Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №18/2008

Arts et culture

« Trois millions de Joconde… »1

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Dandysme et provocation furent, on le sait, deux des composantes du personnage… C’est ce même Serge Gainsbourg qui pouvait débarquer dans un commissariat, au milieu de la nuit, les bras chargés de champagne. Ou encore laisser un billet de 500 francs à un coursier ou distribuer des billets de banque à des éboueurs2, place Pigalle, au petit matin, après une nuit agitée et bien arrosée.

Beaucoup de gentillesse, de générosité et d’attention chez Gainsbourg, comme j’ai pu le voir au 5 bis, rue de Verneuil, parmi ses trésors. Dans sa tanière3, j’avais bien affaire à Gainsbourg, plus qu’à Gainsbarre (même si nos rendez-vous étaient alcoolisés), et plus encore à ce Lucien Ginzburg. C’est ce dernier que je venais trouver, le jeune homme qui voulait être peintre. Jamais il ne m’a déçu. Lors de nos promenades au musée du Louvre, c’est bien Lucien qui m’accompagnait et qui pouvait avoir la larme à l’œil devant le saint Sébastien de Montgno, ou une vierge de Giotto. Je le revois encore, prêt à se déchausser avant d’entrer au Louvre – « L’art a quelque chose de sacré, non ? » – , et l’humour au coin des lèvres, devant la Joconde : « C’est un mec, non ? »4 Dans ces moments-là, le bouffon5 – caméléon des plateaux de télé laissait la place à un type bourré de références littéraires et picturales. Homme aux goûts, ou plutôt aux dégoûts, affirmés.

Qui s’était soucié d’une petite plaquette de Francis Picabia, que Serge appelait « Pipi-caca-biabia », éditée à mille exemplaires et intitulée Jésus-Christ Rastaquouère6 ? Qui seulement l’avait lue ? Serge Gainsbourg. Évidemment, en pleine période yé-yé, lire Vladimir Nabokov et réciter des passages de Lolita par cœur, ça ne courait pas les maisons de disques… Vu de l’intérieur, Serge Gainsbourg était un des plus chics types que j’aie rencontré, un des plus drôles aussi…7


1 Le titre de ce témoignage de Franck Maubert fait référence au titre d’une chanson de Gainsbourg.

2 Éboueur, n.m. – employé chargé de débarrasser une ville des ordures ménagères en vidant les poubelles.

3 Une tanière est un creux dans la terre où se cachent les bêtes sauvages. Ici, c’est un lieu de refuge, un abri.

4 Allusion aux dessins des surréalistes imaginant la Joconde à la moustache.

5 Bouffon (m) – comédien qui joue des farces, qui aime à faire rire, qui est chargé d’amuser par ses moqueries.

6 Il s’agit, bien sûr, d’ironie. L’adjectif rastaquouère désigne quelqu’un d’exotique et d’exubérant. Dans un sens plus restreint, il est employé pour qualifier l’apparence et l’habillement des Jamaïquains adeptes du reggae.

7 Franck Maubert, Gainsbourg for ever, Scali, Paris, 2005.

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