Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №11/2008

L’arc-en-ciel

Galina RAZOUMIKHINA

Lisons en français !

Pascal Garnier

Le Chômeur

C’est arrivé un lundi soir. On a compris qu’il se passait quelque chose de grave parce qu’en arrivant, papa a sorti un paquet de cigarettes de sa poche et en a allumé une. Il faut dire qu’il avait arrêté de fumer depuis deux ans et avait promis de ne plus jamais recommencer.

img1En fronçant les sourcils, maman l’a regardé s’écrouler dans le fauteuil du salon, passer sa main dans ses cheveux pour faire sa tête de hérisson pas content. Elle nous a fait manger en cinq minutes et nous a expédiés, mon petit frère Bip et moi, dans notre chambre. De l’autre côté du mur, on entendait papa murmurer d’une voix grave. Il у avait un mot qui revenait tout le temps comme un moustique qu’on n’arrive pas à chasser : chômage. Je savais que ça voulait dire : « plus de travail », mais je ne comprenais pas pourquoi cela rendait papa si triste. « Plus de travail » à mon avis, ça a aussi un petit côté « tous les jours, dimanche » et « vacances sans fin » pas du tout désagréable.

Les jours suivants, j’ai mieux compris. Pour maman, Bip et moi, rien n’avait changé. Chaque matin, Bip et moi, on allait à l’école et maman partait à son travail (elle est infirmière et les infirmières ne sont jamais au chômage parce qu’il у a toujours des malades).

Mais le soir, en rentrant, ça nous faisait tout drôle de trouver papa, tassé au fond de son fauteuil comme un vieux Kleenex froissé, les yeux vides braqués sur l’écran bleu de la télé. Bien sûr, il nous souriait, nous embrassait, nous demandait si nous avions passé une bonne journée. La vaisselle était faite, et le dîner aussi. Seulement, le cœur n’y était pas, il touchait à peine au dîner, deux ou trois bouchées et hop! une autre cigarette. Il у avait une gêne qui s’était installée dans la maison, à peine visible, mais aussi tenace que la fumée des cigarettes. Et puis le soir, parfois, et de plus en plus à l’approche de Noël, couchés dans nos lits, Bip et moi, on entendait papa et maman se disputer, pas fort, mais quand même, un peu, alors qu’avant ça n’arrivait jamais. Bip venait se blottir contre moi et il fallait que je lui raconte des histoires pour l’endormir, des histoires avec plein de sorcières « chômage » qui n’arrêtaient pas de casser les pieds aux gens. Vers le 20 décembre, maman a dû expliquer à Bip que sa lettre au père Noël était un peu trop longue. Bip l’а écouté très sérieusement en concluant du haut de ses cinq ans : « Je comprends, c’est parce que le père Noël est au chômage lui aussi. »

Même si le sapin était un peu moins grand que les années précédentes, le repas un peu plus maigre et les cadeaux moins nombreux, les fêtes se sont quand même bien passées parce que, chômage ou pas, on s’aime tous très fort. C’est après que ça s’est gâté. L’après Noël, ça n’est jamais très rose mais là, c’était carrément gris. Il у avait tout le temps comme de l’électricité dans l’air. Pour une fourchette déplacée, un cadre de travers, une différence de choix sur un programme de télévision, papa faisait la tête et maman s’enfermait dans la chambre. Évidemment, Bip faisait encore plus de bêtises que d’habitude et moi, je me donnais un mal de chien pour les effacer. Le pire, с’était à table quand nous étions réunis tous les quatre : silence total et pesant au-dessus de l’éternel plat de nouilles qui refroidissait lamentablement devant nos yeux baissés. Ensuite, c’était toujours la même histoire : Bip et moi, nous allions nous enfermer dans notre chambre en rêvant à des pays où les gens vivent heureux, sous un ciel toujours bleu, des gens qui ne savent même pas ce qu’est le chômage.

Pendant ce temps, papa écrivait des piles de lettres en fumant des dizaines de cigarettes et maman alignait, en se rongeant les ongles, d’interminables colonnes de chiffres. II était question de colonies de vacances pour Bip et moi, l’été prochain, et l’argent de poche se faisait aussi rare que les éclats de rire dans la maison. Non, le chômage n’avait rien à voir avec des vacances sans fin !

