Univers du français
Gréta TCHESNOVITSKAYA
Mireille Cheval : « L’enseignement des langues est le “sésame” de l’ouverture au monde »
L’année 2007 décline, comment était-elle pour Mireille Cheval, attachée de coopération éducative de l’ambassade de France ? Elle en fait part aux lecteurs de La Langue française.
– Cette année pour moi était très intéressante, passionnante, comme les précédentes d’ailleurs... Outre les actions désormais traditionnelles de formation continue qui ont rassemblé environ 600 professeurs de français en 2007, je suis assez contente de la réunion qui s’est tenue à Saratov les 11 et 12 octobre derniers et qui avait pour objectif de rassembler des responsables des ministères et des comités d’éducation de la Fédération de Russie. Cette rencontre, qui avait reçu l’aval de l’Agence fédérale de l’Éducation et du ministère de l’Éducation et de la science, et s’intitulait « Soutien au plurilinguisme en Russie », a été conduite en coopération avec le British Council et Goethe Institut. Nous voulions démontrer ainsi que les actions de l’ambassade de France en faveur du français s’inscrivent dans la promotion du plurilinguisme.
À cette fin, nous avions invité un représentant du Conseil de l’Europe (Division des Politiques linguistiques), Mme Philia Thalgott, et un inspecteur général de l’Éducation nationale (ministère français de l’Éducation nationale), M. Francis Goullier, impliqué dans les travaux du Conseil de l’Europe et dans la mise en њuvre du Plan de rénovation de l’enseignement des langues vivantes en France. Tous deux ont donné le ton de la réunion de Saratov en axant leurs propos sur la nécessité d’une éducation plurilingue. Une quarantaine de personnes, représentant une vingtaine de régions de la Fédération de Russie, avaient répondu à l’invitation transmise par l’Agence fédérale, parmi lesquels de nombreux universitaires, professeurs d’allemand, d’anglais et de français.
Par leur présence, M. Nikolaï Dmitriev et M. Valeri Tchinkov, ont manifesté l’intérêt que porte l’Agence fédérale de l’Éducation à l’enseignement des langues vivantes en Russie.
Tous les participants à la réunion se sont dit préoccupés par la situation. Il s’agit bien sûr de la perte de vitesse du français et de l’allemand, mais à travers la désaffection de l’enseignement et de l’apprentissage de ces deux langues, c’est le dommage subi à la diversité linguistique et culturelle qui est en cause.
La bataille des professeurs de langues vivantes pour la survie de leur métier, c’est la bataille contre l’uniformisation linguistique et culturelle, contre le « tout-anglais ». Mais comme le démontrait cette rencontre, il ne s’agit pas de lutter contre la présence de l’anglais qui est l’objet d’une forte demande sociale, mais de le faire cohabiter avec d’autres langues étrangères dans le système éducatif.
Comme tous les enseignants présents à cette réunion, je suis convaincue que l’avenir des jeunes de la Russie passe par l’ouverture au monde et que la pratique des langues étrangères en est le « sésame ». Pour reprendre les termes cités par M. Goullier, il est important de faire comprendre aux jeunes et à leurs familles « qu’il n’y a pas actuellement d’avenir professionnel ni personnel sans la maîtrise d’au moins deux langues étrangères ».
La Russie présente à cet égard un terreau favorable. Vu le nombre de langues présentes sur le territoire, de nombreux citoyens de ce pays vivent de fait une situation de plurilinguisme, l’acquisition d’une ou deux langues étrangères supplémentaires ne présente donc aucune difficulté majeure.
Ainsi, pour mieux sensibiliser le ministère de l’Éducation et de la Science à la nécessité d’adopter une démarche volontariste en faveur de l’enseignement des langues étrangères, les participants de la réunion de Saratov se sont entendus pour rédiger un appel à l’attention du ministère, la version définitive de ce document sera publiée dans le prochain numéro de La Langue française.
Pour prouver aux autorités que les préoccupations des enseignants réunis à Saratov, valent pour toute la Fédération de Russie, le Service éducatif prévoit une réunion similaire au printemps 2008 destinée à recueillir le témoignage des enseignants et responsables éducatifs de la partie orientale du pays.
Pour ce qui est de notre travail « ordinaire », nous avons continué cette année à travailler sur la consolidation des réseaux que nous avons mis en place et qui sont désormais au nombre de cinq :
Tout d’abord, le réseau des Alliances françaises. Partenaires « naturels » de l’ambassade, ces associations de droit russe ont pour mission de diffuser et promouvoir la langue et la culture dans les régions. Je profite de l’occasion pour annoncer aux lecteurs de La Langue française , qu’elles sont maintenant onze, avec Vladivostok, qui vient d’être enregistrée et devrait démarrer très bientôt, ses activités.
Le réseau des universités partenaires qui compte actuellement 88 universités réparties sur tout le territoire de la Russie. Ce réseau est destinataire d’une Lettre de réseau, lettre informatique qui paraît 10 fois par an. Une nouveauté consiste dans l’ouverture d’un centre de passation des examens DELF et DALF dans une quinzaine de ces universités partenaires. Cette nouvelle disposition devrait faciliter l’accès à ces examens pour toutes les personnes intéressées dans les régions russes.
Le réseau des écoles dites à l’enseignement approfondi en français. Plusieurs événements organisés par l’ambassade ont déjà rassemblé les enseignants et directeurs de ces établissements (Moscou en 2005, Petrozavodsk en 2006, Saint Pétersbourg au printemps 2007), et j’espère que quelques-uns d’entre eux ouvriront bientôt de nouvelles filières bilingues franco-russes, à l’instar de ce qui existe déjà au sein de l’école n° 171 à Saint- Pétersbourg ou du Lycée Nikitine, à Voronej.
Parallèlement, il y a un beau projet qui concerne l’enseignement du russe en France. Il s’agit de la création de sections internationales de russe en France. Tous ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’accord sur la langue du pays partenaire signé par nos Ministres de l’Éducation en décembre 2004 et dont l’objectif est de mieux promouvoir le russe en France et le français en Russie.
Le quatrième réseau c’est le réseau des Associations des professeurs de français en Russie. J’espère toujours voir naître en Russie plusieurs nouvelles associations qui couvriront les différentes régions. Elles donneront ainsi plus de visibilité à l’action entreprise pour le français et pourront bénéficier de notre soutien, à partir du moment où elles seront inscrites dans la légalité russe. Elles auront aussi toute leur place au sein de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) où la Russie est encore insuffisamment représentée.
Et enfin, le dernier-né, le réseau des formateurs des formateurs. Nous sommes en train de le construire en nous appuyant sur les enseignants qui ont régulièrement fréquenté nos sessions de formation – en Russie et en France. À cet effet, nous avons organisé un séminaire à Yaroslavl en mars 2007 avec une trentaine de participants. Un autre aura lieu en 2008, à Kémérovo.
Ces réseaux sont nos points d’appui dans les régions russes. C’est grâce à l’aide de tous ces partenaires que nous organisons séminaires, colloques et rencontres.
J’espère que toutes ces idées brassées lors de ces rencontres font avancer la réflexion et que nous trouverons ensemble les moyens de maintenir, voire développer la position du français en Russie. Je sais en tout cas combien tous les enseignants de ce pays, passionnés de la langue française, sont dévoués à cette cause et je voudrais les assurer que nous continuerons à mettre tout en њuvre pour les soutenir et les encourager.