Je vous salue, ma France
Jeanna AROUTIOUNOVA
Voyage au Pays des gourmets
(Suite. Voir N°1, 3, 5, 6/2007)
Pain
Pour tous les Français, le pain a d’abord une valeur symbolique. Ne doit-on pas gagner son pain à la sueur de son front ?1 Combien de fois a-t-on mangé trop vite son pain blanc2 n’ayant plus devant soi que du pain noir ? Tout cela pour dire qu’on ne peut imaginer un repas sans pain. Chaque province, chaque village parfois, propose sa propres recette pour accompagner ses spécialités. Toujours faits à partir de farine de blé, de froment ou de seigle, les pains se présentent aujourd’hui sous d’innombrables variétés, aux noix, aux raisins, au cumin, au fromage et même aux algues ; pains brillés, complets, grillés, pains dits « de campagne », pains de mie. Leurs formes sont innombrables : flûtes, baguettes, bâtards, bateau, miches, couronnes, pains en épi, fougasses, brioches, pognes, porte-manteau, etc. La consommation de pain a subi une baisse régulière : 165 gr par jour et par personne en 2001, contre 200 gr en 1980, 500 gr en 1945. Elle se maintient aujourd’hui grâce à la croissance des spécialités (pain complet, aux raisins, aux noix...) Les hommes consomment deux fois plus de pain que les femmes, les cadres supérieurs deux fois moins que les agriculteurs. La baguette représente encore 80 % des achats.
Le pain d’Henri IV
C’est le pain sur lequel étaient gravés deux poulets, offert par le meunier Théodore au roi Henri IV en l’honneur du souverain et d’une de ses maîtresses.
Le pain Napoléon
C’est le pain créé par un boulanger du faubourg Saint-Denis à la suite d’une altercation entre sa femme et l’empereur Napoléon.
Le pain à la reine
C’est le pain fendu fait avec une pâte moyenne appelée encore pâte bâtarde. Enrichi de sel, de lait et bientôt de levure de bière, apprécié par Marie de Médicis, il prend en 1630 le nom de pain à la Reine.
Le pain Saint-Esprit
C’est le pain distribué aux pauvres pendant la semaine de la Pentecôte.
Le pain d’épice
Les cavaliers de Gengis Khan recevaient, dit-on, du pain d’épice dans leurs rations militaires. De Dijon ? C’est improbable, mais il s’agissait sûrement d’une denrée aussi dure et intraitable. Car c’est un roc, un « pavé de santé » qui résiste à la dent mais qui fond sous la langue. Préparé avec de la farine de seigle, du miel et des épices, ce gâteau de couleur brune apparaît à Dijon au Moyen Âge. Son identité s’affirme au XVIIIe siècle. Cette production (750 tonnes par an) n’a pas disparu et reste artisanale. Sous de jolies faveurs bleues ou roses, il prend la forme d’un sabot, d’une bûche de Noël, d’une cloche, d’un poisson ou d’un escargot.
Le pamplemousse
Découvert en Jamaïque vers 1800, le pamplemousse provient d’un croisement ancien entre le citron et le vrai citrus grandis d’Asie. C’est la Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales qui embarqua « l’original » à bord de ses navires en direction de ses comptoirs dans les Antilles à la fin du XVIIe siècle. À cette époque, le fruit né de ce croisement était absolument immangeable. C’était une curiosité botanique dont on présumait par contre de grandes propriétés médicinales.
Paris-Brest
C’est un pâtissier de la Région parisienne qui a voulu honorer la course Paris-Brest en faisant gâteau en forme d’une roue de bicyclette. Il a été créé à peu près dans les environs 1891.
Pêches melba
Cette recette est réalisée pas Auguste Escoffier, grand chef et auteur de nombreuses recettes, à l’Hôtel Savoy de Londres pour Nellie Melba, célèbre cantatrice : de la glace vanille est servie avec des pêches coupées à moitié, pochées et nappées de crème Chantilly.
Poires belle-hélène
Ce sont des poires pochées et nappées d’une sauce chaude au chocolat. Leur nom se réfère à la célèbre opérette d’Offenbach.
Pojarski
Le nom d’un plat de la côte de veau (dont la chair est hachée) et, par extension, d’une côtelette reconstituée, à base de blanc de volaille ou de saumon, farinée ou panée à l’anglaise, et enfin sautée au beurre clarifié. Les kotliety pojarskié sont une préparation de la cuisine russe classique, qui portent le nom de leur créateur, Pojarski, un aubergiste du début du XIXe siècle réputé pour ses boulettes de viande hachée. À l’origine, ces boulettes étaient faites avec du bœuf et plaisaient fort à l’empereur Nicolas Ier, qui arriva un jour à l’improviste chez Pojarski : celui-ci lui servit alors des boulettes de veau qui séduisirent tout autant le tsar, d’où leur succès.
