Univers du français
École primaire : les clés de la réussite
Selon le Haut Conseil de l’éducation, le bilan de l’enseignement primaire en France est catastrophique : chaque année, 40 % d’écoliers terminent leurs études élémentaires avec de graves lacunes qui les empêcheront de poursuivre une scolarité normale au collège. D’aucuns critiquent le manque de moyens ou dissertent sur la qualité des méthodes et des maîtres. Pourtant, les solutions sont connues. « Il faut que la mission des enseignants s’accomplisse au plus près des besoins des élèves et поп selon un cadre fixe, unique et définitif », a rappelé Xavier Darcos, le ministre de l’Éducation nationale. Car, au-delà des débats idéologiques, beaucoup d’enseignants travaillent, s’engagent et innovent. Confrontés à ce qu’ils observaient dans leurs propres classes, de nombreux professeurs et instituteurs ont constitué des groupes de soutien et de réflexion sur l’école primaire. Et aujourd’hui, certains de ces groupes ont formulé des propositions et ont commencé à les expérimenter. Tel est notamment le cas des enseignants affiliés au réseau SLECC (Savoir lire, écrire, compter, calculer), qui ont reçu depuis deux ans un agrément de leur administration les autorisant très officiellement à appliquer des méthodes que l’on n’enseigne pas (ou que l’on déconseille fortement) dans les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres, créés en 1989 pour remplacer les écoles normales).
Ces maîtres ne laissent pas leurs petits élèves « construire seuls leur savoir », ils commencent par leur livrer les codes qui leur permettront de déchiffrer, puis de maîtriser vraiment le sens : l’alphabet et les syllabes pour la lecture et l’écriture ; les tables et les quatre opérations pour le calcul ; la grammaire et les conjugaisons pour les dictées et les rédactions ; l’ordre chronologique pour l’histoire de France ; de belles histoires racontées à voix haute pour enrichir le vocabulaire.
Mais ces pionniers sont encore très seuls, parfois désemparés. Les plus jeunes d’entre eux sont obligés d’en référer constamment à leurs aînés pour « apprendre à apprendre » : car tous manquent de manuels adaptés à la façon dont ils enseignent, et leurs formateurs en IUFM ne leur ont jamais expliqué comment tenir un stylo, ni d’ailleurs quel type de stylo utiliser, pour obtenir que toute une classe d’enfants parvienne à écrire lisiblement.
La première ambition de ces partisans d’un apprentissage progressif, débouchant sur l’autonomie rapide et réelle de leurs élèves, consiste en effet à n’en laisser aucun sur le bas-côté ; tous doivent découvrir l’envie d’apprendre, le bonheur de progresser.
« La syllabique est juste efficace » : telle est la conclusion d’un ouvrage très solidement argumenté, qui permet d’y voir clair dans la querelle des méthodes. Mais le débat n’est pas clos, surtout dans les écoles, où l’immense majorité des instituteurs sont formés depuis 1972 à un apprentissage de la lecture fondé sur « la mémorisation idéo-visuelle d’un stock de mots permettant de comprendre le sens du texte », c’est-à-dire sans décodage préalable des lettres, des syllabes et des sons. Ils continuent de pratiquer des méthodes qui provoquent les dégâts que l’on sait : incapables de déchiffrer n’importe quel mot, surtout s’ils ne le connaissent pas, la plupart des élèves ne font que « deviner » ce qu’ils croient lire, sans enrichir leur vocabulaire et sans acquérir aucune autonomie. Il faudra sans doute encore plusieurs années avant qu’une majorité des maîtres démarrent par l’alphabet, et puissent se procurer facilement des manuels reposant sur cette méthode. Selon les sondages, entre 15 et 40 % d’entre eux seraient cependant déjà conquis par ladite méthode ; et leur proportion pourrait augmenter rapidement, tant les progrès des élèves qui en bénéficient sont visibles. L’efficacité, voilà en effet ce qui compte, quelle que soit la méthode, et voilà ce qui comptera chaque année davantage.
(d’après Le Figaro Magazine)