Je vous salue, ma France
Charles de Gaulle (1890-1970)
Le plus grand Français de tous les temps
« Ce qu’il y a en moi d’affectif, imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle… »
Charles de GAULLE Mémoires de guerre
Général et homme politique français, symbole de la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, homme providentiel en 1958, fondateur et président de la Cinquième République, Charles de Gaulle est un des personnages incontournables du XXe siècle.
C’est en 2005, que lors d’une émission diffusée en direct du Sénat sur France 2, les téléspectateurs étaient invités à désigner le plus grand Français de tous les temps parmi une liste de dix personnalités célèbres. C’est le général de Gaulle qui a été élu. Il est étonnant en effet que trente-sept ans après sa mort de Gaulle soit si présent. Trente-sept ans après sa mort, il provoque encore passions, débats, querelles, voire procès... Pourquoi ?
Est-ce parce que derrière de Gaulle, se pose la France et son histoire glorieuse et douloureuse ? Est-ce parce que de Gaulle est la figure française qui résume le mieux le XXe siècle, avec toutes ses parts d’ombre et de lumière ? Est-ce parce que de Gaulle est le symbole de ce qui est fort et volontaire dans une période qui doute ?
On dit qu’il ne reste de lui et de sa légende qu’un adjectif « gaulliste ». On dit aussi que le romantisme gaullien convoque les fantômes de Jeanne d’Arc et de Napoléon Bonaparte. Dans tous les cas, le général de Gaulle donne l’exemple d’un héros qui s’inscrit de manière définitive dans la grande lignée de ceux qui ont fait l’histoire de France. C’est le fait que l’on ne peut pas nier. Cela n’empêche pas que tel ou tel point de sa vie, avec ses erreurs et ses faiblesses, ou de sa politique puissent être discutés.
On ne peut que s’incliner devant de Gaulle qui a sauvé l’honneur de la France en 1940 et lui a épargné sans doute deux guerres civiles, en 1945 et en 1958. On ne peut s’empêcher de voir « un autre de Gaulle », moins héroïque et plus antipathique : un monarchiste devenu républicain, un stratège dur, glacial, enfin, un homme injuste et parfois vindicatif jusqu’à la mesquinerie. Bref, un personnage humain, trop humain qui passionne…
Une brillante carrière
Charles de Gaulle naît à Lille en 1890. Sa famille du côté paternel est issue de la petite noblesse normande, était parisienne depuis plus d’un siècle, du côté maternel.
Fils du professeur de lettres et d’histoire, Charles de Gaulle choisit la carrière militaire et entre à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (1908). Après sa sortie de Saint-Cyr en 1912, il poursuit une brillante carrière sous la protection du prestigieux Philippe Pétain, colonel puis général et enfin maréchal.
À la déclaration de la guerre, le 2 août 1914, le lieutenant de Gaulle rejoint les armées du Nord-Est. Blessé trois fois au combat, il est fait prisonnier par les Allemands. Enfermé dans une citadelle, il tente de s’évader, mais est chaque fois repris. Il faudra qu’il attende l’armistice, le 11 novembre 1918, pour être libéré.
De Gaulle a à peine retrouvé les siens, en décembre 1918, qu’il est envoyé en Pologne pour participer à la formation de la nouvelle armée chargée de lutter contre l’Armée rouge. À son retour en 1921, il épouse Yvonne Vendroux, qui lui donnera trois enfants.
Le capitaine de Gaulle poursuit sa carrière militaire et commence à s’initier aux affaires de l’État : en 1931, il est affecté au secrétariat général de la Défense nationale à Paris. Il participe au cabinet du maréchal Pétain et publie trois ouvrages : Le Fil de l’épée (1932), Vers l’armée de métier (1934), La France et son armée (1936) où il déclare ses convictions nationalistes et monarchistes, sa foi dans la vocation coloniale de la France et réfléchit aux relations entre l’armée et la politique. Deux idées majeures sont développées dans ces ouvrages : 1) l’armée doit être soumise aux décisions des hommes politiques ; 2) il est nécessaire, pour la défense de la France, de constituer un corps de blindés (chars). Ce corps blindé appuyé par l’aviation, devrait être constitué de soldats professionnels, bien formés.
Les idées du jeune militaire sont complètement opposées à celles que défend l’état-major et ne trouvent pas de compréhension chez les hommes politiques.
Nommé colonel en 1937, promu général en 1940, de Gaulle propose la même année, alors que la défaite française est inévitable, que le gouvernement se replie hors de la métropole pour continuer la lutte, mais s’oppose aux partisans de l’armistice (Pétain). C’est pendant ces jours dramatiques de mai et juin 1940 qui voient l’invasion de la France par les troupes de Hitler, que les destins de Charles de Gaulle et Philippe Pétain vont se séparer à jamais.