La pomme de terre
La pomme de terre est aujourd’hui le légume le plus consommé en France. Il en existe près de 4 000 variétés. Mais ce tubercule, parti du Pérou à la conquête du monde, découvert en France par l’agronome Antoine Augustin Parmentier, n’a pas été facilement accepté. Considéré un aliment pauvre, ce n’est qu’à l’époque de Louis XIV, qui cherche un substitut du pain à cause de la famine, qu’il entre dans l’alimentation française. Il en existe de nombreuses espèces. Les unes ont une chair molle. Elles sont peu utilisées pour la cuisine, mais servent à préparer les flocons et les purées-minute. Les autres, à chair ferme, entrent dans de multiples recettes. Pommes pailles, allumettes, chips, pommes frites, sont parmi les modes de préparation les plus appréciés par les consommateurs.
Poulet Gaston-Gérard
Un jour, Curnonsky (Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky) rendit visite à Gaston Gérard, maire de Dijon. Sa première épouse avait prévu un poulet au vin blanc et au fromage de comté. Elle laissa par mégarde tomber la boîte de paprika dans la casserole. Pour rattraper la situation, elle ajouta de la crème. Bon « prince des gastronomes », Curnonsky en fut émerveillé : une recette était née à Dijon, celle du poulet Gaston-Cournonsky.
Prince-Albert
C’est le nom d’un plat de filet de bœuf dédié à l’époux de Victoria, reine de Grande-Bretagne et d’Irlande de 1837 à 1901. La pièce de viande est fourrée de foie gras cru aux truffes, braisée avec une fondue de légumes puis mouillée de porto ; la garniture se compose de truffes entières.
Puits d’amour
C’est une petite pâtisserie ronde faite d’une abaisse de pâte feuilletée et surmontée d’une couronne de pâte à choux, ces deux pâtes étant cuites ensemble ; le centre est garni, après cuisson, de crème pâtissière vanillée ou pralinée, caramélisée au fer rouge, ou encore de confiture.
Rachel
Ce nom est donné à divers apprêts de cuisine classique d’après le pseudonyme de la grande tragédienne Elisabeth Felix, qui fut la maîtresse du docteur Véron, éminent gastronome dont les dîners sont restés célèbres. La garniture Rachel est faite de fonds d’artichaut garnis de lames de moelle et de persil haché, avec une sauce bordelaise ou à la moelle. On retrouve les fonds d’artichaut, avec d’autres ingrédients, dans la salade composée Rachel. Les filets de sole Rachel sont masqués de farce, garnis de lames de truffe, pliés, pochés, dressés en couronne et garnis de pointes d’asperge vertes et de truffes hachées.
Romanov
Ce nom est donné à divers apprêts de grande cuisine classique, dédiés, au début du XXe siècle, à la famille impériale de Russie. La garniture Romanov pour grosses pièces de boucherie associe des tronçons de concombre, farcis de duxelles et gratinés, et des croustades en pomme duchesse, remplies d’un salpicon de champignon et de céleri-rave, lié de velouté réduit, condimenté au raifort. Les fraises Romanov sont macérées au curaçao et dressés en coupes, avec un décor de crème de Chantilly.
Rossini
Gioacchino Rossini (1792-1868), compositeur italien. Sa gourmandise a laissé une empreinte dans la gastronomie. Le nom de Rossini est donné aux apprêts où sont associés foie gras et truffe, généralement saucés de demi-glace. L’appellation concerne surtout le tournedos sauté, dont le compositeur aurait indiqué la recette au chef du Café Anglais. La truffe se retrouve également dans une sauce pour la salade, dont Rossini donna lui-même la composition.
Rubens
C’est la sauce préparée à partir d’une brunoise de légumes mouillée au vin blanc puis réduite, additionnée de fumet de poisson, mijotée, passée, dégraissée et à nouveau réduite. Cette préparation est ensuite aromatisée au madère, liée aux jaunes d’œuf, puis montée au beurre rouge et complétée par un filet d’essence d’anchois.
Russe (à la)
Se dit surtout de crustacés ou de poissons lustrés de gelée, masqués de sauce chaud-froid ou de mayonnaise collée et accompagnés de salade russe. On qualifie aussi de « russe » une sauce pour crudités et poissons froids, faite d’une mayonnaise au caviar, éventuellement mélangée avec les parties crémeuses d’un homard ou d’une langouste. Enfin, certains apprêts « à la russe » (cornichons, harengs, kacha) sont réellement inspirés des traditions slaves.
Le Saint-Honoré
Le saint-honoré, tout le monde le connaît. Le fameux gâteau, garni de crème Chantilly et de petits choux caramélisés, est apprécié par les grands et les petits. Sur l’origine de son nom on avance deux hypothèses : un hommage au saint Honoré, patron des boulangers et des pâtissiers, ou le nom de la rue Saint-Honoré, où travaillait le pâtissier Chiboust, qui pourrait être l’inventeur de ce délice.
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1 Gagner son pain à la sueur de son front – зарабатывать свой хлеб в поте лица
2 Manger son pain blanc le premier – начать с лучшего