Chaque jour, papa prenait dix ans de plus. Il ne voyait plus ses amis et même quand il faisait beau, il avait l’air de regarder la pluie. II pleuvait tout le temps dans sa tête. Il se levait de plus en plus tard et se couchait de plus en plus tôt, et il devait aussi dormir dans la journée, car le soir, en rentrant de l’école, il nous regardait avec les mêmes yeux mouillés que Youki, le chien de Mamie qui est aussi vieux qu’elle.

Comme ça, tous les jours, comme un même et interminable jour gris...

Mais hier, il у avait une lettre dans la boîte, une lettre pour papa qu’il a lue et relue cent fois. Il avait l’air de quelqu’un qu’on réveille d’un long, long sommeil. Il a montré la lettre à maman d’une main tremblante. Maman l’а lue et a sauté au cou de papa en l’embrassant tout partout. On n’a pas eu de nouilles ce soir-là, mais un gros poulet bien doré, avec des frites. Papa ne tenait plus en place, il se levait, se rasseyait pour un rien, riait, redevenait sérieux, puis riait encore comme dans les anniversaires. Maman lui a repassé sa plus belle chemise et son plus beau costume, tandis qu’il cirait ses chaussures jusqu’à les rendre plus brillantes que l’argenterie de tante Clara. Ce matin, tout reluisant, il est parti en même temps que nous. Il était nerveux, comme Bip pour son premier jour d’école. Il a allumé une cigarette, nous a regardés en souriant et l’а aussitôt écrasée dans le cendrier. Je crois qu’il n’y aura plus jamais d’odeur de tabac dans la maison.


VOCABULAIRE

fronсer les sourcils — хмурить брови

tassé — здесь : развалившись

un vieux Kleenex froissé — использованный носовой платок

les yeux braqués — уставив глаза…

une gêne — неловкость

se blottir— прижиматься

casser les pieds — надоедать кому-либо

faire la tête — дуться

lamentablement — жалко


Exercices

I. Répondez aux questions :

  1. Qui est le narrateur de l’histoire ?
  2. Selon toi, quel âge a le narrateur ?
  3. À quel moment commence l’histoire ?
  4. Est-ce que le narrateur comprend dès le début ce qui s’est passé ?
  5. Montre les étapes de l’aggravation de la situation familiale.
  6. Comment les membres de famille réagissent-ils face au problème ? Comment cette réaction les caractérise-t-elle ?
  7. Et papa ? Comment évolue son état moral et sa conduite ?
  8. Comment sa conduite caractérise-t-elle papa ?
  9. Comment évolue l’ambiance familiale ?
  10. Quel événement modifie la situation ?
  11. Quelle est la réaction des membre de la famille à cet heureux événement ?
  12. Pour toi c’est un récit sur :
  13. Trouve un autre titre au récit.
  14. Imagine une autre fin à l’histoire.

II. Pour préparer le résumé, complète les phrases par les mots, pris dans le texte :

  1. L’histoire qui porte le titre … a commencé … .
  2. En rentrant à la maison papa … .
  3. Pourtant il avait … .
  4. Maman a vite fait manger les enfants et les a … .
  5. Mais les enfants entendaient que les parents … .
  6. Le mot qui revenait toujours dans leur conversation était … .
  7. D’abord le garçon ne comprenait pas très bien pourquoi cela rendait papa si triste, car il savait que « chômage » voulait dire … , mais selon lui c’était un peu les … .
  8. Les autres jours il a mieux … .
  9. Le soir, en rentrant il trouvait papa … dans son fauteuil, les yeux … sur la télé.
  10. Tous les jours il écrivait des … de lettres et … beaucoup.
  11. Il y avait une sorte de … à la maison.
  12. Chaque jour papa prenait … de plus.
  13. À l’approche de Noël maman a dû expliquer à Bip que sa lettre au Père Noël était … .
  14. Après Noël la vie est devenue … .
  15. Heureusement que tout a changé un jour, car papa a reçu une lettre qu’il a … .
  16. Le lendemain il est parti de la maison en … que ses fils, il était excité comme ses enfants le … .

III. Réfléchis sur ce que tu as lu. Lequel des points de vue ci-dessous trouves-tu juste ? Pourquoi ? Motive ta réponse !

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