Bacri. Deux ans après, elle aborde le film en costumes en tenant le premier rôle des 24 heures de la vie d’une femme de Laurent Bouhnik. En 2003, elle se met à nouveau en scène dans la comédie Comme une image présentée au Festival de Cannes 2004. Elle y obtient, avec son co-scénariste Jean-Pierre Bacri, le prix du meilleur scénario.
Mathieu Kassovitz (1967)
Fils de réalisateur, Mathieu Kassovitz lui-même compte de nombreux succès cinématographiques. Après avoir été remarqué pour Métisse en 1993, il crée l’événement avec La Haine, qu’il écrit et réalise, un succès à la fois français et international qui remporte trois Césars et le prix de la mise en scène au festival de Cannes 1995.
Il réalise ensuite Les Rivières pourpres, un thriller policier avec Jean Reno et Vincent Cassel, qui est aussi un grand succès commercial, puis Gothika, un thriller fantastique, avec Halle Berry et Penélope Cruz. Ces deux films témoignent d’une ambition artistique proche de l’esthétisme du cinéma américain, mais ils n’en demeurent pas moins démonstratifs.
Il a aussi pris part à de nombreux projets cinématographiques en tant qu’acteur (Au bout du bout du banc, La Cité des enfants perdus, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain...)
Jan Kounen (1964)
Jan Kounen commence sa carrière au cinéma en tant qu’assistant opérateur et réalisateur de vidéoclips et documentaires. Au début des années 90, Jan Kounen travaille beaucoup pour la publicité et signe deux courts métrages très remarqués, Vibroboy et Le Dernier chaperon rouge, ce dernier le voyant travailler avec Emmanuelle Béart. En 1996, il signe son premier long-métrage, l’excentrique et violent Dobermann, porté par Vincent Cassel.
Après le très controversé Dobermann, Jan Kounen part au Mexique et au Pérou, s’immerge dans la culture chamane et revient en 2004 avec le western Blueberry, adaptation de la célèbre bande-dessinée de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud dont il donne le rôle-titre à son complice Vincent Cassel. La même année, il poursuit son étude du chamanisme avec le documentaire D’autres mondes.
Jean-Pierre Jeunet (1953)
Ses films mêlent le fantastique à la réalité dans diverses proportions, soit en créant des univers fantastiques à partir d’éléments quotidiens, notamment urbains (Delicatessen, La Cité des enfants perdus), soit en faisant ressortir les éléments du hasard dans le quotidien (Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain). Ses films comportent toujours une part d’humour enfantin, même lorsqu’il traite de l’horreur.
Dans sa jeunesse, Jeunet rencontre Marc Caro à l’occasion du Festival d’Animation d’Annecy : c’est le début d’une longue et efficace collaboration.
À mi-chemin entre réalité et fiction, Delicatessen (1991), le premier long-métrage du duo Caro&Jeunet, est un petit succès, aussi bien critique que public.
Après leur deuxième long, La Cité des Enfants Perdus (1995), fable sombre et poétique, Jean-Pierre Jeunet est engagé par la 20th Century Fox pour réaliser le quatrième opus de la saga Alien : Alien 4, la résurrection (1997). Marc Caro, bien qu’auteur de plusieurs planches de dessins servant au casting et aux costumes du film, préfèrera rester en dehors du projet.
Jean-Pierre Jeunet commence le nouveau millénaire avec un long métrage devenu référence : Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001).
Le succès international du film lui permet de concevoir le projet d’Un Long dimanche de Fiançailles (de Sébastien Japrisot). Jeunet et son équipe ont tourné cette grosse production sur le territoire français, avec des moyens et un casting quasiment jamais vus jusqu’ici.
François Ozon (1967)
Son premier long métrage Sitcom, un jeu de massacre insolent et cruel, fut présenté au Festival de Cannes 1998, en sélection officielle de la Semaine internationale de la critique. Prolifique (il tourne un film par an), Ozon impose rapidement un univers très personnel, flirtant avec le fantastique (Les Amants criminels, 1999), et ne craignant pas la théâtralité (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, adaptation d’une pièce de Fassbinder avec Bernard Giraudeau et Ludivine Sagnier, alors inconnue). L’audacieux Ozon fait l’unanimité, auprès de la critique et du public, avec Sous le sable en 2001. Portrait d’une femme désemparée après la disparition de son mari, le film, qui marque le come-back éclatant de Charlotte Rampling, témoigne d’une science du casting qui ne se démentira pas.
Fort de ce succès, Ozon réunit le gratin du cinéma français (Deneuve, Huppert, Ardant, Béart) dans 8 femmes, kitsch et glamour, qui triomphe au box-office. On retrouve son goût pour la manipulation et la stylisation dans Swimming pool, thriller présenté à Cannes en 2003, comme dans 5x2, récit, à rebours, de la désagrégation d’un couple, rythmé par des chansons italiennes. Celui qui a longtemps misé sur l’artifice ose le dépouillement avec son huitième opus, Le Temps qui reste, nouvelle réflexion sur le deuil, centrée sur un personnage masculin. Soucieux de construire une œuvre et craignant de se répéter d’un film à l’autre, il se lance ensuite dans un mélo en costumes en anglais, Angel, présenté en clôture de la Berlinale en 2007.
Nicole Garcia (1946)
D’abord connue surtout comme actrice (Des Garçons et des filles et Le Gendarme se marie), Nicole Garcia entame ensuite une carrière de réalisatrice. Elle signe plusieurs longs-métrages qui témoignent de son sens du romanesque. Elle y décrit la trajectoire sinueuse, entre échappée belle et descente aux enfers, de personnages en crise, offrant ainsi des rôles en or à de grands comédiens : Nathalie Baye en mère divorcée dans Un week-end sur deux, Gérard Lanvin en Fils préféré, Deneuve en courtière alcoolique dans Place Vendôme et Auteuil en mythomane dans L’Adversaire. Si elle ne joue pas dans ses propres films, Nicole Garcia n’en continue pas moins de faire l’actrice, pour d’autres réalisateurs, comme Sam Karmann ou Claude Miller.
Tonie Marshall (1951)
Tonie Marshall commence sa carrière comme comédienne dans de nombreux seconds rôles de comédie.
C’est en 1990 qu’elle passe à la réalisation avec Pentimento. Elle écrit elle-même les scénarios de ses films, chroniques douces-amères de personnages paumés ou écorchés vifs dans Pas très catholique ou Enfants de salaud.
Elle connaît un grand succès en 1999 grâce à Vénus beauté (institut), qui se déroule dans institut de beauté et qui remporte les Césars du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario et du meilleur espoir féminin pour Audrey Tautou.
Elle ne revient qu’en 2002 avec Au plus près du paradis, une comédie sentimentale qui réunit Catherine Deneuve et William Hurt et tourne ensuite une comédie conjugale sur le téléachat, France boutique, avec Karin Viard et François Cluzet, qui sort en 2003.