L’arc-en-ciel
Jo HOESTLAND
Émile, bille de clown
(Suite. Voir N°4/2009)
Chapitre 3
Émile à la grande école
Un jour, Émile a six ans. Il va à la grande école. Parfois, il trouve que la vie n’est pas facile. À la récréation, pendant les jeux, il n’est jamais le chef. Les autres lui disent :
– Tu n’as pas une tête de chef, tu as une tête de clown !
Émile, furieux, leur répond :
– Je n’ai pas une tête de chef, mais vous, vous avez des têtes d’andouilles, et si je vous envoie un coup de pied de clown dans vos derrières d’andouilles, vous allez le sentir !
Tout de même, à certains jeux, il est franchement mauvais. À chat, il fait des croche-pieds sans le faire exprès. Au foot, il envoie le ballon tout de travers.
– Oh, le nul ! crient les autres.
Tout cela l’attriste un peu. Mais lui, s’il a un ballon, il le met en équilibre et il le fait tourner sur son nez. Personne d’autre, dans toute la cour de récréation, ne sait faire tourner un ballon sur son nez. Ça le console un peu. Mais un peu seulement.
Quand il rentre chez lui, Émile parfois demande à sa maman :
– Quand je serai grand, je ne serai plus clown, hein, Maman ?
Sa maman lui répond :
– Quand tu seras grand, tu seras ce que tu veux, mon Émile.
Émile est tout content, il annonce triomphalement à ses copains :
– Quand je serai grand, je serai cosmonaute.
Mais ses copains répondent :
– Avec ta tête de clown, tu feras rigoler les Martiens.
Émile leur crie :
– Alors je serai aventurier ! Je capturerai des tigres, des lions, des boas, et je trouverai des mines d’or !
Ses copains lui rient au nez.
– Ça fera rigoler les boas, ça fera rigoler les tigres et les lions, et même les araignées !
Émile se sent découragé. Il murmure :
– N’empêche, quand j’aurai trouvé de l’or et que je reviendrai riche, faudra pas me demander de vous prêter mes sous...
Souvent le soir, il se regarde dans la glace. Il pense très fort :
– Je voudrais changer de tête.
Il ferme les yeux, il compte lentement jusqu’à dix, parfois jusqu’à vingt. Une fois, il a même compté jusqu’à cent. Mais quand il rouvre les yeux, toujours, toujours il a la même tête...
Chapitre 4
Une heureuse rencontre
Un jour d’hiver, Émile aperçoit à l’école une petite fille qu’il ne connaît pas. Le maître dit :
– Assieds-toi là, Lise, à côté d’Émile.
Émile cache ses grands pieds sous sa chaise, il garde son bonnet et il met son mouchoir sur son nez rouge pour faire croire qu’il est très enrhumé.
– Émile, demande le maître, veux-tu, s’il te plaît, expliquer à Lise où on en est en calcul et en grammaire ?
Émile commence à expliquer. Mais c’est difficile de parler avec un mouchoir sur le nez. Et il a rudement chaud avec son bonnet. Des gouttes de sueur tombent sur le cahier. Lise le regarde :
– Tu es malade ou quoi ? Tu as un rhume ?
Émile fait oui de la tête. Lise ajoute :
– Tu devrais enlever ton bonnet.
Émile le retire. Ses cheveux se dressent sur sa tête. Lise ne rit pas. Elle continue :
– Tu devrais ranger ton mouchoir dans ta poche ; je ne comprends pas ce que tu dis.
Émile enlève son mouchoir. Son nez rond tout rouge apparaît. Lise ne rit toujours pas. Alors Émile se lance. Il explique tout : les additions, puis les soustractions.
– Oh ! je sais ! dit Lise.
– Oui ! Mais avec les retenues ? demande Émile.
Là, Lise sait moins bien. Émile explique :
– Les retenues, ce sont des petits chiffres qui se sauvent à toute allure si on ne les a pas retenus.
Et il lui fait plein de grosses additions pour lui montrer. À la fin, il y a tellement de retenues qu’Émile est obligé de déborder de son cahier jusque sur la table. Ça fait rire Lise, mais pas le maître qui se fâche.
