Je vous salue, ma France

Pierre Montagnon: La « Nostalgérie » des pieds-noirs

Les mois qui suivent les accords d’Evian voient l’exode de nombreux Français, tous nés et grandis en Algérie. Ainsi, quarante ans après un exode dramatique, ces Français sont oubliés et souvent caricaturés. Nombreux étaient ouvriers, enseignants, chefs d’entreprise, commerçants. L’exil est toujours cruel. Ils ont longtemps porté le deuil de leur Algérie, mère trop aimée, qui les a chassés. Ce sera la colère, l’incompréhension, l’amertume. Ils ont tout perdu : leur terre natale, le soleil, les plages, les matins montagnards, l’intimité des petites villes, les amis disparus. Et voilà qu’ils perdaient même leur identité. Ils étaient Français en Algérie, ils ne l’étaient plus en France. Ils apprenaient qu’ils étaient devenus des immigrés, des étrangers, en un mot des « pieds-noirs ».

L’accueil qu’ils ont reçu en France était hostile. On disait à la radio que ces pieds-noirs, avec leur accent mal perçu, étaient venus en France pour prendre le travail et les propriétés des Français. Parce que eux, semble-t-il, n’étaient plus de vrais Français, mais des Algériens-Français, Français d’Algérie ou même Françalgériens.
Les pieds-noirs ont alors commencé à rechercher les gens de leur région, de leur ville, de leur village. Ils ont mis des annonces dans les journaux pour tenter de retrouver parents et amis.

Peu à peu, la vie va s’arranger. Mais l’Algérie restera toujours le pays dont ils seront toujours nostalgiques. La nostalgie amère de l’exile va faire place à ce qu’on appellera « la Nostalgérie », un très joli mot pour une nostalgie, mais aussi un tendre souvenir du passé.

(d’après Le drame des Français d’Algérie hier et aujourd’hui,
Historia, N°613, janvier 1998)