Je vous salue, ma France
Jeanna AROUTIOUNOVA
Voyage au Pays des gourmets
(Suite. Voir N°1, 3, 5, 6, 7, 9, 10/2007)
Dix commandements de la cuisinière
1. Pensez la veille aux repas du lendemain et même du surlendemain, et, le soir, si possible, prenez un peu d’avance.
2. Arrangez-vous lorsque vous faites des pommes de terre cuites à l’eau, des pâtes, du riz, pour en avoir pour deux fois. Le lendemain, vous les présenterez sous une forme nouvelle, c’est-à-dire avec une sauce différente.
3. Organisez votre cuisine selon vos goûts, mais ayez toujours une grande table couverte d’une matière facile à entretenir, et une pendule bien en vue. Pas de rayons, mais des placards afin que rien ne soit exposé à la poussière.
4. Rangez à la portée de la main votre équipement de cuisinière : le tablier bien enveloppant, à moins que vous ne préférez la blouse qui couvre entièrement la robe, les poignées pour prendre les plats chauds, le bonnet, si vous craignez la vapeur, etc.
5. Avant de commencer à préparer le repas, disposez sur la table tout ce qui vous est nécessaire : ingrédients, livre de cuisine, couteaux et fourchettes, plateau à déchets.
6. Quand vous avez fini une préparation, essuyez la table, rassemblez la vaisselle sale sur l’évier, faites couler le robinet pour qu’elle trempe. Elle sera ensuite plus facile à laver.
7. Observez soigneusement les temps de cuisson. N’ouvrez pas le four pour voir « si ça monte » ou « si ça dore ». Il se peut que les temps de cuisson indiqués dans le livre de cuisine ne correspondent pas exactement aux vôtres car tous les fours ne chauffent pas de la même façon. À vous de faire l’expérience, et de corriger le chiffre indiqué par le livre.
8. Pendant le cuisson d’un plat, mieux vaux rester dans la cuisine et préparer l’entrée ou le dessert. Il est toujours dangereux de s’en aller.
9. Quant on fait un rôti, poser près du four une assiette sur laquelle on mettra la fourchette avec laquelle on le retourne, la cuillère avec laquelle on l’arrose.
10. Si vous disposez d’un balcon ou de jardinières, plantez du thym, de la ciboulette, semez du persil et du cerfeuil. À l’intérieur, vous pouvez cultiver un pot de basilic.
Manières de table
1. Utilisez votre plus belle vaisselle, vos plus beaux couverts, en bannissant tout ce qui est ébréché ou défectueux.
2. Choisissez une nappe en harmonie avec votre vaisselle. Le fin du fin, c’est de retrouver sur une nappe des motifs identiques ou voisins de ceux qui figurent sur la vaisselle.
3. Sachez qu’une seule personne, pour manger à l’aise, a besoin d’au moins soixante centimètres d’espace.
4. N’encombrez pas votre table d’un bouquet trop volumineux ni de bougies trop nombreuses ou trop hautes : rien ne doit gênez la vue et la conversation.
5. Disposez les assiettes à deux ou trois centimètres du bord de la table : il serait dommage qu’en s’asseyant l’un de vos convives fasse tomber une assiette !
6. Les serviettes seront pliées sur l’assiette, soit disposées à proximité, l’ourlet vers le bas. Vous savez qu’il existe mille façons de plier une serviette. Consultez certains guides si vous recherchez une forme non traditionnelle !
7. Pour les vins, l’idéal est d’avoir des verres adaptés aux vins que vous souhaitez offrir. Dans tous les cas, prévoyez au moins un second verre. Aujourd’hui les amateurs d’eau ne doivent pas être oubliés !
8. Placez les fourchettes à gauche de l’assiette, pointes sur la nappe, les couteaux à droite, tranchant à l’intérieur. Si vous servez des fruits de mer, n’oubliez pas les rince-doigts et les serviettes en papier. Les verres, eux, se placent du plus grand au plus petit en partant de la gauche.
9. Derniers conseils : faites le plan de votre table avant de recevoir. Mieux : indiquez le nom de vos invités sur un petit carton plié en deux et disposé avec les couverts.
(d’après Bonnes Choses, n°70)
Savoir vivre à table
Bien se tenir à table est un signe de politesse et de respect vis à vis de se voisins. « Les bonnes manières » ont peu évolué pendant les siècles, il suffit de se contrôler et savoir se servir des différents ustensiles ; les remarques sont souvent faites sous forme d’ordres ou d’interdictions.
