Arts et culture
Cinquante ans de calvitie au Théâtre de la Huchette
Le 17 février 2007, au Théâtre de la Huchette, s’est tenue 15 762ème représentation de la pièce La Cantatrice chauve. Le Livre Guinness des records, cinquante ans de représentations non-stop avec une centaine de comédiens pour les huit rôles, 1 503 288 spectateurs depuis le 16 février 1957 : de quoi remplir à l’aise vingt Stades de France, un soir tous les deux ans et demi.
Toute une semaine, les anciens ont été à l’affiche : Odette Barrois, Nicolas Bataille, Claude Darvy, Claude Debord, Roger Défossez, Jacques Legré, Simone Mozet et Dominique Scheer. Miracle du théâtre à vide, La Cantatrice chauve doit son titre à un lapsus. En répétition, le comédien, au lieu de dire « ... un homme qui avait pris pour femme une institutrice blonde... » s’entend proférer : « ... qui avait pris pour femme une cantatrice chauve... »
Miracle de l’inconscient. Chance. Nicolas Bataille, lauréat du Prix des jeunes compagnies pour Une saison en enfer, travaille ce texte délicieusement idiot que lui a transmis une amie roumaine. Auteur Ionesco, Eugène, inconnu, un Roumain débonnaire qui a bricolé une thèse sur le péché et la mort dans la poésie française, pond des vers, rêve de tragique du langage, vivote de corrections dans une maison d’édition, apprend l’anglais dans L’Anglais sans peine, décide d’en garder le titre pour une pièce, se retrouve, par la grâce d’un lapsus, auteur de La Cantatrice chauve.
Première en 1950 aux Noctambules. Derrière Ionesco flottent l’air du temps, les lettristes, le Collège de pataphysique, le désir d’en sortir. Qui règne alors ? Au mieux, Giraudoux, Anouilh, Sartre. La critique ne s’y trompe pas : « Heureusement, nous n’entendrons plus parler de M. Ionesco. » Paulhan, Queneau, Salacrou sont pourtant là, au milieu des sifflets et des colères.
D’un mois, on passe à cinquante ans. Nicolas Bataille maintient sa mise en scène. « On ne joue jamais plus de quinze jours. Sur scène, on ne sait jamais avec quel partenaire. Ce sont des surprises, des retrouvailles, de la fraîcheur. »