Arts et culture
L’exposition « Jacques Prévert, Paris la belle » est ouverte à l’Hôtel de ville
Collages, photos, manuscrits, lettres, scénarios... À Paris, une exposition à l’Hôtel de ville présente l’œuvre de Jacques Prévert.
Tout le monde connaît Jacques Prévert (1900-1977), les poèmes de Paroles, les chansons de Montand, Les Enfants du paradis... Maître des mots de la rue, l’ancien gamin de Paris, milita pour cette culture populaire dont il était issu et qui lui inspira scénarios, collages et collaborations avec peintres et photographes. Un parcours mis en scène dans Jacques Prévert, Paris la belle par Eugénie Bachelot-Prévert, sa petite-fille, et N. T. Binh, les deux commissaires de l’exposition.
Textes :
Les Visiteurs du soir
Autodidacte, l’auteur de Paroles Prévert travaille dans la librairie d’Adrienne Monnier, où il signa l’adaptation cinéma de Notre-Dame de Paris. « Le 7ème art est au carrefour de tout ce qui constitue l’imaginaire de Prévert », analyse N. T. Binh. La mère du poète, qui lui lisait Perrault, Grimm et Andersen (il a adapté, entre autres récits, Le Roi et l’oiseau pointe dans ses films. « Maman était comme les reines peintes sur les tableaux », disait Prévert.
« Les archétypes des contes de fées structurent ses scénarios, poursuit Binh. Par exemple, deux jeunes gens s’aiment d’amour fou et se heurtent à l’incompréhension d’un monde angoissé. Comme dans Les Visiteurs du soir. »
Musique :
Une chanson venue des bals popu
Ses chansons, ce sont celles de la « vraie fête », comme le répétait Prévert lui-même, celles des bals popu et du théâtre de Guignol. Si la vague de Saint-Germain-des-Prés menée par Gréco porta haut le verbe prévertien, La Chanson de Prévert, comme dirait Gainsbourg, c’est d’abord des poèmes dont les titres invitent à la danse et à la composition : Chanson de l’oiseleur, La Complainte de Gilles, Feuilles mortes. Prévert, c’est aussi le goût du swing. À Harlem, le jazz lui lui inspire Les Cireurs de souliers de Broadway, chantés par Montand. Dans sa discothèque, Ella Fitzgerald côtoie Françoise Hardy, qu’il adore, et des compositeurs de la « grande musique ». Le poète appelait sa fille « mon oiseau de feu » – un conte russe mis en musique par Stravinsky.
Cinéma :
Un burlesque sous l’influence du muet
Né avec le cinéma, qu’il surnomme « la soupe lumineuse », Jacques Prévert découvre, gamin, dans la salle des Mille Colonnes, à Montparnasse, Charlie Chaplin qu’il imite parfaitement. Jeune marié, il organise son voyage de noces au Ciné-Opéra. On le croise figurant dans L’Âge d’or, de Luis Buñuel, l’un de ses réalisateurs préférés. Ce goût du burlesque rebondit dans les scénarios de L’Affaire est dans le sac (1932) et de Drôle de drame (1937). Fantômas (1913), de Louis Feuillade, reste son film de chevet. Il lui avait appris « la troublante éloquence du rêve, l’espéranto du silence ».
Photographie :
La naissance du réalisme poétique
À la façon de Baudelaire, Prévert raconte en vers le Paris de son enfance photographié par ses amis. Il monte Montparnasse et Montmartre avec Doisneau. Et la Villette avec Brassaï.
Brassaï s’était improvisé photographe en 1930, pour capter « la beauté des rues, des jardins, dans la nuit et le brouillard, pour saisir la nuit de Paris ». Son livre de photos Paris de nuit (1932) trouve sa correspondance cinématographique dans Le Quai des Brumes (1938), écrit par Prévert. C’est le fameux réalisme poétique. En 1946, lorsque paraît Paroles, Prévert, qui en assure la mise en page, choisit une photo de Brassaï pour illustrer la couverture.
Collages :
Le surréalisme appliqué à la lettre
Miro le fait rêver : « Il y a un miroir dans son nom », confiait Prévert. Le « rouge si rouge » de Van Gogh le bouleverse. Et si Prévert conçoit des livres avec Ernst, Chagall ou Braque, c’est avec Picasso qu’il est ami à la vie à la mort. Picasso lui répétait : « Tu ne sais pas dessiner, tu ne sais pas peindre, mais tu es peintre. » Tous les deux, rejoints par le photographe André Villers, imaginent le livre de collages Diurnes (1954). Prévert exerce d’abord ces collages en amateur. « Dans un tiroir, il conservait images, coupures de journaux, bouts de phrases et photos qu’il découpait, rappelle Eugénie Bachelot-Prévert. C’étaient de vraies collisions poétiques. »
(d’après Gilles Médioni)