Mon amie la langue française
Lioudmila RYJOVA
Le roman et son public
Avant le XVIe siècle, les romans étaient surtout récités à des auditoires nobles ou bourgeois : les manuscrits étaient rares, les textes étaient donc appris par des conteurs (trouvères et troubadours), et de plus leur forme poétique se prêtait à la diction.
Dès le XVIe siècle, l’imprimerie permet le développement de la lecture personnelle. Mais jusqu’à la Révolution française, trop peu de gens du peuple savent lire. Une tradition orale se maintient donc : les romans sont fournis par la littérature de colportage qui sillonne les campagnes et les bourgs, et ils sont lus pendant les veillées par ceux qui ont la chance de pouvoir le faire. Parallèlement, la noblesse, qui sait lire, ne dédaigne pas toujours le roman. Mais il reste un genre frivole dont la lecture est déconseillée par les directeurs de conscience, ce qui éloigne plus d’un lecteur, et surtout plus d’une lectrice.
Au XIXe siècle, le nombre de lecteurs connaît une progression extraordinaire. Le colportage poursuit son implantation dans les milieux populaires, grâce à la parution de brochures rendues très bon marché par l’évolution industrielle de l’imprimerie. La petite bourgeoisie profite aussi de cette situation et acquiert à petits prix des rééditions de romans des siècles précédents. Mais l’invention la plus spectaculaire est celle du roman en feuilleton, qui peut exister grâce à l’évolution de la presse à grand public. Il va favoriser l’apparition des romans populaires, tels que Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, mais il est aussi le moyen de faire connaître de nouvelles œuvres des écrivains célèbres, par exemple, Une ténébreuse affaire d’Honoré de Balzac.
Les éditeurs aussi évoluent : ils s’initient à la pratique des campagnes publicitaires, se lancent dans la publication à grand tirage, baissent les prix. C’est ainsi que peu à peu le roman de librairie prend le relais de la littérature de colportage : les campagnes deviennent moins peuplées, il est facile de se servir dans les magasins de la ville, qui sont approvisionnés par la publication à grand tirage.
Au XXe siècle, les lieux de vente se diversifient, au point que l’on parle de littérature de gare pour désigner des romans vite écrits et vite lus qu’on achète au kiosque avant de prendre un train. En fait, des livres de poche présents dans les supermarchés aux éditions de luxe les plus coûteuses, de l’infralittérature des magazines aux romans les plus difficiles, chacun peut trouver la forme et le contenu qui lui convient. Les émissions littéraires de la radio et de la télévision, ainsi que les prix littéraires, contribuent à solliciter les lecteurs de romans.
VOCABULAIRE
manuscrit (m) – рукопись
se prêter à qch – быть пригодным, соответствовать
diction (f) – говорение; устный жанр
se maintenir – поддерживаться
colportage (m) – торговля вразнос
la littérature de colportage – произведения народной литературы, распространяемые бродячими торговцами в XVI-XIX веках
sillonner – бороздить, оставлять след
veillée (f) – вечерние посиделки
dédaigner qch – пренебрегать
genre (m) frivole – легкомысленный жанр
être déconseillé par – не рекомендоваться
directeur (m) de conscience – духовник, духовный наставник
implantation (f) – внедрение
parution (f) – появление
bon marché – дешево
profiter de qch – воспользоваться
acquérir – получать
spectaculaire – зд. показательный (эффективный)
roman (m) en feuilleton – роман с продолжением
le grand public – широкая публика
s’initier à qch – приобщаться к
pratique (f) – навык, обычай; применение
campagne (f) publicitaire – рекламная кампания
se lancer dans – броситься в
publication (f) – публикация
à grand tirage – большим тиражом
roman (m) de librairie – типографское издание
prendre le relais de – принимать эстафету
être approvisionné par – обеспечиваться
solliciter qn – привлекать
Exercices
1. Trouvez 10 noms du féminin et 10 noms du masculin ayant des suffixes spécifiques du genre.
2. Déterminez le genre des noms ci dessous :
siècle, auditoire, manuscrit, imprimerie, gens, peuple, campagne, bourg, milieu, parution, brochure, prix, presse, public, œuvre, écrivain, pratique, librairie, relais, magasin, ville, vente, kiosque, livre, magazine, forme, contenu.
3. Déterminez le groupe des verbes ci-dessous ; conjuguez-les au présent de l’indicatif ; faites leurs participe passé :
apprendre, savoir, maintenir, fournir, dédaigner, poursuivre, acquérir, s’initier, se lancer, devenir, se servir, acheter, contribuer.
4. Déterminez l’antécédent des pronoms démonstratifs dans les phrases :
1. Les romans sont lus pendant les veillées par ceux qui ont la chance de pouvoir le faire. 2. Mais l’invention la plus spectaculaire est celle du roman en feuilleton, qui peut exister grâce à l’évolution de la presse à grand public. 3. L’auteur est celui qui a imaginé l’intrigue ; le narrateur est celui qui est chargé de la raconter, et on ne doit pas les confondre.
5. Expliquez la forme du prédicat dans la phrase ci-dessous :
La noblesse, qui sait lire, ne dédaigne pas toujours le roman, mais il reste un genre frivole dont la lecture est déconseillée par les directeurs de conscience.
6. Trouvez dans le texte les expressions figées.
7. Répondez aux questions.
1. Quelle était la forme du roman avant le XVIe siècle ? 2. Qui étaient les conteurs ? 3. Comment étaient les auditoires ? 4. Qu’est-ce qui a contribué au changement de cette situation ? 5. Pourquoi la lecture personnelle est devenue possible ? 6. Comment la situation change-t-elle après la Révolution française ? 7. Pourquoi la forme orale reste-t-elle dominante jusqu’au XIXe siècle ? 8. Grâce à quoi la situation change-t-elle au XIXe siècle ? 9. Qui profite de cette situation ? 10. Quelle était l’invention la plus spectaculaire qui va beaucoup favoriser la lecture ? 11. Quelles démarches entreprennent les éditeurs pour faire lire le public ? 12. Pourquoi le roman de librairie prend-il relais de la littérature de colportage ? 13. Comment la situation change-t-elle au XXe siècle ? 14. Qu’est-ce qui contribue à solliciter les lecteurs de romans au XXe siècle ?
8. Traduisez.
1. До XVI века романы, благодаря их поэтической форме, пересказывались для знати или буржуазии. 2. Рукописи были немногочисленны, и сказители (труверы или трубадуры) заучивали тексты романов. 3. С XVI века благодаря изобретению книгопечатания, развивается индивидуальное чтение. 4. Но так как очень немногие люди умели читать, все еще поддерживается устная традиция. 5. Романы остаются легкомысленным жанром, и духовные наставники не рекомендуют их чтение. 6. В ХIХ веке количество читателей стремительно растет благодаря развитию печатной промышленности и появлению дешевых брошюр. 7. Мелкая буржуазия пользуется этой ситуацией и по низкой цене приобретает право на переиздание появившихся ранее романов. 8. Развитие прессы для широкой публики способствовало появлению романа с продолжением. 9. Это способ знакомить читателя с новыми произведениями известных писателей. 10. Издатели также не стоят на месте: они приобщаются к практике рекламных кампаний, издают книги большими тиражами, снижают цены. 11. Таким образом, постепенно продажа типографских изданий в магазинах принимает эстафету у продавцов книг вразнос. 12. В ХХ веке изменяются места продажи книг: теперь это не только книжные магазины, но и киоски на вокзале, в супермаркетах.