– Dis donc, Émile, au lieu de gribouiller sur la table, explique donc à Lise la leçon sur les pluriels !
Alors Émile souffle à Lise comme si c’était un secret :
– Au pluriel, il faut mettre des s à la fin des mots. Les s, ils ressemblent à des petits serpents planqués au bout des mots. On ne les entend pas, mais ils sont là. Faut pas les oublier, sinon crac, ils te piègent...
Il ajoute encore plus bas :
– Je m’y connais en serpents, en boas surtout.
Mais Lise l’interrompt. Elle lui chuchote :
– Moi aussi, je m’y connais en boas. On en a un à la maison.
Émile n’en croit pas ses oreilles. Les yeux de Lise brillent d’excitation.
– Oui, répète-t-elle, on a un boa. Maman se l’enroule autour du cou chaque fois qu’elle va à une soirée chic !
Émile prend l’air de plus en plus stupide. Lise pouffe de rire. Elle explique :
– Ce n’est pas un vrai boa ! Juste un truc en plume pour faire chic et chouette !
Et les yeux de Lise brillent comme deux lumières vertes. Elle est très jolie. Quand il la regarde, Émile se sent tout drôle et il a un peu chaud, même sans son bonnet...
La cloche sonne. Pendant qu’ils sortent, Émile demande très vite à Lise :
– Qu’est-ce que tu penserais de te marier plus tard avec quelqu’un qui aurait un peu une tête de clown, mais qui serait aventurier, chercheur d’or ou cosmonaute ? Lise s’étonne :
– Je ne sais pas, je ne connais personne comme ça...
Mais elle ajoute :
– J’aimerais mieux me marier avec toi. Émile ne dit plus rien. Alors Lise termine :
– Parce que tu es le plus beau garçon de la classe.
Émile rentre chez lui en courant. Il se sent le cœur plein de bonheur.
– Maman, crie-t-il, devine qui est le plus beau garçon de la classe ?
– C’est toi ! répond Madame Pancho. Émile reste un instant interdit. Puis il se
met à crier d’une voix rageuse :
– Alors pourquoi tu ne me l’avais jamais dit ?
VOCABULAIRE
andouille (f) – дурак, идиот, болван
jouer au chat – играть в догонялки, в салочки
croche-pied (m) – подножка
de travers – криво, косо, неправильно
mettre en équilibre – уравновешивать
consoler – утешать
aventurier (m) – искатель приключений
capturer – поймать
mine (f) d’or – золотое дно
araignée (f) – паук
être enrhumé – быть простуженным
goutte (f) de sueur – капля пота
retenue (f) – мат. цифра в уме, цифра, переносимая в другой столбец
gribouiller – разг. рисовать каракули, разводить пачкотню (на бумаге)
planqué – притаившийся
piéger – 1) поймать в ловушку; 2) поставить в затруднительное положение
se connaître en qch, à qch – знать толк в чем-л.
n’en croire pas ses oreilles – не верить своим ушам
pouffer de rire – прыснуть со смеху
QUESTIONS
- Qu’est-ce qui attriste Émile à l’école ? Qu’est-ce qui le console ?
- Pourquoi les enfants rient-ils quand Émile dit qu’il sera cosmonaute ou aventurier ?
- Que voudrait-il changer ? Est-ce possible ? Est-ce que cela pourrait changer sa vie ? Que pourriez-vous lui conseiller ?
- Pourquoi Émile a-t-il caché ses pieds, ses cheveux et son nez quand Lise est assise à côté de lui ? A-t-elle ri quand il a enlevé son bonnet et son mouchoir ?
- Comment Émile a-t-il expliqué ce que c’est que les retenues et les pluriels ? Aimeriez-vous si vos professeurs à l’école expliquaient les règles de la même manière ? Pourquoi ? Qu’en pensez-vous, Émile, serait-il un bon professeur ?
- Pourquoi Lise n’aperçoit pas qu’Émile a une tête de clown ? Qu’est-ce qui est plus important, l’apparence ou l’intérieur d’une personne ?
- Pourquoi le titre du 4ème chapitre est « Une heureuse rencontre » ?
(La publication est préparée par Maria RIVES.)