Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №11/2008

Univers du français

Vitali NOURIEV

Traduire du russe vers le français, c’est autrement

img1

Bien que ce ne soit pas un article scientifique dans le sens, dont on a pris l’habitude depuis déjà très longtemps, il se veut intéressant comme tel, car étant un résultat des réflexions, nées lors des séminaires en traduction du russe vers le français à la Sorbonne, cet article présente ce qui se cache d’habitude des yeux des russophones travaillant en Russie. Cette information n’est pas abondante, parfois très brève, mais elle suffit cependant pour se mettre aux aguets, quand on va appliquer nos principes de traduction du français vers le russe au travail vice versa.

Il va de soi que chaque culture ne se forme pas que de la littérature dite domestique. À force de différentes raisons à côté d’elle il existe la littérature étrangère, d’où vient la nécessité du travail traducteur. Ce travail subit les règles ou les critères qui ne sont pas les mêmes dans des pays différents. La différence est souvent historiquement déterminée, des particularités de l’histoire de la littérature, des crises économiques et politiques, tout cela laisse des traces et devient pertinent, quand on parle de la manière de traduire.

Plusieurs spécialistes disent à ce propos qu’ainsi s’explique le fait qu’en Russie la traduction est traitée depuis presque toujours comme un vrai art, tandis que sa variante occidentale n’est qu’un artisanat.

L’histoire ne manque pas d’exemples plus concrets... Pouchkine, celui qui a formé la norme de la langue russe, qui est plus que prophète pour les Russes, lorsqu’il s’agit de la langue, en tout cas, n’en est pas devenu pour le reste du monde, puisque plusieurs langues, le français en particulier, ne laissent pas faire un système de rithmes équivalent grâce à sa syntaxe tout à fait spéciale, recopiée et appropriée à la française. Cette syntaxe, une fois traduite, devient super plate et sans intérêt. Alors Pouchkine perd toute la beauté et attirance de son style et devient l’un parmi beaucoup d’autres sinon médiocre.

Si l’on prend l’école de traduction française, qui est devenue telle au cours de ces deux-trois décennies et qui est assez jeune, quand même, ce qui saute aux yeux tout de suite, c’est une tentative plus ou moins réussie de codifier le travail traducteur. Ce n’est pas par hasard, bien sûr.

Tout d’abord la langue française ne laisse pas beaucoup de place à ce qu’on appelle la métaphore. Elle possède une compatibilité combinatoire entre les mots très très stricte, qui ne laisse parfois que très peu de choix à celui qui traduit.

Cela est étroitement lié à l’ordre analytique du français, qui gouverne la phrase et fait le traducteur suivre son contour d’intonation pour qu’elle ne sonne pas faux. Puisque l’oreille française est extrêmement fine. Cela va encore plus loin avec la psychologie du lecteur cible. En France, il est beaucoup moins souple qu’en Russie. Donc souvent il n’est pas capable de percevoir les choses, qui sont en russe aussi hors la norme, mais qui sont en même temps les marqueurs du style d’un auteur (le cas du mixage stylistique de Gogol, par exemple). Le traducteur français est obligé à les éliminer. Cela concerne non seulement le lexique, mais beaucoup plus, la syntaxe française, qui est très autoritaire, ne supporte pas de violences. Alors le traducteur cherche toujours une convention quelconque entre un texte russe, souvent presque insolent dans sa liberté constructrice, et une rigidité de la conscience française moyenne.

img2

Cela s’aggrave vraiment quand il s’agit de la ponctuation. Le russe est parfois très abondant en toutes sortes de signes ponctuels, qui ne s’inscrivent pas facilement dans la phrase française, où vous n’allez avoir qu’un point virgule, un deux points et rarement tiret, qui n’est pas proprement français, parce qu’il brouille l’exactitude explicite de la parole. En plus, il y a des moments, où le point d’exclamation révolte littéralement et refuse de passer en français, car le français ici ne va pas être tellement ému, en tout cas, à tel point qu’on puisse y mettre un signe qui convient, celui d’exclamation.

Alors le traducteur français fait ce qu’il peut faire, il suit méticuleusement les règles prescrites du code professionnel. Il produit un bon texte tout à fait français, il s’invente presqu’un langage, qui reste néanmoins au sein de la norme française, mais qui contient cependant quelques marques russes non seulement au niveau du lexique, mais aussi pour cette manière de visualiser la vie à travers des constructions grammaticales. Et pour cela le traducteur cherche dans sa propre langue des choses les plus fines, les plus rusées, dans tous les petits coins de la matière linguistique. C’est comme inventer une troisième langue, qui se situe entre ces deux, qui sont déjà au travail. Tout cela explique le fait que le traducteur français chérit, soigne le texte original, qui demeure le vrai méchanisme régulateur, mais le plus souvent il en résulte, que le texte en devient plus neutre.

Le traducteur russe est plus libre et moins codifié. C’est souvent la réécriture entière du texte. Ici vient en tête les paroles de la traductrice Natalia Mavlevitch, qui tiennent à définir sa manière de travailler : « Traduire, c’est de penser par images. »

C’est pourquoi l’on peut trouver dans les traductions russes beaucoup de choses inventées, nommées additions, mais c’est déjà une autre histoire.

TopList