Arts et culture
« Et la guerre arriva… »
Les années 1930. Les progrès techniques de la radio propagent les succès au-delà des frontières. Les gramophones et phonographes installent la musique dans les maisons. Les chansons de Charles Trenet accompagnent la joyeuse et toute fraîche victoire du front populaire.
À Bruxelles des années 1930, le mouvement surréaliste s’illustre tout autant qu’à Paris. Mais c’est Paris, cette ville enchantée, avec Jean Cocteau, Picasso, Apollinaire, Eric Satie, Tzara, Blaise Cendrars, Max Jacob, qui donne le ton des grands chambardements. Peinture, roman, musique, poésie et chanson ne seront jamais plus comme avant. Les oreilles sensibles du petit Jacques Brel garderont un souvenir intense des chansons de cette époque et c’est sûrement Charles Trenet qui lui inspire ses premiers airs.
Jusque-là personne ne semble se soucier de voir poindre les conditions d’explosion d’un prochain conflit. L’Europe occidentale allait d’ailleurs en subir bientôt les conséquences. En Allemagne, le parti nazi obtient 92,1 % des voix aux élections législatives de 1933. La vie culturelle est confiée à Joseph Goebbels, ministre de la propagande. Influencés par les pacifistes, les Belges manifestent, en 1935, contre la réarmement, Hitler peut se frotter les mains.
En France, tandis que Léon Blum devient président du conseil, en mai 1936 après la victoire du Front Populaire aux élections du mois d’avril, les grèves paralysent le pays.
En juillet, la guerre civile éclate en Espagne et le 1er août 1936 Hitler inaugure sous les ovations, les Jeux olympiques de Berlin.
En 1937, les Français découvrent les congés payés et la semaine de quarante heures, l’Exposition Internationale à Paris et la démission de Léon Blum…
En février 1938, Hitler devient chef suprême des armées de Reich et envahit l’Autriche. Il entre dans Vienne le 12 mars, un gouvernement nazi est constitué le jour même, et la réunification des deux pays est proclamée dès le lendemain.
Le 30 septembre 1938, les Anglais et les Français, par Chamberlain et Daladier interposés, signent les accords de Munich qui permettent à Hitler d’annexer tranquillement les Sudètes.
Le 17 mars 1939, les Allemands entrent dans Prague, la Tchécoslovaquie cesse d’exister.
Le pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’Union Soviétique prend tous les pacifistes à contre-pied.
Le 3 septembre 1939, la France et l’Angleterre déclarent la guerre au IIIe Reich et la Belgique décrète la mobilisation générale. Celle-ci concerne 650 mille hommes, un douzième environ de la population du pays. Après quelques mois de « drôle de guerre »1, viennent l’offensive allemande, la défaite et l’occupation. Pour toute une génération, dès lors l’enfance ne sera plus jamais pareille.
En avril 1940, les Allemands entrent en Norvège et au Danemark, et le 10 mai, ils envahissent la Belgique et la Hollande. Tout est joué en quelques mois.
Mon enfance éclata…
Ce fut l’adolescence…
Et la guerre arriva…
(Mon enfance)
Jacques Brel a tout juste 11 ans lorsqu’il voit arriver les troupes allemandes dans Bruxelles.
D’un ciel plus bleu que d’habitude
Ce mai 1940 a salué
Quelques Allemands disciplinés
Qui écrasaient ma belgitude.
(Mai 40)
Les déportations commencent à frapper et la collaboration (pendant que la résistance s’organise) prospère chez les Wallons comme chez les Flamands.
Qu’elle soit gagnée ou perdue, nul ne revient intact de la guerre. De « Nos grands frères devenus vieillards » à « Nos pères devenus brouillard ! » (Mai 40).
1 Définition de l’écrivain français Roland Dorgelès