Mettre le couvert
ou dresser la table 1
- L’assiette se met au centre.
- La fourchette se met à gauche.
- Le couteau se met à droite.
- La cuiller se met à l’extrême droite.
La tenue à table
- Ne pas mettre ses coudes sur la table en mangeant (toléré si l’assiette est vide ou desservie).
- Ne pas mettre ses mains sous la table.
- Ne pas se baisser vers son assiette, mais élever son couvert vers sa bouche.
- Ne pas tenir ses couverts comme un drapeau.
- Ne pas tenir son couteau comme un stylo.
- Ne pas faire de grands gestes avec ses couverts.
- Ne pas se gratter le nez, ou se curer les dents...
- Ne pas poser sa tête sur ses mains.
- Ne pas tripoter ses cheveux.
- Ne pas lire ou chanter à table.
- Ne pas se balancer sur sa chaise.
- Se tenir bien droit.
- Lorsque l’on a terminé, on pose fourchette et couteau côte à côte sur l’assiette, du côté droit, même si l’on n’a pas tout mangé.
La serviette
- Toujours mettre sa serviette.
- Ne pas l’attacher autour du cou.
- La mettre sur les genoux.
- En famille, toujours plier sa serviette à la fin du repas (jamais lorsque l’on est invité).
Se servir
- On ne se sert pas le premier.
- On ne se sert pas avec ses propres couverts.
- Si on n’aime pas, on ne demande pas autre chose.
- On ne goûte pas dans un plat.
- On ne choisit pas dans le plat.
- Si on aime, on ne remplit pas son asssiette.
- On ne prend pas plusieurs tranches d’un coup.
- On ne se ressert pas sans y avoir été invité.
- On veille à ce qu’il en reste assez pour les autres.
Manger
- On ne mange pas la bouche ouverte.
- On mange lentement et par petites bouchées.
- On ne fait pas de bruit en mangeant.
- On ne parle pas la bouche pleine.
- On ne pousse pas avec ses doigts ou avec son pain.
- On ne se lèche pas les doigts, ni son assiette.
- On ne mange pas avec ses doigts, sauf :
– du fromage, que l’on a posé sur un morceau de pain avec son couteau ;
– des asperges ;
– des fruits, (sauf les pêches et les poires) ;
– les chips ;
– les radis ;
– les coquillages ;
– les crevettes grises ;
– les frites, si l’on est en famille ou avec des intimes et bien sûr... un sandwich !
- On mange avec ses deux couverts. Fourchette à gauche et couteau à droite.
- On ne souffle pas sur un potage trop chaud.
- On ne coupe pas les feuilles de salade avec son couteau.
Boire
- On s’essuie la bouche avant et après.
- On ne vide pas son verre d’un seul coup.
- On ne fait pas « AAH » après !
- On ne met pas d’eau dans du bon vin.
- On ne boit pas avec des aliments dans la bouche.
Vous êtes invité
(et souhaitez
être réinvité !)
- Ne pas s’asseoir avant la maîtresse de maison.
- Ne pas commencer à manger avant la maîtresse de maison (sauf si elle vous y invite).
- Savoir dire que c’est bon (quand c’est bon).
- Ne pas fumer avant le fromage et demander l’autorisation à la maîtresse de maison.
- Ne pas passer le bras devant son voisin pour attraper le sel, lui demander de vous le passer.
Le pain
(à gauche de l’assiette)
- On ne mord pas dans son pain.
- On ne coupe pas le pain avec le couteau, on doit le rompre avec les doigts.
- On ne fait pas de boulettes.
- On n’essuie pas son assiette.
- On ne joue pas avec son pain.
- On ne sauce pas avec ses doigts (on peut éventuellement piquer son pain à la fourchette).
Grands cuisiniers.
Brillat-Savarin
Historien et Écrivain de l’art culinaire, de nombreux produits et recettes portent son nom. Des fromages, des plats et des desserts, mais il n’est l’inventeur d’aucune. Brillat-Savarin marque une étape dans la cuisine française. C’est une référence, une marque presque. Si on met Brillat-Savarin dans le titre d’une recette, elle marche... Les connaisseurs sauront que c’est bon (même si c’est faux...). En attendant, le travail fournit par Brillat-Savarin est important. Il a formalisé de nombreux principes culinaires et posé les bases pour une approche scientifique qui débutera moins d’un siècle plus tard avec la création de la mayonnaise. Mais lui n’a inventé aucune recette.
