Je vous salue, ma France
La révolution ou la chienlit ?
En quelques jours,
alors que le général de Gaulle est en voyage officiel en Roumanie, toute la France est paralysée. Les chemins de fer, les transports, les postes, la télévision, les services municipaux, les usines – tous sont en grève. Les files d’attente sont de plus en plus grandes devant les banques, les bureaux de tabac et les postes d’essence. Chaque ménagère stocke des provisions (huile, sucre, café, nouilles, confitures) qu’elle pose au fond des placards, sur le balcon ou dans la baignoire. Chacun se prépare pour une guerre civile. Chacun croit assister à la fin du régime.
Face à cette situation, l’opposition demande la démission du Gouvernement dirigé par le Premier ministre Georges Pompidou. De retour à Paris, de Gaulle, hurle en colère sa fameuse phrase : « La réforme – oui, la chienlit1 – non ! », annonce que le Gouvernement sera remanié et que l’Assemblée est dissoute.
Le 27 mai, le Premier ministre, Georges Pompidou, tente de calmer les esprits en signant les accords de Grenelle2 qui relèvent le SMIG3 , réduisant la durée du travail pour ceux qui font plus de quarante-huit heures par semaine. Mais le climat reste tendu.
Le 30 mai, une grande manifestation de soutien au Général doit réunir tous les « défenseurs de la République » pour le « retour à l’ordre ».
À 16h 30 le président de la République prend soudain la parole à la radio. Des millions de Français sont à l’écoute : est-ce l’annonce de son départ ? D’un changement de Gouvernement ? Cette fois, de Gaulle trouve le ton et les mots justes pour retourner une opinion qui ne demande au fond qu’à retrouver le « sauveur » habituel, pour sortir de l’anarchie des dernières semaines. Dès la fin de l’intervention radiodiffusée, les rangs des manifestants arrivés place de la Concorde se gonflent considérablement. C’est une véritable marée humaine qui déferle vers l’Étoile. On chante La Marseillaise, on brandit des drapeaux tricolores.
Dès le lendemain de l’intervention du général de Gaulle, les services publics, SNCF, transports parisiens reprennent le travail. La révolution du Mai 1968 est terminée.
1 Désordre (vieilli).
2 Le nom de Grenelle vient de l’endroit où se négociaient les accords, au ministère du Travail, situé rue de Grenelle. C’est l’hôtel construit à la fin du XVIIIe siècle, ancien palais archiépiscopal, affecté au ministère du Travail depuis 1905. La « salle des Accords », ainsi nommée depuis lors, est une ancienne salle à manger dont le décor du 18e siècle est préservé.
3 Salaire minimum interprofessionnel garanti, a été créé en France par la loi du 11 février 1950.