Une drôle d’époque (1958-1969)

« C’est le temps de l’amour le temps des copains et de l’aventure
Quand le temps va et vient on ne pense à rien malgré ses blessures,
Car le temps de l’amour c’est long et c’est court ça dure toujours,
on s’en souvient… »

Jacques Dutronc, C’est le temps de l’amour

Dans les années 1960 (on les appelle aussi les années « sixties », à l’américaine), la France est heureuse. L’occupation est loin, tout a l’air de rentrer dans l’ordre. Et ça rassure. Les concierges sont encore des personnages. Le métro propose à ses clients deux classes : la première et la seconde. L’Église catholique joue encore un rôle important, être un enfant comporte des règles sévères (« fais pas ci, fais pas là », comme chante le jeune Jacques Dutronc).

Dans les cabines téléphoniques on compose le numéro désiré en entrant son index dans les mini-anneaux du cadran. C’est poétique : trois lettres, quatre chiffres. Par exemple : VAU-43-87 pour appeler quelqu’un dans le quartier de Vaugirard ou bien BAB-05-22 dans celui de Babylone.

« C’est le temps de l’amour, le temps des copains et des aventures ». On goûte à l’insouciance et à la jeunesse. Les enfants du baby-boom grandissent, les jeunes commencent à regarder au-delà du nid familial sans que les parents s’en aperçoivent. La société française ne se rend pas compte que la nouvelle génération, celle des adolescents, est en train de naître. Et que c’est cette génération qui va bientôt imposer ses règles de jeu. Les Français ont le cœur en fête, malgré les grognements des politiques et des journalistes qui annoncent déjà que la toute jeune Ve République est mal partie. Peu importe. Il y a les signes d’une nouvelle ère. Ils sont nombreux.

Les progrès sont multiples : peu de chômage, pas de pauvreté non plus, fin de l’inflation, l’enrichissement, le développement des villes, l’arrivée dans les boutiques et les supermarchés nouveaux de produits nouveaux, eux aussi.

Les progrès technologiques facilitent de plus en plus la vie quotidienne. Les Français moyens commencent à connaître le confort à l’américaine : voiture, réfrigérateur, télévision dans chaque foyer.

Et ce qu’il y a surtout de nouveau dans ces années-là, c’est la naissance de ce que l’on continue d’appeler aujourd’hui « la société de consommation ». C’est-à-dire, une société dans laquelle on apprend à acheter des choses qui ne sont pas forcément nécessaires.

Le temps est à l’espoir et au bonheur. Le monde de spectacle fait naître une nouvelle industrie, le show-business, qui répond avec succès à cette recherche du bonheur, un bonheur superficiel, mais qui correspond à des aspirations réelles.

Le nouveau franc entre en vigueur le 1er janvier 1960 et remplace l’ancien franc (1 nouveau franc = 100 anciens francs).

Le général de Gaulle est rappelé au pouvoir pour régler le problème algérien, qui devient une « sale guerre ». Les Français ont finalement raison d’être confiants : de Gaulle saura mettre fin à cet interminable conflit. Mais à quel prix ? L’Algérie deviendra indépendante dans la douleur et dans la tragédie. La France se trouvera même au bord de la guerre civile. Elle en demeurera meurtrie pour longtemps. Quoi qu’il en soit, les accords d’Evian¹ , signés le 18 mars 1962, annonceront la fin de 132 années de présence française en Algérie. À partir de cette date, les Français aspirent à tourner la page de la guerre.

Ah, ce sacré de Gaulle ! Le 12 septembre 1962, il annonce sa volonté de modifier le mode d’élection du président : celui-ci sera élu au suffrage universel direct, c’est-à-dire par tous les Français en âge de voter. En 1965, l’élection présidentielle au suffrage universel direct est mise en pratique pour la première fois. Tout a l’air d’aller bien.

Mais, en 1968, les jeunes érigent des barricades pour transformer le Quartier Latin à Paris en champs de bataille entre les étudiants et la police. La grève générale paralyse la France…

Les années 1960 sont une drôle d’époque, très médiatisée, mais finalement mal connue. Elles brillent de mille feux mais sont perçues comme la période de la légèreté agréable, sympathique, colorée. Qui aurait pu dire qu’elles se termineraient d’une façon aussi dramatique ? Toute cette décennie est d’ailleurs à cette image : une face blanche, une face noire. Elle se termine en 1969 ; cette année-là, le Général prend sa démission et quitte définitivement la vie politique.

Décidément, une drôle d’époque. Essayons donc d’y plonger !

¹ Évian-les-Bains est le chef-lieu du, en Haute-Savoie, en France, sur les bords du lac Léman. Évian est surtout connu pour son eau minérale, exploitée par la Société Anonyme des Eaux minérales d’Évian.