L’homme du 18 juin
Le 17 juin, à l’annonce de l’armistice, le jeune général de Gaulle s’envole pour Londres où, dès le lendemain, sa voix devient celle de la Résistance. Il lance à la radio le fameux appel du 18 juin, demandant aux Français de poursuivre le combat aux côtés de la Grande-Bretagne : « Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas… »
Refusant de rentrer en France, le gouvernement de Pétain le fait juger et condamner à mort par contumace 1 (1940).
Reconnu par le Premier ministre britannique, Winston Churchill, de Gaulle organise des forces armées qui deviendront les Forces françaises libres (FFL), et constitue en octobre 1940 le Comité de défense de l’Empire. Afin de renforcer sa position auprès des Alliés, il s’appuie sur la Résistance de l’intérieur, dont il cherche à diriger et à coordonner l’action. Ses efforts aboutissent grâce aux missions du préfet Jean Moulin (1899-1943) qui dirigera le Conseil national de la Résistance (CNR). En novembre 1943, de Gaulle organise la réunion d’une Assemblée consultative et transforme le Comité de libération en Gouvernement provisoire de la République française (juin 1944), afin de faire respecter les droits de la France auprès des Alliés. Après le débarquement allié en Normandie (juin 1944), de Gaulle fait une entrée triomphale dans Paris libéré (août 1944.)
Le douloureux rétablissement du pays
S’imposant comme chef politique, de Gaulle met toute son énergie dans le rétablissement du pays libéré et reconstitue l’armée française qui participe aux derniers combats aux côtés des Alliés. Il organise également l’épuration des collaborateurs qui tourne rapidement en règlement de comptes. À partir d’août 1944, partout en France, ceux qui ont collaboré, ou sont soupçonnés de l’avoir fait, vont subir le même sort : ou bien ils sont fusillés (il y aura entre 30 000 et 40 000 exécutions) ou bien ils sont emprisonnés. Les femmes-collaboratrices sont tondues et promenées dans les villages ou les villes sous les houées et les crachats des habitants. Il ne suffit qu’une dénonciation anonyme pour être soupçonné. Une confusion vengeresse, proche de l’anarchie s’empare du pays. On est à deux pas de la guerre civile.
C’est donc pour échapper à la guerre civile qui menace la France, que de Gaulle, élu unanimement président du Gouvernement provisoire de la République française, change de politique : il évite soigneusement d’évoquer la Collaboration et tente de réduire la fracture. C’est cette attitude qu’on lui reproche aujourd’hui et qu’on estime inadmissible. Quant au cas de Maurice Papon, préfet de Paris sous de Gaulle, celui-ci a sérieusement entamé la réputation gaullienne de la Résistance.2 Mais ce n’est pas tout : toujours convaincu du « rôle positif » de la politique coloniale de France, le général de Gaulle rétablit également la position internationale de l’Empire. Il réprime dans le sang une manifestation d’Algériens réclamant l’autonomie de leur pays et restaure tant bien que mal l’autorité du gouvernement français sur l’Indochine.
La « traversée du désert »
Le général de Gaulle se trouve cependant en désaccord avec l’Assemblée nationale sur la conception de l’État et le rôle des partis politiques. Il se croit avoir rempli la mission qu’il s’est donnée le 18 juin 1940 : libérer la France, restaurer la République, organiser des élections libres et démocratiques, entreprendre la modernisation économique et sociale. Il préfère alors s’en aller, prend sa démission le 20 janvier et 1946. Il se retire de la vie politique en 1953 et vit dans sa propriété de Colombey-les-Deux-églises où il rédige ses Mémoires de guerre.
Le gouvernement provisoire est remplacé un an plus tard par la IVe République, conduite par des dirigeants modérés. C’est l’époque du renforcement des partis politiques et de l’instabilité ministérielle. De 1946 à 1958, on ne comptera pas moins de vingt-cinq gouvernements !
La « traversée du désert » du général de Gaulle dure 5 ans : en 1958, il est rappelé aux affaires du pays. La France entre dans ses années de Gaulle.
1 En absence de l’accusé.
2 En février 1981, on découvre aux archives départementales de la Gironde, des documents préfectoraux de l’Occupation, dont ceux du Service des Questions Juives de Bordeaux, qui a contribué à la déportation de 1 660 personnes dont des enfants et des personnes âgées, entre 1942 et 1944. Avec la signature omniprésente de Maurice Papon (1910–2007), alors ministre du Budget. La plupart des victimes ont été déportés à Auschwitz.
Préfet de police de Paris entre 1958 et 1967, Papon est également connu pour son rôle capital dans la répression sanglante des manifestations pacifiques du 17 octobre 1961 et du février 1962.
Papon est jugé pour complicité de crimes contre l’humanité.
Laissé en liberté provisoire au début de son procès, Maurice Papon s’enfuit en Suisse en octobre 1999. Maurice Papon , condamné à 10 ans de réclusion criminelle, est emprisonné, puis remis en liberté 3 ans plus tard, en raison de son état de santé. Il est mort en février 2007, à l’âge de 96 ans.