Arts et culture
Un morceau de Paris à Moscou
Dès le début novembre 2006, on peut voir à Moscou un morceau de Paris : l’entrée de la station « Kievskaya » représente aujourd’hui la copie des entrées du métro parisien faites par le célèbre architecte français Hector Guimard. L’action est devenue possible grâce à la collaboration du Métropolitain de Moscou et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). À propos de cela, quelques mots sur cette personnalité vraiment extraordinaire.
Hector Germain Guimard estné en 1867 à Lyon. L’un des architectes français les plus marquants, Hector Guimard fit vastement connaître le style art nouveau, duquel ses célèbres bouches de métro sont des exemplaires iconiques.
Guimard fit ses études à l’École nationale des arts décoratifs et l’École des beaux-arts avant d’établir son cabinet. Ses premières œuvres furent plutôt conventionnelles, mais il tomba par la suite sous l’influence des idées fortement innovatrices d’Eugène Viollet-le-Duc et de l’architecture sinueuse de Victor Horta. Il commença par la suite à produire des œuvres exceptionnelles de l’avant-garde qui aideraient à définir le style art nouveau en France. Ses bouches de métro sont parmi ses œuvres les plus influentielles, prêtant leur nom au style métro ou style Guimard. Il resta fidèle à l’art nouveau même quant ce n’était plus la mode.
Dans la mouvance internationale de l’art nouveau, Guimard fait figure de franc tireur isolé : il ne laisse aucun disciple derrière lui, ni aucune école, et c’est la raison pour laquelle on a longtemps été tenté de le considérer comme un acteur secondaire de ce mouvement – une absence de postérité qui contraste avec la profusion formelle et typologique extraordinaire de son œuvre architecturale et décorative, où l’architecte donne le meilleur de lui-même en quelques quinze années d’une étourdissante activité créatrice.
La conversion de Guimard au style lui-même est quant à elle plus circonstanciée : elle se fait lors d’un voyage à Bruxelles, où il visite l’hôtel Tassel de Victor Horta. La réalisation la plus emblématique de cette époque, le Castel Béranger (1898), illustre ce moment de transition qui voit le choc entre ces deux héritages : sur les volumes géométriques d’inspiration médiévale du gros œuvre se répand à profusion la ligne organique « en coup de fouet » importée de Belgique.
Le Castel Béranger rend Guimard célèbre du jour au lendemain et de nombreuses commandes lui permettent alors d’affiner toujours davantage ses recherches esthétiques – l’harmonie et la continuité stylistiques notamment (un idéal majeur de l’art nouveau), qui le poussent à une conception quasi totalitaire du décor intérieur, culminant en 1909 avec l’hôtel Guimard (cadeau de noce à sa riche épouse américaine) où des pièces ovoïdes imposent des meubles uniques, partie intégrante de l’édifice.
Les innovations structurelles ne manquent pas non plus, comme dans l’extraordinaire salle de concert Humbert-de-Romans (1901), où une charpente complexe fractionne les ondes sonores pour aboutir à une acoustique parfaite ; ou comme dans l’hôtel Guimard (1909), où l’étroitesse de la parcelle permet à l’architecte de rejeter toute fonction porteuse sur les murs extérieurs et de libérer ainsi l’agencement des espaces intérieurs, différent d’un étage à l’autre.
Génial touche-à-tout, Guimard est aussi un précurseur de la standardisation industrielle, dans la mesure où il souhaite diffuser le nouvel art à grande échelle. Sur ce plan il connaît une véritable réussite – malgré les scandales – avec ses célèbres entrées du métro parisien, constructions modulables où triomphe de principe de l’ornement structurel de Viollet-le-Duc. L’idée est reprise – mais avec moins de succès – en 1907 avec un catalogue d’éléments en fonte applicables à l’architecture : Fontes Artistiques, Style Guimard.
Comme pour le cadre architectural global, la conception intrinsèque de ses objets d’art procèdent du même idéal de continuité formelle (qui permet de fusionner toutes les fonctions pratiques dans un corps unique, comme pour le Vase des Binelles, de 1903) – et linéaire, comme dans le dessin de ses meubles, à la silhouette gracile et harmonieuse.
Son vocabulaire stylistique inimitable procède d’un organicisme végétal particulièrement suggestif, tout en restant résolument sur le versant de l’abstraction. Moulurations et remous nerveux investissent ainsi tant la pierre que le bois ; dans l’aplat, Guimard crée de véritables compositions abstraites qui s’adaptent avec la même aisance au vitrail (hôtel Mezzara, 1903), au panneau de céramique (maison Coilliot, 1898) à la ferronnerie (Castel Henriette, 1899), au papier peint (Castel Béranger, 1898) ou au tissu (hôtel Guimard, 1909).
Mais malgré ce feu d’artifice d’innovations et de démonstrations tous azimuts, le monde se détourne rapidement de Guimard : moins que l’œuvre, c’est l’homme qui agace. Et en digne représentant de l’art nouveau, il est lui-même victime des contradictions inhérentes aux idéaux du mouvement : ses créations les plus achevées sont financièrement inaccessibles au plus grand nombre, et à l’inverse ses tentatives de standardisation cadrent mal avec son vocabulaire très personnel. C’est finalement complètement oublié qu’il s’éteint à New York en 1942, où la crainte de la guerre l’avait fait s’exiler (sa femme est Juive).
Après de trop nombreuses destructions, des explorateurs isolés (les premiers « hectorologues ») partent à redécouverte de l’artiste et de son univers vers les années 1960-1970 et reconstituent patiemment son histoire. Si l’essentiel à été fait de ce point de vue, il reste que, cent ans après le « geste magnifique » de l’art nouveau (Le Corbusier), la plupart des édifices d’Hector Guimard demeurent inaccessibles au public, et qu’un musée Guimard n’a toujours pas été inauguré en France.
Il émigra aux États-Unis avant la guerre, et il mourut à New York. Malheureusement, plusieurs de ses entrées de métro furent démantelées, dont les plus spectaculaires, mais celles qui subsistent sont classées monuments historiques.
(d’après les sites Internet)