Univers du français
Élisabeth GARDAZ
Ivanteyevka – 2008
Une nuée d’abeilles bourdonnantes autour de leur reine ? L’image demande à être affinée.
De la ruche, le Séminaire d’Ivanteyevka a l’organisation imparable. Chacun se tient à son poste, y assume exemplairement sa fonction : administration, comptabilité, programme quotidien, affectation des salles… Et si, un jour, la technique semble ne pas vouloir suivre, il se trouve une abeille ingénieuse qui improvise une solution.
De la ruche, le Séminaire a aussi la ferveur : chaque heure est dévolue à l’échange et à l’apprentissage. La langue française s’y clame ou s’y bourdonne, s’y décline et étudie, s’y parle à coup sûr à rythmes divers et dans ses multiples accents. Il y a d’abord, dans la variété de ses timbres chantants, le français que parlent les quelques 200 participants venus de tous les coins de la Russie. Et puis, chez les intervenants, tous ces parlers colorés : mélodies des parlers belge, suisse, danois et américain, envolées inattendues du parler québécois, saveur du créole dansant de la Martinique, et tous ces accents régionaux ! Du sud-ouest au pays breton en passant par le parler « pointu » des gens du Nord et la mesure des parlers d’île-de-France.
Sur un point pourtant – et non des moindres – nous quittons la ruche. Chaque participant choisit librement les ateliers où il pourra à loisir écouter, questionner, entrer dans le vif d’un sujet qui lui tient à cœur.
J’ai trouvé particulièrement remarquable l’infini respect que chacun montre à l’égard des coparticipants. Nulle vantardise, nulle rivalité. Un jeune enseignant ose interrompre l’intervenant : « Pouvez-vous parler plus lentement, s’il vous plaît ». Avec une confiance, une simplicité rares, ils interrogent, suggèrent, opinent, rient…
Et je ne dirai rien des heures récréatives, des conversations délicieuses au cours des promenades nocturnes sur l’étroit chemin enneigé qui conduit au village, ou au bar, autour d’un thé, d’un café, et d’aucune autre boisson bien sûr…
Il est une île grecque où, chaque année, au début de l’été, des apiculteurs du continent viennent avec leurs ruches. Ils les installent dans la partie montagneuse, au cœur de l’île, et c’est là qu’elles butinent chacune à sa façon, qui sur les grands pins, qui à fleur de garrigue, amassant le meilleur de ce qu’elles trouvent pour remplir la ruche.
À Ivanteyevka, tous ensemble et chacun à sa façon, participants et intervenants, font provision du miel de la langue, rendant avec grâce et gratitude le plus bel hommage qui soit à leur reine, à leur Présidente – Jeanna Aroutiounova.