Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №1/2008

Arts et culture

Dix mots pour dire Daho

Emblème d’une pop française moderne et spontanée, Étienne Daho surprend une fois encore avec son neuvième album, L’Invitation. Dix mots pour raconter cet homme secret, pudique, romantique.

1. Juke-box

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Mes grands-parents en possédaient un dans leur épicerie à Cap Falcon, en Algérie, où je passais mes vacances. J’arrivais juste à la hauteur de cette boîte magique dont le mécanisme me fascinait : je voyais le bras se poser sur les disques des Beach Boys et de toutes ces musiques qui me plaisent toujours énormément. C’est mon premier amour, voilà ! à Cap Falcon – qui donne son nom à l’une de mes dernières chansons – j’évoluais, entouré de l’affection des miens, dans un cocon joyeux, ensoleillé, c’était la liberté avant le cauchemar, avant la guerre... Je n’ai pas de juke-box chez moi, je ne suis pas du tout attaché aux objets, mais j’ai reproduit le même système d’écoute en fabriquant des listes sur mon ordinateur.

2. Idéal

Parce que je suis un idéaliste, toujours à la recherche de la perfection, je cours sans jamais m’arrêter. Moi qui trempe toujours ma plume dans mon vécu, il m’arrive de sortir de mon monde pour regarder au-dehors. L’un de mes anciens morceaux, Idéal (1998), évoquait la notion de mélange, une façon d’être ensemble justement idéale, qui ne se fonderait pas sur les signes extérieurs. Ouverture (2000) était aussi un titre tourné vers les autres que beaucoup de jeunes gens choisissent comme thème de cérémonie de mariage. Ça me plaît énormément : la fonction d’une chanson est d’être kidnappée par le plus grand nombre, de s’échapper dans les rues.

3. Olympia

Oh là là ! C’est mon tout premier concert parisien. Ma famille avait peur que l’Olympia soit vide. Elle avait donc loué un rang entier. Du coup, c’était la seule rangée d’adultes. Je démarrais, et la salle était bondée. J’étais submergé par l’émotion. C’est à cette époque que je me suis vraiment rendu compte que chanter était ma passion. Et elle a grandi d’une façon exponentielle. Depuis, toutes mes tournées passent par l’Olympia...

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Boulevard des Capucines [l’adresse de l’Olympia], un titre qui figure sur L’Invitation, parle de mon père. Un soir, en 1986, date de ma consécration, on m’a annoncé sa présence parmi les spectateurs. Je l’avais peu connu, je ne savais pas comment gérer la situation et j’ai eu une réaction de rejet – parfois, je peux être brutal, pour me protéger. J’ai demandé qu’il ne soit pas admis dans les loges et je ne l’ai jamais revu jusqu’à sa mort. Le fait de ne pas avoir répondu à sa main tendue m’a tourmenté longtemps. L’an passé, on m’a remis un paquet de lettres qu’il m’avait adressées et l’une parlait de ce fameux soir. Alors j’ai écrit un texte de son point de vue à lui, sans retouches, ou presque. C’est une chanson de pardon, d’apaisement, qui a provoqué des changements radicaux dans ma vie.

4. Amour

C’est ma quête, mon inspiration, la seule chose qui me fasse vibrer, avec la musique. On choisit tous un opium pour oublier que la vie est à la fois absurde et pas si absurde que ça... Je suis très sexuel, très léger et très romantique aussi. Le sentiment partagé se doit d’être intense, pur, sans tache. Je suis assez intraitable, de ce côté-là, je pardonne mal l’erreur, le manque de droiture. Les gens pensent ne pas connaître grand-chose de moi, et pourtant je me livre tellement dans mes textes ! J’ai l’impression d’être bien moins secret que mes collègues. Chacun de mes albums forme un chapitre de mon livre intime. Et L’Invitation est celui de l’amour fou, intense, extrême, pas du tout tiède, roucoulade, fleur bleue.

5. Superhéros d’enfance

Zorro, Thierry la Fronde, Batman, Rocambole... Tous les justiciers qui luttent pour le bien m’ont structuré, petit.

6. Néologismes

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J’aime la langue française, mais, si elle m’impose ses limites, je la contourne. Souvent, je mène un véritable corps-à-corps avec un texte jusqu’à ce qu’il rende les armes. La solution vient parfois au sortir d’un rêve. J’aime avoir le dernier mot, quitte à l’inventer, comme « désadorer », « réévolution », « résérection », « climaxer ».

7. Solitude

Chanteur est un métier où l’on donne beaucoup, et j’ai besoin de récupérer dans la solitude. Ensuite, je célèbre la vie, je fais des fêtes très fortes. Ma personnalité est assez complexe : d’un côté, je suis quelqu’un de solitaire, animé par le sens du devoir, rigoureux, jusqu’au-boutiste ; de l’autre, un fêtard, un jouisseur, un épicurien.

8. Cow-boy

Il y a beaucoup d’analogies entre les textes de country et les miens. J’ai toujours adoré Hank Williams, Ricky Nelson, les mélodies, les vibrations de la country, la belle mélancolie qui s’en dégage, ce sentiment triste motivé par l’absence de l’être aimé.

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9. Vedra

Chaque fois que je suis à Ibiza, je visite Vedra, cette cathédrale dans l’eau. J’y ai la sensation d’être relié à quelque chose de spirituel. Pourtant, je n’ai aucun objet de culte... Ce rocher a connu l’apparition de la Vierge. Il court mille histoires à son sujet...

10. Pop

Un livre a été écrit sur moi et, au cours des entretiens, l’auteur m’a fait remarquer que j’étais au centre d’une espèce de toile pop aux ramifications très diverses. C’est extrêmement étrange. Moi, je ne regarde pas derrière moi, je ne suis pas un cérébral; j’agis. Avec le recul, mon parcours fait peut-être sens, mais ce n’était pas si évident : je suis au point d’équilibre entre la chanson populaire et une culture plus obscure. La seule chose qui me préoccupe est d’être dans un état permanent d’intensité. Toujours sur les braises.

(d’après Gilles MEDIONI, L’Express, novembre 2007)

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