Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №13/2008

Arts et culture

Alain Delon, le musée secret

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L’acteur passe du temps dans sa maison de Genève où il a amassé dessins, sculp­tures, et toiles. « J’y suis domicilié depuis trente-cinq ans, c’est là, où je me sens libre. À Genève, je respire, les habitants sont plus discrets qu’à Paris. » Alain Delon a envie de se livrer, de montrer, de raconter sa vie d’homme de l’art et d’ouvrir ce jardin secret qu’il cultive avec générosité depuis plus de quarante ans. La plupart de ses admirateurs ignorent qu’il a commencé sa col­lection dans les années 1960, à l’aube du Guépard. « J’ai acheté mon premier dessin, en 1964 exac­tement, à Londres. »

Pour la première fois, il ouvre sa galerie privée. Au sol, des catalogues de vente, des monographies, amassés en tas autour d’un canapé. Et les chefs-d’œuvre sont là, liés dans un silence éloquent par cet œil imparable que tous les spécialistes lui accordent. Delon a raflé les plus grands : Millet, Van Gogh, Delacroix, Le Guerchin, Géricault, Guyot et bien sûr Bugatti.

En 1990, à Londres, il avait vendu une quaran­taine de sculptures pour s’emparer des peintres fauves. Mais il a gardé une foule de bronzes, il en a acquis d’autres et il a racheté certaines pièces de sa vente. Il a eu raison : Lionceau et petit chien, qui illustre cette rencontre improbable dans un zoo, réaliste sans être narrative, est un chef-d’œuvre de Bugatti, qui aimait les félins ainsi que Delon. L’acteur déroule sa ménagerie de bronze : « Quatre-vingt-dix pour cent de mes sculptures sont anima­lières », précise-t-il.

La collection Alain Delon, mise en vente l’année passée, est constellée de perles. Elle réunit quarante toiles des peintres abstraits français des années 1950 et de quelques représentants du mouvement Cobra. L’acteur a fait l’acquisition de cet ensemble à la fin des années 1980, conquis par cette peinture physique, gestuelle et terriblement poétique. Presque toutes les toiles ont été acquises en vente publique. Alain Delon aime le jeu des enchères auquel il gagne toujours car il ne lâche jamais sa proie, comme les félins qu’il adore. « J’achète par instinct, sans me soucier des signatures ». Les professionnels de l’art évoquent à juste titre « l’œil Delon ». Le Guépard voit juste. Mais pourquoi les vendre ?

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Alain Delon et son premier
dessin acheté en 1964

La star répond : « Je n’ai nul besoin d’argent et n’ai plus rien à prouver. Cet accrochage m’a permis un autre regard, plus neuf, et peut-être plus distancié. J’ai apprécié la cohérence de l’ensemble ». Chez Delon, les décisions sont toujours fulgurantes. Mais l’histoire n’est pas terminée. « Peut-être aurais-je envie de racheter une ou deux pièces de ma collection, comme je l’ai toujours fait... »

Pierre Cornette de Saint Cyr, commissaire-priseur et président du palais de Tokyo et ami de l’acteur depuis plus de trente ans, raconte : « Mon vieil ami m’appelle un jour, haletant : “Viens vite, regarde ce que j’ai entre les mains : c’est le brouillon de l’appel à tous les Français écrit de la main de De Gaulle. Le propriétaire veut la discrétion, il refuse que je le vende en France et encore moins en ventes aux enchères.” Que l’on appré­cie ou non le Général, ce document ne devait en aucun cas quit­ter la France. Je connaissais la vénération qu’Alain portait au grand homme. Je m’empresse de lui raconter l’aventure et surtout le dilemme qui s’annonçait. En homme d’action et de passion, Alain a pris immédiatement son téléphone, joint l’un de ses fidèles amis en Amérique du Sud, lui intimant l’ordre de sauter dans un avion pour Paris. Tout s’est déroulé alors comme prévu. J’ai averti le ven­deur du manuscrit, ravi, de la venue d’un client étranger. Le ren­dez-vous fut pris, sans attendre, avec notre soi-disant collection­neur. Nous sommes repartis avec le précieux document et nous avons filé chez Alain. Quand il eut l’appel du Général à tous les Français qu’il avait tant désiré, il se mit à pleurer. C’est Alain, il combat et il pleure.

Je me souviens aussi d’un retour de Londres après les batailles épiques qu’Alain menait contre le reste du monde pour la conquête des chefs-d’œuvre qu’il convoi­tait. Dans l’avion, Alain était plongé dans des calculs qui duraient... qui duraient. Je lui ai donc demandé ce qu’il calculait avec tant d’application... “Je calcule ce qui me reste pour vivre les quatre pro­chains mois...” Je pense qu’il faut collec­tionner comme lui, au-dessus de ses moyens, souffrir pour acheter des chefs-d’œuvre et non pour accumuler des œuvres médiocres, qui restent médiocres. Alain était donc celui qui allait au bout de ses combats pour acquérir des œuvres et revenir sans un sou. »

(d’après Le Figaro magazine)

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