Arts et culture
Jean-Paul Gaultier – l’enfant terrible de la mode
« Je défends une chose : ne pas avoir honte de sa différence, de ses origines »
Jean-Paul GAULTIER
1954-1970 : les premiers pas du môme d’Arcueil
Le jeune couturier naît à Arcueil, en banlieue parisienne, le 24 avril 1954. À cette époque, rien ne semble le prédisposer à devenir une pointure de la mode : son père est comptable, sa mère caissière d’un restaurant d’entreprise. Et pourtant, le jeune Gaultier ne tarde pas à mettre la main à manier l’aiguille. Son inspiration première : l’univers de sa grand-mère.
Dans les malles de son aïeule, le couturier en culotte courte découvre les attributs féminins, ces corsets qui deviendront sa marque de fabrique. À l’âge de 6 ans, il tente ses premières expériences de mode sur Nana, son ours en peluche.
Dès lors, Jean-Paul Gaultier n’arrête pas de créer, bénéficiant toujours du soutien précieux de ses parents mais aussi d’une voisine, rédactrice au Petit Écho de la mode qui lui propose, à l’âge de 15 ans seulement, de croquer une collection pour enfants. Son adolescence est ainsi bercée d’expérimentations mais aussi de cinéma. Fasciné par le septième art d’entre deux guerres, Jean-Paul Gaultier sera notamment amené à voir Falbalas, un film de 1945 où Jean Becker met en scène une Micheline Presle – terriblement féminine – dans l’atelier d’un grand couturier. Pour l’autodidacte, c’est un véritable déclic : peu après, il se décide à envoyer un carnet de croquis aux ateliers de Pierre Cardin.
1970-1980 : un couturier est né
La première opportunité professionnelle ne se fait pas attendre. Le jour même de ses 18 ans, Jean-Paul Gaultier intègre les ateliers de Pierre Cardin. Il y reste un peu moins d’un an avant de faire un passage éclair chez Jacques Esterel. En 1971, le jeune apprenti rejoint l’équipe de Jean Patou.
En 1974, le jeune créateur revient à la case départ, chez Pierre Cardin. Il est alors envoyé à Manille, où il a la charge de créer les collections de la maison destinées aux États-Unis. Aux Philippines, Gaultier fait une rencontre décisive en la personne de Francis Ménurge, un juriste, son pygmalion. Ce dernier devient le bras droit du couturier l’encourageant à monter sa propre griffe, lui proposant un regard critique, sans complaisance sur ses créations.
Quelques mois plus tard, Jean-Paul Gaultier lance enfin sa première collection, au Palais de la Découverte à Paris. À l’époque, la ligne passe presque inaperçue et pourtant les bases du succès sont là : un perfecto en cuir noir porté sur un long tutu en tulle. Chez Gaultier, la tendance est déjà à la ligne motard-rock. En 1976, la marque est donc lancée. Pourtant les débuts sont difficiles : le créateur donne naissance à sa ligne Grease en 1978 et manque de peu de tout abandonner faute de soutien financier. Le salut viendra du Japon : Jean-Paul Gaultier est choisi pour créer une ligne pour le groupe Kashiyama. Le succès est immédiat. « L’enfant terrible de la mode » prend son envol.
1980-2006 : les clés du succès
Les années 1980 marquent l’avènement de l’empire Gaultier. Le clé de ce succès : une vision révolutionnaire de la mode.
Si Jean-Paul Gaultier a su s’imposer sur la scène parisienne du luxe, c’est avant tout car il a su, 30 ans durant, prendre la mode à contre-pied. Au début des années 1980, il recycle ainsi des boîtes de conserve pour donner naissance à une collection « éthique » avant l’heure. Mais c’est surtout à partir de 1983 que Jean-Paul Gaultier sort du lot : il crée « l’Homme Objet » et sa fameuse marinière, puis, un an plus tard, la jupe pour hommes et la mode unisexe.
La même année, les robes aux seins coniques apparaissent dans la collection Barbès : les codes de la maison s’imposent progressivement. Au fil des collections, Jean-Paul Gaultier met un point d’honneur à estomper les barrières entre les sexes et les cultures, avec un zeste de provocation, sans jamais pencher dans le prosélytisme. En 1993, il rend hommage à la communauté juive avec la collection des Rabbins chics ; en 1994, il consacre sa ligne aux Piercings et Tatouages, à une époque où le phénomène est encore méconnu du grand public. Bref, Jean-Paul Gaultier a toujours su être là où on ne l’attend pas.
L’innovation, la surprise : ces qualités ont su séduire les artistes et les stars, fervent entourage du créateur. L’histoire d’amour entre Jean-Paul Gaultier et le monde du spectacle commence dès 1985. Le couturier donne alors naissance aux costumes de Défilés, le nouveau spectacle de la chorégraphe Régine Chopinot. Une première qui fait à l’époque son brin d’effet. Résultat : les commandes se multiplient et se font toujours plus prestigieuses. En 1990, le jeune couturier crée l’ensemble des costumes du Blond Ambition Tour de Madonna ; en 1994, il s’attaque à la panoplie vestimentaire de Kika, héroïne de Pedro Almodovar puis de La Cité des enfants perdus, long-métrage de Caro et Jeunet ; en 1997, il se met à l’ouvrage sur les costumes du Cinquième Elément de Luc Besson.
Diversifier
pour mieux règner
L’expansion de sa maison, Jean-Paul Gaultier la doit avant tout à deux hommes : son compagnon de toujours, Francis Ménurge, et son ami d’enfance devenu un temps directeur général de la maison, Donald Potard. Le premier structure l’entreprise et développe des licences dès les années 1980. Le second encourage Jean-Paul Gaultier à oser la diversification en prenant position sur le marché très lucratif du parfum. C’est ainsi qu’en 1993 naît Jean-Paul Gaultier, la première senteur pour femmes du créateur.
Le succès est immédiat et ce n’est qu’un début ! En 10 ans, le couturier donne naissance à 2 autres jus puis à la première ligne de maquillage exclusivement dédiée à l’homme : Tout Beau, Tour Propre. En 2004, la ligne n’a qu’un an et plus d’un million de produits ont été écoulés. Côté prêt-à-porter, la tendance est aussi à l’expansion : la ligne Junior Gaultier née en 1988 laisse sa place à JPG by Gaultier, l’enseigne Gaultier Jeans voit le jour en 1992, suivi de Jean-Paul Gaultier Fourrure et enfin de la ligne unisexe Gaultier2, en 2006. Rien ne semble résister à Gaultier.
D’autant que les années 1990 sont pour Jean-Paul Gaultier l’occasion de se faire plaisir. En 1997, Jean-Paul Gaultier décide de se lancer dans la haute couture. Un challenge de taille tant la production de ses lignes ultra luxueuses coûtent chère. Pour subvenir à ses besoins, Jean-Paul Gaultier s’associe à Hermès qui prend part au capital de la jeune entreprise à hauteur de 35 %.
Si Gaultier cède ainsi sur le terrain de l’indépendance, il sort grand gagnant sur le plan créatif. En 2003, l’enfant terrible de la mode devient directeur artistique de la maison cavalière. Une consécration qui complète à merveille un bilan éloquent : en 30 ans de carrière, Jean-Paul Gaultier dirige une entreprise de plus de 180 personnes, pour un chiffre d’affaires supérieur, en 2004, à 30 millions d’euros.