Je vous salue, ma France
La Guerre d’Algérie et les accords d’Evian (1954-1962)
De l’Indochine à l’Algérie
La décolonisation touche la France de la IVe République. Tous les pays colonisés déclarent leur volonté d’émancipation : l’Asie, le Maghreb, l’Afrique noire. Mais les Français prennent mal la perte de l’Empire : ils sont inquiets de l’affaiblissement de la France. En Indochine, le conflit entre les soldats français et vietnamiens dure depuis 1946. Le 7 mai 1954, la France conclut enfin la paix et quitte l’Indochine. Quelques mois après, c’est l’Algérie qui prend à son tour les armes. La guerre d’Algérie qui prendra le nom de « sale guerre » et qui provoquera la chute de la IVe République, commence.
Pourquoi la guerre en Algérie ?
Par son histoire, l’Algérie est un des territoires auxquels la France se sent la plus attachée. La colonisation de l’Algérie séduit depuis le XIXe siècle nombre de Français qui viennent développer l’agriculture et l’industrie de ce pays et finissent par s’y installer. Ce sont les colons.1 Ils ne sont pas nombreux : 984 000 personnes, dont 80 % sont nées en Algérie même, ce qui explique leur attachement à cette terre et leur sentiment de refus de son indépendance.
Après la conquête qui dure de 1830 à 1843, l’Algérie n’est pas une simple colonie, mais devient en 1848 un département français. Depuis 1896, l’Algérie est la terre française. Mais son statut reste très différent des départements de la métropole : les Algériens musulmans sont privés de droits politiques. Une injustice difficilement tolérée par ces derniers, étant donné que la population musulmane reste majoritaire (on compte 8,4 millions) et seuls 2 millions d’entre eux ont un niveau de vie comparable à celui des Européens, les autres souffrent de la pauvreté et d’une scolarité insuffisante (seuls 18 % des enfants musulmans vont à l’école).
Par ailleurs, au niveau international, l’heure est à l’émancipation des anciennes colonies : la France a reconnu l’autonomie du Vietnam, du Maroc et de la Tunisie. L’Algérie aspire à l’indépendance à son tour.
L’Insurrection
Le 10 octobre 1954, les Algériens créent le Front de Libération Nationale (FLN), dirigé par Ahmed Ben Bella (il deviendra le premier président de la République algérienne indépendante) et réclament l’indépendance de leur pays.
Le 1er novembre 1954, le FLN lance une insurrection armée contre les Français en commençant une série de sabotages, d’attaques de bâtiments civils et d’attentats. Pour le gouvernement français, c’est une rébellion qu’il faut tuer dans l’œuf. Selon les Français qui résident en Algérie, l’Algérie est et restera française. Mais malgré la présence de 400 000 militaires, la France ne parvient pas à écraser la rébellion. Les attentats et les massacres effectués par les indépendantistes algériens n’en finissent pas. En réponse, les Français arrêtent le dirigeant du FLN Ben Bella.
Le 7 janvier 1957, 8 000 parachutistes français entrent dans la ville. Ils sont commandés par le général Massu. La 10ème DP (division parachutiste) reçoit la mission de « pacifier » Alger, où la tension est extrême. Le FLN réagit à l’arrivée des parachutistes dans la ville par les attentats, causant des dizaines de victimes. C’est alors que les hommes de Massu procèdent à des arrestations massives. Massu encercle la ville. Les quartiers arabes sont bouclés. Les Français interpellent des suspects par centaines. L’armée française n’hésite même pas à employer les tortures.
Le problème de la torture en Algérie avait été évoqué depuis déjà 1955. François Mauriac avait publié dans L’Express un article sur la question. Mais c’est avec la bataille d’Alger que le débat va réellement toucher l’opinion publique. Les syndicats, les églises, les familles vont se diviser. Et le clivage entre ceux qui comprennent le recours à la torture et ceux qui pensent que l’Algérie doit rester française à tout prix va dépasser les habituelles frontières politiques.
Entre temps, des soldats français combattant pour une cause qu’ils ne comprennent pas, ne veulent pas faire leur service militaire en Algérie, la guerre leur fait peur, ils s’en dégoûtent de plus en plus. Tout cela contribue largement à rendre impopulaire le thème de l’Algérie française. C’est la crise de la société française.
La crise du pouvoir
C’est dans ce climat que le 9 mai, 1958, le FLN exécute huit prisonniers français. Le 13 mai 1958, des Français résidant en Algérie et forcément partisans de l’Algérie française forment à Alger le Comité de salut public, appelant de Gaulle à revenir au pouvoir à Paris.
De Gaulle se rend à Alger. Il cherche la solution du problème. Mais ces propositions n’ont aucun effet sur les Algériens. Alors en 1961, de Gaulle organise un référendum sur l’Algérie : 75 % des Français disent « oui » à l’autodétermination de la colonie française. Mais les partisans de l’Algérie française, en colère contre la politique de de Gaulle, tentent de prendre le pouvoir à Alger. Le 22 avril 1961, ils organisent un putsch des généraux français et se regroupent dans un mouvement clandestin d’extrême droite – l’OAS2 qui multiplie les attentats en Algérie et en métropole. Depuis le mois d’août, l’OAS se montre de plus en plus active : attentas, incendies, enlèvements se multiplient en France comme en Algérie.
17 octobre 1961. Nuit tragique à Paris
La tension entre les policiers français et les indépendantistes algériens culmine lors de la nuit meurtrière du 17 octobre 1961. Ayant interdit la circulation de tout Algérien la nuit, Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, provoque une manifestation nocturne du FLN le 17 octobre. Les forces de l’ordre affrontent alors les manifestants sans ménagement : on compte 200 victimes de cette nuit tragique. Le souvenir de la nuit du 17 octobre s’inscrit dans la longue suite de drames des relations franco-algériennes.
2 L’Organisation armée secrète était une organisation française politico-militaire clandestine, dont l’action concrète a principalement relevé du terrorisme. Créée le 11 février 1961, elle regroupait les partisans du maintien de la présence française en Algérie.