Curnonsky
Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky (1872-1956). Comme il cherchait un nom d’auteur, Alphonse Allais lui suggéra, l’heure étant à l’amitié franco-russe, : « pourquoi pas «sky» ». Ce qui fut immédiatement traduit en latin : Cur (pourquoi) non (pas), sky. Auteur de 28 opuscules de la France gastronomique. Il fut élu en 1927 « Prince des Gastronomes ».
Dumas (Alexandre)
Écrivain français (1802-1870). C’est en 1869 que le romancier accepta la proposition que lui soumit un jeune éditeur, Alphonse Lemerre, d’écrire un Grand Dictionnaire de Cuisine.
Pour trouver le calme nécessaire à la rédaction de cette entreprise monumentale (1152 pages), Dumas se retira à Roscoff, en compagnie de sa cuisinière Marie. L’ouvrage fut achevé en mars 1870, quelques semaines avant sa mort, et paru en 1872 ; son auteur était persuadé qu’il resterait à la postérité comme son œuvre la plus éclatante. Il est peu fiable sur le plan strictement culinaire, malgré l’amicale collaboration de Joseph Vuillemot, élève d’Antonin Carême, qui publia une version revue et abrégée du Dictionnaire en 1882. Mais, malgré ses erreurs, ses lacunes et ses jugements à l’emporte-pièce, l’ouvrage, écrit dans un style amusant, fourmille d’anecdotes dans des articles mi-savants mi-cocasses, qui en font « le plus savoureux des romans de cape et d’appétit » (J. Arnaboldi).
Auguste Escoffier
Cuisinier, grand chef et auteur de recettes... Auguste Escoffier est aussi l’auteur de nombreuses recettes dont le « Chaud-froid Jeanette » (en souvenir d’un bateau pris dans les glaces du pôle), les « Cuisses de nymphe aurore » (cuisses de grenouilles) pour le prince de Galles ainsi que la « Salade Réjane » et les « Mignonnettes de caille Rachel » (en hommage à deux grandes actrices). Il est aussi connu pour être le créateur de la « Pêche Melba » en 1893 pour remercier Mme Melba du plaisir qu’il a eu à entendre sa voix à l’Opéra de Covent Garden. ... Sa maison natale à été transformée en musée de l’art culinaire en 1966 sur l’initiative d’un de ses anciens commis de cuisine, Joseph Donon. Non seulement il fut un créateur mais il a aussi réformé les méthodes de travail en cuisine en rationalisant la répartition des taches dans la brigade et en veillant à l’image de marque du cuisinier (propre, méticuleux, ne buvant pas, ne fumant pas, ne criant pas). Il remit également en cause certaines recettes traditionnelles en particulier dans le domaine des sauces.
Vatel
Fritz Karl Watel, dit « Vatel » (1635-1671), maître d’hôtel d’origine suisse. Intendant auprès du surintendant des finances Fouquet, il passa ensuite au service de la maison de Chantilly.
Une légende tenace fit de lui un cuisinier, mais en réalité, Vatel était chargé de l’organisation, des achats, du ravitaillement et de tout ce qui concernait la « bouche » et les services administratifs du château. En avril 1671, le prince de Condé lui confia la tâche d’organiser une fête en l’honneur de Louis XIV, avec 3000 invités. La réception commença un jeudi soir. Lors du souper, après la chasse, le rôti manqua à plusieurs tables. Le feu d’artifice prévu fut gâché par le ciel nuageux. Ces incidents persuadèrent Vatel que son honneur était perdu. S’informant de l’arrivée de la marée du vendredi, il apprit que deux charges seulement étaient là. « Je ne survivrai pas à ces affronts », a-t-il déclaré. Il s’enferma dans sa chambre et se transperça le corps avec son épée, au moment même où les chasses-marées franchissaient les grilles du château.
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1 L’expression « dresser la table » a été créée au Moyen Âge : les salles à manger n’existaient pas et l’on posait une planche de bois sur des tréteaux à l’endroit où on désirait déjeuner ou dîner. De nos jours, elle signifie plus simplement « mettre le couvert ».