Les Routes de l’Histoire
Les Français plébiscitent Mai 68 comme une « période de progrès social »
La formule de Nicolas Sarkozy, qui avait déclaré en avril 2007 vouloir « liquider » Mai 68, ne fait pas recette. Les Français, particulièrement ceux de moins de 30 ans, s’accommodent très bien de cet héritage. Selon un sondage CSA réalisé pour L’Humanité/NVO auprès de 1 006 personnes, 78 % d’entre eux estiment qu’il s’est agi d’ « une période de progrès social ». Les événements de 1968 ont fait avancer les choses « dans le bon sens », notamment en ce qui concerne l’égalité hommes-femmes (86 %), la protection sociale (78 %) et le droit syndical (74 %). L’enthousiasme est moindre en ce qui concerne la pédagogie scolaire (58 %) et la vie politique (54 %). Pour 65 % des sondés, ce fut à la fois une révolte étudiante et une grève ouvrière. Ils sont 62 % à juger qu’un mouvement de la même ampleur « pourrait se reproduire aujourd’hui en France ». Plus de la moitié des ouvriers (58 %) et des employés (53 %) souhaitent qu’un tel mouvement éclate.
(d’après Le Monde, 13.05.08)
« Je n’ai pas vécu Mai 68 »
Le regard des jeunes Français
« Je suis né en 1973, soit 5 ans après les mouvements sociaux de Mai 68. Ces jeunes adultes brandissaient slogans et pancartes dans la rue, c’était comme un appel à la Liberté, un appel à la survie, un appel aux valeurs de la République Française. Les événements de Mai 68 me laissaient imaginer une période de la possibilité, une période de rassemblement, une période de l’avenir... »
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« 1968, c’est la recherche du bonheur. Maladroite. Foisonnante. Romantique.
C’est une belle randonnée de quelques jours, un beau voyage dont on peut bien se repasser les photos. Avec le temps, on idéalise, on se souvient des bons moments, même si on ne les a pas vécus... »
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« Je n’ai pas vécu cette chienlit et tant mieux ! On a vu où cela nous a menés. »
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« Aujourd’hui, les jeunes gens de mon âge, étant issus de cette génération post 68, sont entièrement bénéficiaires des actions de Mai. Mais nous ne connaissons pas cette période historique où la jeunesse de France fut, elle, enthousiasmée par ces manifestations et fit connaître sa colère. Nul, parmi, la génération Internet ne sais qui est “Dany le rouge” qui fit trembler les murs de la rue Saint-Guillaume. Je ne suis pas une fervente partisane de l’expression de la colère par la rue, mais peut-on encore laisser grandir une génération dans l’ignorance ? L’ignorance de l’origine de cette liberté qui leur est acquise ? »
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« Les soixante-huitards nous parlent de leurs barricades comme les poilus évoquaient leurs tranchées. Même nostalgie des combats menés en commun, mêmes paroles sur la liberté conquise, mêmes soupirs sur les jeunes-qui-ne-se-rendent-pas-compte-de-ce-qu’ils-nous-doivent. Plutôt marrant, non ? »
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« Je suis né après 1968. Les soixante-huitards, je les vois actuellement, partant à la retraite. Ils n’ont pas pu améliorer la société. Pour moi, Mai 68, c’est une agitation de jeunes. On retrouve le même état d’esprit chez les étudiants de nos jours ; ils se révoltent puis rentrent dans le rang. »
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« Je n’ai pas connu Mai 68. Cette période de l’histoire avait permis au peuple de se faire entendre, enfin. ».
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« Je fais partie de ceux qui bénéficient, encore aujourd’hui, des avancées sociales et culturelles provoquées par la révolte de Mai 68. Ainsi, je souhaite remercier tous ceux et celles qui ont lutté à cette époque afin que le monde évolue. Grâce à l’acharnement des féministes de l’époque, je peux aujourd’hui avoir accès à l’emploi d’une manière égalitaire par rapport aux hommes. Et c’est déjà beaucoup quand on observe la situation des femmes dans certains pays, encore aujourd’hui... Et à tous ceux qui prétendent qu’il “faut en finir avec Mai 68”, je leur répondrai qu’au contraire, il serait grand temps de s’y remettre, vu la tournure que prennent les événements. »
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« Je suis né en 1963. Le plus important sur le moment, ce fut ce dont on parle le moins, c’est-à-dire de cette immense grève générale qui amena une amélioration notable des conditions de vie des salariés. Sans Mai 68, aurions-nous des allocations de chômage ? N’oublions pas qu’elles furent créées au début de la crise des années 1970, pour éviter de nouveaux Mai 68. Alors, ne jetons pas trop vite la pierre. N’ayons pas honte de notre passé récent, car c’est lui qui nous a faits ce que nous sommes. »
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« Je n’ai pas vécu Mai 68, mais je porte un regard négatif sur cette période. Nos parents sont collectivement responsables de la dégradation des mœurs actuels. Ils ne nous ont légué que les fruits désastreux d’un point de vue moral, culturel, économique politique et environnemental. »
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« En mai 68, j’avais 7 ans et un regard d’enfant sur ces événements qui ont marqué l’histoire d’une France en pleine révolution. Mes souvenirs se résument à des images télévisées et c’est tout. À la maison, on n’en parlait pas, je pense aujourd’hui que c’était tabou, mes parents n’ont jamais compris les émeutes, les revendications et les manifestations de tout genre. De temps en temps, lorsqu’un documentaire sur Mai 68 est transmis à la télévision, je ne manque pas de le regarder et c’est très franchement une époque à laquelle j’aurais voulu vivre cet événement qui a marqué toute une génération. Les gens étaient solidaires dans leur lutte, ils n’avaient pas peur de descendre dans la rue et de crier leur colère, ils voulaient changer la France. Quand je revois ces documentaires, je trouve, à ce jour, que les Français(es) ne réagissent plus, comme s’ils étaient résignés, que c’était perdu d’avance et qu’ils n’ont plus cette même fougue pour lutter et se battre contre les abus de nos dirigeants. Très sincèrement, j’aimerais vivre et connaître un nouveau Mai 68 ! »